
© Thomas Toussaint / Archives RTL
Le gouvernement français veut créer un RER entre Metz et Luxembourg. Un projet très ambitieux... Voire intenable si des changements ne sont pas actés.
Au rayon des promesses presque intenables, Elisabeth Borne a fait fort. Pour offrir de meilleures conditions de transport aux frontaliers, la ministre française de la Transition écologique et solidaire a répété plusieurs fois qu’elle souhaitait développer une offre de trains équivalente à celle d’un RER entre Nancy, Metz et Luxembourg. Le maire sortant de Thionville, Pierre Cuny, partage sa proposition: "Il faudrait mettre en place un RER, comme à Paris, qui passerait dans l'idéal toutes les trois minutes en période de pointe afin d'absorber le flot de travailleurs et de voyageurs. Je ne vois pas pourquoi on n'y arriverait pas."
Une fois l’effet d’annonce passé, la promesse apparaît pourtant de plus en plus intenable. À Paris, le RER circule toutes les trois à cinq minutes en heures de pointe, sur des voies qui lui sont pleinement réservées. Chaque train du RER A peut transporter jusqu’à 2.600 personnes, de quoi permettre à la ligne d’atteindre une capacité de 1.400.000 voyageurs par jour, explique la RATP (pour Régie Autonome des Transports Parisiens).
Sur la ligne Nancy-Metz-Luxembourg, une des plus fréquentées et des mieux équipées du Grand Est, la SNCF a mis en place des trains à deux étages, souvent composés de deux rames pouvant accueillir en tout environ 600 personnes. Au plus fort des heures de pointe, on peut compter jusqu'à six trains par heure et par sens à Thionville. Ce qui n'empêche pas certains trains, notamment ceux circulant entre 6h et 8h (et 16h et 19h le soir) d'accueillir parfois plus de voyageurs qu'ils ne le devraient. Et contrairement aux trains de Paris, ceux-là ne circulent pas sur des voies réservées.
La création d'un RER représente un véritable défi et ce n’est pas faute d’y mettre de gros moyens. La Région Grand Est a prévu d'agrandir les quais des principales gares de la ligne pour accueillir des trains "triples" (avec trois rames au lieu de deux, soit 900 places) et a investi plusieurs dizaines millions d’euros pour racheter des rames supplémentaires aux autres régions. Une dépense qui pourrait permettre de faire circuler jusqu'à dix trains par sens et par heure lors des pointes du matin et du soir. Soit, en moyenne, un toutes les six minutes.
Pourtant, à court terme, difficile d'imaginer un RER sur la ligne. Le projet se heurte notamment aux capacités actuelles des infrastructures. Les trains peinent souvent à entrer en gare de Luxembourg, devenue trop étroite pour supporter l’organisation du réseau du Grand-Duché. Son agrandissement doit être bouclé en 2024, deux ans après la mise en service de la nouvelle ligne Luxembourg-Bettembourg, qui permettra de supporter la hausse de trafic dans le sud du pays. D'ici là, il est peu probable de voir une réelle amélioration se produire.
Le RER risque surtout de ne pas voir le jour tant que la ligne sera le lieu d'une difficile cohabitation entre les TER, les TGV (qui effectuent le parcours sans aucun arrêt dans les gares intermédiaires) et les (encombrants) trains de marchandises. Tout ce petit monde n'a évidemment pas les mêmes contraintes ni les mêmes besoins de circulation. Et quand l'un tombe en panne, tous les autres subissent des retards.
Alors que l'A31bis patine depuis la fin du siècle dernier, il y a pourtant tout à gagner à la création d'un véritable RER entre Nancy et Luxembourg. Les frontaliers ne seraient d'ailleurs pas contre le passage de quelques trains supplémentaires... À condition de leur offrir un service fiable et ponctuel. Cela passera, forcément, par une remise en question de cette cohabitation sur les rails et la fin des grands chantiers d'infrastructures sur la ligne. D'ici là, les frontaliers peuvent serrer les dents: ils ont encore quelques années de galère en vue.