S’intégrer au Luxembourg, c’est un peu comme cultiver un jardin : avec persévérance, l’effort finit par porter ses fruits, explique une expatriée.

En 2017, Laney Jane MacCormack s’installe au Luxembourg avec son compagnon, qui venait d’y décrocher une opportunité professionnelle. Sa propre carrière, suffisamment flexible, lui permettait alors de partager son temps entre Londres et le Grand-Duché.

Comment avez-vous vécu votre intégration en tant qu’expatriée ?

"Les débuts se sont passés plutôt en douceur, surtout parce que je ne vivais pas ici à plein temps. Pendant près de deux ans, je continuais à travailler à Londres, ce qui m’a permis d’amorcer la transition sans rupture brutale. Mais avec la pandémie et l’arrêt de mes déplacements, les choses ont changé. J’ai commencé à ressentir beaucoup plus fort la distance avec mon pays d’origine. Sans famille ni amis de longue date autour de moi, l’isolement pouvait parfois devenir pesant.

Peu à peu, j’ai compris qu’au Luxembourg, il fallait oser aller vers les autres, même quand ce n’est pas facile. Les premières rencontres ne débouchent pas toujours sur des amitiés profondes, mais en persistant, on finit par se créer un petit cercle dans lequel on se sent vraiment chez soi.

Je suis quelqu’un de créatif, et j’ai trouvé une vraie source d’inspiration en explorant les marchés vintage et en profitant de la vie culturelle. Souvent, cela m’a menée au-delà des frontières, dans les villes voisines. Le Luxembourg offre de belles expositions et de chouettes événements, mais pour élargir ses horizons, il faut accepter de bouger un peu. "

Pensez-vous que le Luxembourg est un endroit attrayant pour les familles ?

 "Le Luxembourg est un endroit formidable pour élever une famille, surtout lorsque les revenus sont confortables. La qualité de vie hors de la capitale est agréable et de nombreuses communes offrent de bonnes infrastructures, notamment en matière de transport ou de garde d’enfants, avec les maisons relais.

Mais le revers de la médaille, c’est le coût de la vie. Pour les familles aux revenus plus modestes, les dépenses liées au logement et à la garde d’enfants peuvent vite devenir écrasantes. Beaucoup finissent par envisager de déménager de l’autre côté de la frontière ou dans des zones plus abordables.

Bien sûr, quand on bénéficie d’un soutien – qu’il soit financier ou familial – il est plus facile de composer avec certaines contraintes, comme la disponibilité limitée des maisons relais ou les longues pauses déjeuner à l’école. Sans ce filet de sécurité, maintenir un équilibre entre vie professionnelle et éducation des enfants devient un vrai défi. J’ai vu des familles prises dans un cercle vicieux : elles ne gagnent pas assez pour payer de l’aide, mais ne peuvent pas non plus travailler faute de mode de garde pour leurs enfants."

Qu’appréciez-vous dans la vie au Luxembourg, et quelles ont été les principales difficultés rencontrées ?

"Il y a beaucoup de choses que j’aime ici : le crémant, les châteaux, et l’incroyable beauté du Mullerthal, pour n’en citer que quelques-unes. Très vite, j’ai eu envie d’aider d’autres expatriés à traverser plus sereinement les hauts et les bas de l’installation. C’est ainsi que j’ai commencé à faire du bénévolat au British Ladies Club. Nous organisons des événements qui permettent aux nouveaux arrivants – et même aux résidents de longue date – de créer des liens.
  
Au fil du temps, j’ai vu combien il est fréquent de se sentir isolé ou d’avoir le mal du pays, surtout si l’on ne trouve pas rapidement une communauté sur laquelle s’appuyer. C’est ce constat qui m’a inspirée à lancer The Little Village of Luxembourg, un groupe pensé pour favoriser ces connexions.
  
Sur le plan professionnel, je me suis impliquée dans le programme Migrant in Fashion, qui aide les créatifs expatriés à trouver leur place et à poursuivre leur activité ici. Monter une entreprise au Luxembourg reste toutefois un vrai défi : les obstacles financiers et administratifs sont nombreux, et beaucoup de projets créatifs finissent par rester officieux ou réduits à une activité à temps partiel.
  
Côté difficultés, la langue est sans doute le premier obstacle. Si l’anglais est largement utilisé dans la vie sociale, ce n’est pas une langue officielle pour les démarches administratives, et cela peut être un vrai choc. Et sur le marché du travail, en dehors de la bulle anglophone, les opportunités restent limitées si l’on ne maîtrise pas au moins une des langues nationales.
  
La reconnaissance des diplômes et des qualifications est un autre frein : j’ai vu des professionnels très qualifiés se retrouver cantonnés à des postes de débutants, voire dans l’incapacité d’exercer leur métier. Quant à la création d’entreprise, c’est une option possible, mais il faut être conscient des coûts de départ très élevés et d’un cadre réglementaire parfois décourageant." 

Quels conseils donneriez-vous aux nouveaux arrivants qui s’apprêtent à vivre leur première expatriation ?

 
"La première chose, c’est d’être bien préparé. Demandez-vous à quoi ressemblerait votre vie si les choses changeaient brusquement – par exemple en cas de perte d’emploi ou si vous deviez gérer les démarches administratives sans parler français, allemand ou luxembourgeois. Sur le plan financier, je conseille d’avoir assez d’économies pour couvrir au moins deux à trois ans de loyer et de frais de subsistance, surtout si vous arrivez sans travail.

Dans l’idéal, essayez d’obtenir un contrat à durée indéterminée avant de vous installer, avec un salaire qui vous laisse une certaine marge de manœuvre. Et si vous venez en couple, parlez franchement de vos projets à long terme : que faire si l’un de vous souhaite, ou doit, repartir – surtout avec des enfants ? Ce ne sont pas des discussions faciles, mais elles sont indispensables.

Enfin, il faut accepter que l’intégration prenne du temps. Cela demande de la patience et des efforts, mais avec de la persévérance – et le soutien d’une communauté – l’expérience peut se révéler extrêmement enrichissante "