Élever des enfants bilingues au Luxembourg implique de surmonter des défis linguistiques, scolaires et culturels.

Élever des enfants bilingues n’est pas toujours simple, comme en témoignent deux familles installées au Luxembourg. Rachel, Française, et Emma, d’origine anglo-italienne, ont toutes deux fait le choix d’encourager leurs enfants à maîtriser l’anglais tout en préservant leur identité culturelle.

Pour s’assurer que leurs enfants acquièrent un bon niveau d’anglais, elles ont opté pour des écoles anglophones. Mais ce parcours, bien que prometteur, s’accompagne aussi de défis linguistiques, émotionnels et éducatifs, qu’elles apprennent à surmonter au quotidien.

Rachel et son mari, tous deux Français, vivent en France

Leurs trois enfants sont scolarisés dans la section anglophone de l'École internationale de Differdange, au Luxembourg.

Rachel : J’ai grandi en France, étudié l’anglais à l’université et vécu quelques années à l’étranger, notamment au Royaume-Uni et au Canada. Avec mon mari, nous avons fait le choix d’élever nos enfants en bilingue. L’anglais, en tant que langue internationale, a toujours eu une grande importance pour moi, et j’ai toujours rêvé que mes enfants puissent le parler couramment.
Nous voyageons régulièrement, et je voulais qu’ils aient le même niveau que des anglophones natifs, convaincue que cela leur donnerait les compétences et l’indépendance nécessaires pour communiquer partout dans le monde. Ici, au Luxembourg, ils grandissent aux côtés d’enfants qui parlent trois ou quatre langues. Je pense que maîtriser l’anglais en plus de leur français maternel leur ouvrira davantage de portes, tant pour voyager que pour leur future carrière.

Mes deux aînés ont fréquenté une crèche anglophone avant d’intégrer l’école internationale St George’s. Aujourd’hui, tous les trois sont inscrits dans la section anglophone de Differdange. Nous avons fait le choix d’une école anglophone plutôt qu’une école bilingue afin qu’ils soient immergés uniquement en anglais et exposés à davantage de locuteurs natifs.

Nous vivons en France, entourés de notre famille et de nos amis français, et nos enfants pratiquent leurs activités extrascolaires en français. Pour nous, le français est donc la langue majoritaire. À la maison, nous parlons presque exclusivement français, car mon mari ne parle pas anglais. J’utilise l’anglais avec les enfants uniquement pour les aider dans leurs devoirs ou lorsqu’on lit ensemble.

Je remarque cependant que mes enfants jouent parfois entre eux en anglais, surtout quand ils ramènent à la maison des jeux qu’ils ont l’habitude de faire à l’école ou lorsqu’ils utilisent des expressions sans réelle traduction en français, comme pinky promise ou jinx. De temps en temps, nous regardons aussi un film en anglais tous ensemble.

Éduquer des enfants bilingues n’est pas sans défis, et j’ai souvent été remise en question et critiquée pour ce choix. Comme mon mari ne parle pas anglais, je suis la seule à pouvoir aider mes enfants avec leurs devoirs, leurs tests, à envoyer des e-mails aux enseignants, à participer aux réunions de parents, etc. Et j’ai parfois peur qu’une fois qu’ils auront atteint un certain niveau scolaire, je ne sois plus en mesure de les accompagner de la même manière. Cela inquiète parfois mon mari, car il ne peut pas vraiment s’impliquer dans leur scolarité ni communiquer avec les parents des autres enfants de la classe. La barrière de la langue a aussi été évidente lorsque ma mère est venue aux spectacles de Noël des enfants et n’a pas compris les chansons.

Cependant, mes enfants n’ont jamais remis en question l’idée de les inscrire dans une école anglophone, même si je ressens parfois leur frustration de ne pas pouvoir s’exprimer aussi bien en anglais qu’en français. Mon aîné s’améliore beaucoup en français au fur et à mesure qu’il grandit et il a même appris à conjuguer les verbes dans ses cours de français. En revanche, mon fils cadet trouve difficile de comprendre que, bien qu’il vive dans son pays d’origine et comprenne tout ce que les gens lui disent, il ne soit pas capable de lire ou d’écrire dans sa langue maternelle.

Malgré tout, ils aiment fréquenter une école anglophone et sont fiers de leur bilinguisme. Être bilingue encourage la flexibilité et l’ouverture d’esprit, et mes enfants sont très heureux de grandir entourés de personnes issues de cultures et de pays différents.

