Élu chef de l'année par le guide Gault&Millau Luxembourg il y a quelques semaines, François Jagut, chef du restaurant gastronomique du Casino 2000 "Les Roses", prône la simplicité et la surprise dans l'assiette.

Il n'a pas le profil d'une star. Et pourtant, François Jagut est dans la lumière depuis la mi-octobre, depuis que le guide Gault&Millau Luxembourg l'a élu chef de l'année 2025. En poste depuis vingt ans aux Roses, le restaurant gastronomique du Casino 2000 de Mondorf, le chef breton de 44 ans travaille "caché" dans ce grand temple du jeu. Pour rejoindre son restaurant, il faut longer une zone de machines à sous et monter un petit escalier. Des joueurs peuvent passer des heures à rêver de décrocher le jackpot sans forcément prêter attention aux trésors gastronomiques que l'on retrouve dans ses assiettes. Discret, on l'aperçoit alors dans sa très grande cuisine, celle où il a été le second du Mosellan Alain Pierron pendant une quinzaine d'années avant de prendre lui-même les commandes du restaurant. Sa longévité en cuisine est plutôt rare dans la gastronomie. "Je me plais bien ici, on me fait confiance. On avance, on arrive à faire de nouvelles choses" dit-il.

Quelque part, François Jagut est un joueur lui-aussi. "J'aime installer un jeu entre le client et moi" répète t-il. S'il avoue vouloir faire plus simple dans l'assiette aujourd'hui, il s'évertue en revanche à susciter de la curiosité constamment. "Je n'ai pas de plat signature" nous répond t-il par exemple. "Ça ne m'intéresse pas spécialement qu'un client vienne chez moi pour manger un plat en particulier. Je ne suis d'ailleurs pas très "plats traditionnels". Je préfère qu'il vienne pour manger un produit, mais qu'il ne sache pas du tout comment je vais le lui préparer. Qu'il trouve quelque chose dans son assiette qui l'interpelle. C'est à partir de là qu'un jeu s'installe."

Amoureux des produits de la mer, l'homme dégage de la simplicité, de la modestie, presque de la réserve. Depuis quelques semaines, il joue le jeu face aux micros tendus mais on devine son envie de retourner derrière les fourneaux pour trouver une nouvelle façon de surprendre les clients. Pour lui, la cuisine est autant une histoire de goût que de partage. De son enfance en Bretagne, il retient surtout les repas familiaux autour des galettes. "C'est là que j'ai découvert qu'on pouvait passer un moment extraordinaire juste en mangeant une galette saucisse" se souvient-il.

Le chef s'est fait tout seul: dans son entourage proche, personne ne travaille dans la restauration. Seul son père était boucher "dans une grosse structure". "L'avantage, c'est que je n'ai pas été formaté. J'ai fait ce que j'ai voulu" nous raconte t-il. "Des fois, quand on doit prendre la succession de ses parents, ça peut être compliqué. Vous pouvez vous sentir emprisonné dans quelque chose qui ne vous plaît pas forcément." Il a plutôt inspiré son frère cadet, resté en Bretagne à Quimper, qui depuis est passé à la pâtisserie.

Après avoir suivi le chemin classique -BEP, BAC Pro- puis frappé à la porte "d'un petit resto" à côté de chez lui, François s'est lancé à la découverte de grandes maisons. Dont celles du chef français Marc Veyrat à Megève et Veyrier-du-Lac, les deux auréolées de trois macarons Michelin. "Découvrir le monde des restaurants triplement étoilés, c'est quelque chose d'unique. J'ai énormément appris" explique t-il. "C'est là que je me suis rendu compte qu'on pouvait apporter sa touche à une recette classique que tout le monde apprend à l'école. Il suffit de bricoler deux, trois trucs et c'est possible d'en faire une recette emblématique."

La suite de sa carrière aura été, à l'entendre, une affaire de hasards. Il est ainsi retourné en Bretagne, près de Lorient, au Domaine de Locguénolé, un établissement Relais & Château. Puis il a posé ses valises au Luxembourg pour vivre une expérience d'un ou deux ans. "Finalement, ça fait 20 ans que je suis là."

Des années passées dans la cuisine des Roses pour désormais "simplifier le plus possible" ses propositions et mettre une priorité absolue sur les produits de qualité. "Faire simple, c'est paradoxalement ce qui est le plus compliqué. Cuisiner une bonne omelette, c'est très technique" avance t-il. "La gastronomie a vécu une période où on travaillait énormément le produit, on faisait des tests de cuisson, des préparations extrêmement complexes. On prenait un plaisir fou mais on perdait un peu le client. Ce que je veux aujourd'hui, c'est ajouter un truc "wahou" à une recette simple. C'est ma priorité."

Et pour cela, François Jagut l'assure, "il y a encore un milliard de choses que je n'ai pas faites".

RTL

Le homard bleu de Bretagne, butternut, glace à la graine de courge et émulsion de betterave de François Jagut. / © Raphaël Ferber / RTL Infos