Chef du restaurant "Beim Schlass" à Wiltz, Killian Crowley défend les produits luxembourgeois en proposant une cuisine classique qui s'adapte aux saisons. Cela lui a valu une distinction décernée par le guide Gault&Millau il y a quelques mois.

"Ici, on n'a pas besoin de travailler avec le dernier ingrédient à la mode." Il y a cinq mois, l'établissement "Beim Schlass" situé dans le nord du Luxembourg à Wiltz a reçu le prix de "restaurant de terroir 2025" par le guide Gault&Millau. Soit une année après la prise de fonction de Killian Crowley, chef belgo-irlandais passé par les cuisines du Clairefontaine et de la Cristallerie à Luxembourg, ou encore de la Distillerie à Bourglinster. Installé loin de la capitale et de ses tendances culinaires, il propose une cuisine traditionnelle, saisonnière, simple en allant chercher ses produits autour de son établissement.

"On ne prend pas trop de risque, on ne veut pas faire peur. On utilise des techniques assez basiques" admet-il. Le chef n'utilise pas ces mots pour rien: lorsqu'il a débarqué dans cette grande maison en 2023, il a voulu lui aussi éblouir ses premiers clients. "C'était assez drôle parce qu'après deux semaines d'ouverture, j'ai changé toute ma carte. J'étais allé trop loin. Ma cuisine était trop poussée avec des sauces un peu travaillées, des fermentations, etc. On a senti tout de suite que ça n'allait pas. On est donc revenus à des plats plus classiques" raconte t-il.

Des plats plus classiques comme par exemple un pressé de cochon de L'Eislek, un filet de biche rôti ou le traditionnel filet de bœuf sauce bordelaise. "Ici, les gens aime manger à la carte" glisse le chef. La priorité étant de passer par le circuit le plus court le plus possible. Un choix "logique" selon lui. "Si on a la possibilité d'avoir un super produit pas loin de chez nous, pourquoi on irait se casser la tête en cherchant ailleurs ? La cuisine, à la base, c’est ça. Si les régions avaient autant de cuisines différentes, c'est parce que les produits n'étaient pas sur l'autoroute dans un camion. En Italie, tous les 50 mètres, il y a une cuisine différente, il y a une recette différente. On a la même chose chez nous."

Killian Crowley cite par exemple la micro ferme du Poncelet, située de l'autre côté de la frontière, à Bastogne, en Belgique. Ou une ferme luxembourgeoise qui lui propose du boeuf Wagyu, en quantité réduite. "On a des producteurs incroyables au Luxembourg. Et des fournisseurs qui peuvent assumer de grosses commandes tout en restant à l'écoute, c'est une grande chance".

Une grande chance qui se conjugue avec celle de pouvoir travailler à son rythme, à la campagne, en suivant d'autres critères que ceux que l'on peut trouver dans les cuisines des plus grandes villes. "Ici, on se fixe des standards élevés, mais je n'ai pas besoin qu'on me colle cette pression insupportable de devoir être parfait en tout point, tout de suite, tout le temps. On prend le temps, ce n'est pas la course" explique le chef trentenaire qui connaît bien les Ardennes: "J'ai fait mes études dans les Ardennes belges et des stages dans les Ardennes françaises."

Un goût pour le local cultivé en Irlande

Ce détachement avec les exigences les plus folles qui agitent certaines cuisines, il l'a sans doute cultivé en Irlande pendant 6 ans, lorsqu'il travaillait aux côtés de Jp McMahon. Ce chef barbu et tatoué du Connemara, qui porte en plus les casquettes d'écrivain et de peintre, est propriétaire du restaurant étoilé Aniar à Galway. Il est aussi fondateur de Food on the Edge, un événement international qui rassemble des personnes du monde entier pour cuisiner, manger et échanger sur la manière de rendre l'industrie alimentaire plus durable.

"C'est quelqu'un qui se concentre plus sur la vision des gens qui travaillent avec lui que sur la performance pure" le dépeint Killian Crowley. "Faire des erreurs, ce n'est pas grave. Il y a des tas de recettes nées d'une erreur et tant pis pour le marketing. En revanche, il tient à faire manger à ses clients des produits locaux qui sont habituellement exportés à l'étranger. L'Irlande n'est pas réputée pour sa cuisine. Pourtant, les viandes, les produits laitiers, ou les algues sont exportés en très grande quantité, ce n'est pas pour rien."

Dans le nord du Grand-Duché, Killian Crowley s'est, en quelque sorte, donné la même mission. Convaincre et fidéliser, en exploitant au mieux les richesses de sa région d'adoption.

🥕 À lire et à regarder :