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"Sur une période de trois ans, j’ai reçu une dizaine de candidatures. Seule une a fait l'affaire. Et je sais que je ne suis pas la seule à avoir galéré pour trouver une bonne nounou au Luxembourg" témoigne Angélique, une maman expatriée qui a mis sa carrière entre parenthèses pour s'occuper de ses enfants.
Comme d'autres lecteurs/trices, cette maman de deux enfants a répondu à notre récent sondage sur les difficultés faire garder ses enfants au Luxembourg. Cette expatriée, qui a vécu à Paris et à Londres, nous raconte pourquoi les difficultés ont commencé à partir du moment où elle a posé ses bagages à Luxembourg.
"Lorsque nous vivions à Londres, mon mari travaillait pour une banque d’investissement, avec des horaires démentiels. Il ne rentrait pas avant 10h du soir, le week-end il était crevé" se souvient-elle. Heureusement, le couple avait eu de la chance avec les nounous : "C’étaient des nounous qui avaient l’habitude de s'occuper d’enfants, souriantes, qui acceptaient de faire toute sorte de tâches, de cuisiner, de faire le linge pour les enfants..." De vraies "nanny" à la sauce Mary Poppins !
Mais un jour, son mari a une opportunité d'emploi au Luxembourg, "à la BEI (Banque Européenne d'Investissement). C'était une offre très attrayante, avec beaucoup plus de congés et des horaires plus normaux". La petite famille arrive donc au Luxembourg en 2021. "On n'avait jamais mis les pieds au Grand-Duché. Mais mon mari est Allemand, moi Française, donc on se disait que le Luxembourg était un bon compromis, situé entre nos deux pays" sourit-elle.
"On est arrivé pendant la pandémie de Covid, donc ce n’était pas facile. Belair, notre quartier, est très joli, moderne. En revanche, il faut dire que ce n'est pas très vivant, peu de commerces, de cafés… Moi qui venait de grandes villes comme Paris et Londres, ça m'a choqué ! Ici, j'ai l'impression qu'il y a comme une ségrégation entre les grands centres commerciaux où on peut faire des achats, et les lieux résidentiels sans petits commerces."
Mais la plus grande difficulté aura été de trouver une nounou pour sa fille et son fils, alors âgés de 4 et 7 ans.
"J’ai fini par lâcher l’affaire. Aujourd'hui, je gère mes enfants à 100%"
"Luxembourg étant une ville d’expatriés, je partais du principe qu'en arrivant il serait facile de trouver une personne semblable aux nounous que nous avions à Londres", c'est-à-dire "honnête, gentille, flexible, curieuse, ce qui me faciliterait mon installation".
Pour trouver la perle rare, "je me suis inscritesur des groupes Facebook, comme 'Luxembourg Parents', 'Nounou babysitter Luxembourg', j’en parlais autour de moi, mon mari a aussi demandé sur l’intranet de sa banque, ça nous a pris pas mal de temps."

Travailler au Luxembourg et faire garder ses enfants, c'est parfois un vrai casse-tête ! / © Shutterstock
Quatre ans après, "je suis face à l’échec et je sais que je ne suis pas la seule maman à avoir galéré. Sur une période de trois ans, j'ai reçu une dizaine de candidatures de femmes. Parmi celles-ci, deux étaient dépressives; une que j’ai prise comme au pair pendant 6 mois voulait rentrer dans son pays; une autre a pris un poste dans une entreprise; et une autre ne parlait pas anglais", or Angélique avait à cœur que ses enfants continuent de pratiquer cette langue.
Sur cette période "je n’ai rencontré qu’une seule personne fiable mais après un an et demi celle-ci est également partie car elle souhaitait davantage d’heures avec moins de tâches complexes". On lui demande de préciser ses exigences : "Gérer mes enfants, c’est les emmener au parc pour qu’ils se défoulent, donner le bain, plier le linge, vider le lave-vaisselle, mettre le couvert... Pour que je puisse m'occuper du reste".