Conseils:  

  • Continuez à utiliser les deux langues, en particulier la langue minoritaire.
  • Essayez de rencontrer des gens : trouvez des amis qui parlent la langue cible, organisez des rencontres avec des locuteurs natifs.
  • Faites des activités ensemble pour vous concentrer sur la langue minoritaire, comme regarder un film.

J’étais très déterminée à ce que cela fonctionne pour mes enfants, il faut être motivé pour réussir.

Emma est anglaise, et son mari italien. Ils habitent en Belgique

Les enfants d'Emma fréquentent tous deux la section anglaise de l'École internationale de Differdange, au Luxembourg.

RTL

Emma, British, and her husband, Italian, live in Belgium. / © Emma

Emma : Dès le début, il était clair que nos enfants apprendraient l'anglais et l'italien. Mon mari et moi pensions qu'il était essentiel qu'ils puissent communiquer dans ces deux langues pour garder le lien avec nos familles respectives. En étant bilingues, ils ont des relations plus proches avec leur famille en Angleterre et en Italie. De plus, il était important pour nous qu'ils grandissent en comprenant et en célébrant leurs racines, surtout qu'ils sont nés en Belgique et se considèrent un peu comme des Belges.

À la maison, je parle anglais avec eux, et mon mari utilise l'italien. Ils apprennent aussi le français à l'école, ce qui est nécessaire puisqu'on vit dans un pays francophone, mais notre priorité reste le bilinguisme. Les garçons sont scolarisés en anglais, ils adorent cette langue, et la plupart de leurs amis sont anglophones. C'est donc l'anglais qu'ils choisissent naturellement pour s'exprimer et dans lequel ils se sentent les plus à l'aise. Du coup, l'anglais est la langue principale pour eux.

Cela dit, la culture dominante dans notre maison reste l'italienne. La nourriture, les traditions, les repas en famille… nous vivons tout d’une manière très italienne. La plupart de nos vacances se passent en Italie, où nous retrouvons notre famille et nos amis, pour nous imprégner du mode de vie italien. Cependant, nous faisons aussi des voyages au Royaume-Uni deux fois par an. L'italien des garçons n’est pas aussi fluide que leur anglais, et mon mari exprime parfois sa déception de les voir ne pas utiliser l'italien autant qu’on le souhaiterait. Parfois, on a l’impression qu’ils choisissent délibérément de ne pas parler italien. Nous avons essayé de ne parler qu'italien à la maison un jour par semaine, mais cela n’a pas duré. Mon aîné suit des cours d'italien en ligne chaque semaine et vient de passer à l’italien comme première langue (L1) à l’école, ce qui, on espère, sera bénéfique à long terme. En fin de compte, nous nous entendons pour utiliser la langue dans laquelle chacun se sent le plus à l’aise afin de pouvoir s’exprimer pleinement.

Élever des enfants bilingues ne vient pas sans défis. La langue minoritaire génère parfois de l’anxiété, et les enfants qui ne sont pas aussi à l’aise avec les langues peuvent rencontrer des difficultés. Mon aîné n’a pas fait de phrases complètes avant l’âge de quatre ans, et bien que ce soit normal pour un enfant bilingue, nous avions parfois l’impression de ne pas faire assez. En général, les garçons ont un niveau de lecture et d’écriture légèrement en dessous de la moyenne, ce qui a mené certains enseignants à se demander si mes enfants avaient des difficultés d'apprentissage. On a tendance à comparer un enfant bilingue à un enfant monolingue, ce qui peut poser problème.

Maintenant que mon aîné est adolescent, il nous dit parfois qu’on le fait "souffri" en lui imposant de choisir l’italien comme L1 à l’école et il a tendance à nous accuser lorsqu’il obtient une mauvaise note. Cela me peine de les voir galérer parfois, mais nous les encourageons à persévérer, à renforcer leur résilience, et à relever ce défi qui est aussi une stimulation mentale. Pour nous, les avantages du bilinguisme l’emportent largement sur les inconvénients.

Conseils:

  • Croyez en votre vision et tenez-vous-y.
  • Aidez les enfants à comprendre que leurs capacités linguistiques leur permettent d'approfondir les relations familiales, de développer de nouvelles compétences et d'accéder à de nouvelles opportunités.
  • Gardez le contrôle et n'abandonnez pas. Vos enfants ne savent pas nécessairement ce qui est le mieux pour eux en ce moment, mais ils vous remercieront quand ils seront plus âgés !


En savoir plus – Éduquer un enfant bilingue