Bref, ces difficultés l'ont "fortement agacé et du coup j’ai fini par lâcher l’affaire. Aujourd'hui, je gère mes enfants à 100%, et j'ai abandonné l'idée de rejoindre une entreprise car je ne veux plus galérer les horaires inflexibles de la vie de bureau". Elle s'est donc lancée à son compte, a fait une formation en coaching et s'est spécialisée dans la prévention du burnout parental.
Confier son enfant à une nounou... et passer à côté des "petits bonheurs de la vie" ?
Comment gère-t-elle le fait d'avoir mis sa carrière entre parenthèse pour ses enfants, à la différence de son mari ? "La répartition de la charge parentale s’est améliorée quand je suis arrivée au Luxembourg, car il rentre plus tôt, entre 18h30 et 19h. En général, j’ai préparé le diner, les enfants ont pris leur bain et leur douche, et mon mari rentre, il arrive à nous rejoindre au milieu du repas, il vérifie avec les enfants leurs devoirs, il lit une histoire à ma fille… Donc il est davantage présent, ça va mieux de ce côté-là."

Les parents ne doivent pas oublier "les petits bonheurs de la vie avec nos enfants, comme faire une ballade en forêt, avoir une conversation à table" rappelle Angélique. / © DR
Mais elle garde un avis critique sur la garde parentale au Luxembourg : "Autour de moi, plein de parents ont des problèmes. Depuis le mois de juillet, une de mes amies s’est inscrite à deux agences, et elle ne trouve toujours pas de personnel compétent. Je pense que le Luxembourg a fait le choix, que je peux comprendre, de miser sur la garde collective, donc les crèches, foyers, etc., car c’est plus efficace d’un point de vue étatique. Mais du coup les gens les plus compétents doivent être attirés en priorité par ces structures. Donc il reste moins de gens compétents pour les gardes individuelles." Et "beaucoup de femmes de mon âge, dont les enfants sont déjà plus grands, cherchent une garde notamment pour les après-midi, lorsqu'ils sortent de classe et qu’il faut les emmener faire des activités, et donc pour une nounou, c’est peut être pas assez rentable, ça ne représente pas assez d’heures. Mais ce n’est pas la faute du Luxembourg, ça doit être pareil dans d'autres pays".
Confier ses enfants à des nounous, c'est aussi s'exposer à des critiques, notamment celle d'être un "mauvais parent" qui choisit la facilité. Angélique ne le nie pas, mais nuance. Elle pointe en particulier le recours excessif aux écrans, tablettes et autres "nounous numériques" : "Au Luxembourg, les gens ont des revenus très élevés, dans des secteurs très intenses comme la finance, donc ce sont des parents qui travaillent énormément, ils n’ont pas beaucoup le temps de s’occuper de leurs enfants. Donc souvent, les enfants ont rapidement accès à des objets numériques. Dans la classe de mon fils, ils sont 10, il y en a déjà 5 qui ont un portable, à 11 ans ! Ces enfants ont accès à ces objets numériques sans que ca soit forcément contrôlé par leurs parents."
Elle plaide aussi pour que les parents n'oublient pas "les petits bonheurs de la vie avec nos enfants, comme ouvrir un bouquin, avoir une conversation à table"... ou une ballade en forêt. "Mon fils est très ami avec un garçon adorable dont les deux parents travaillent, et un jour, je les ai emmenés en forêt pour faire une balade. Et le garçon arrive dans la forêt, il était tout excité, comme s'il découvrait la ballade en forêt en famille ! Il voulait construire une cabane, grimper aux arbres... Donc j’ai demandé à mon fils 'mais il fait quoi avec ses parents le week-end?' Mon fils, qui a déjà été chez eux, m'a dit que la plupart du temps, son copain est sur ses jeux vidéo, car son père va à la gym, sa mère fait les courses..."
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