
Cinq policiers suspendus comparaissent depuis mardi devant le tribunal d'arrondissement de Luxembourg.
En 2019, l'un des policiers poursuivis a arbitrairement battu un homme, censé passer la nuit en cellule de dégrisement. Il est notamment accusé d'"actes de torture". Les quatre autres fonctionnaires de police sont poursuivis pour "non-assistance à personne en danger", mais aussi pour avoir aidé l'accusé principal à dissimuler les faits. Les cinq sont encore accusés de faux et d'entrave à la justice.
Le juge a immédiatement trouvé des mots forts pour s'adresser au principal accusé. "Vous avez causé un tort immense, car si nous ne pouvons plus croire ce que vous écrivez dans vos procès-verbaux, alors nous pouvons tout arrêter ici. Et les questions que le public se pose: est-ce que la violence policière est monnaie courante?"
En 2019, le principal accusé a été appelé avec deux jeunes collègues policières dans un café à Esch-sur-Alzette pour une bagarre. À leur arrivée, la situation s'était déjà calmée. Cependant, la future victime, qui aurait jeté une chaise sur un autre client du bistrot au cours de la bagarre, était fortement alcoolisée. Avant son transfert en cellule de dégrisement, un médecin devait établir un certificat attestant qu'elle était apte à être détenue. Une autre patrouille est arrivée avec une camionnette pour conduire l'homme au CHEM, le Centre hospitalier Emile Mayrisch. Mais déjà avant qu'il ne monte dans le véhicule, une altercation a éclaté. Finalement, l'homme a effectué le trajet jusqu'à l'hôpital allongé sur le plancher du fourgon de police, entre les sièges.
A leur arrivée au CHEM, l'un des policiers est allé chercher un fauteuil roulant. Ils ont installé l'homme dedans, ce qui lui a fait mal, car il avait les mains menottées dans le dos. Il a alors tenté de se lever. Mais les policiers l'ont tiré en arrière. Devant l'ascenseur, avant d'arriver chez la médecin, le policier a donné un premier coup de poing à la victime dans le ventre. Après le passage chez la médecin, ils sont retournés, cette fois sans fauteuil roulant, deux policiers retenant la victime par les bras jusqu'à la camionnette. Peu avant d'y arriver, ils l'ont retournée face à l'accusé principal, qui arrivait par derrière et qui l'a frappée au visage avec ses gants renforcés. L'homme s'est évanoui. Les policiers l'ont hissé dans la fourgon et, après avoir ri entre eux, ils sont partis au commissariat.
Ces faits ne font aucun doute, car les caméras de surveillance du CHEM ont tout filmé et les extraits ont été montrés à l'audience mardi. Au commissariat, les policiers ont accompagné l'homme ivre jusqu'à sa cellule, puis le couloir et la camionnette ont été nettoyés, car la victime avait perdu du sang partout. Son œil était complètement fermé et très enflé, selon l'enquêteur de l'Inspection générale de la police, comme l'ont montré les vidéos de surveillance du commissariat. Les fonctionnaires ne sont pas non plus allés voir la victime toutes les deux heures, comme le prévoit le règlement.
Après six heures sans contrôle, l'équipe du matin a trouvé l'homme dans cet état et a appelé une ambulance. L'agent a également remarqué que le certificat médical ne faisait mention d'aucune blessure au visage, mais que l'homme semblait "avoir été heurté par un train".
"Il aurait pu mourir", a déclaré le juge, par exemple, en s'étouffant avec son propre sang. "Vous avez brisé tout ce qui pouvait l'être chez cet homme", a-t-il dit au principal accusé.
Ce dernier a vite compris que cela n'était pas bon pour lui. Il a contacté ses collègues, tous plus jeunes que lui. Il a fait pression sur eux. Il a fabriqué de toutes pièces une histoire: que l'homme présentait déjà des blessures au visage dans le café, parce qu'il s'était frappé la tête contre la table du bistrot ou contre la cloison de séparation dans la camionnette. L'une de ses collègues l'a aidé à recueillir de faux témoignages en ce sens. Les policiers ont tous signé le faux procès-verbal qui a été transmis au parquet. Ils y affirmaient qu'il avait tenté de les mordre et qu'il avait craché sur eux. Tout était inventé.
Le juge a demandé à l'accusé pourquoi il avait frappé l'homme si violemment qu'il en avait pleuré. "Une collègue avait élevé la voix", a-t-il répondu, "et puis je suis parti en vrille." Pourquoi les autres n'avaient-ils pas emmené la victime immédiatement chez un médecin? Trois sur quatre ont déclaré n'avoir plus regardé l'homme en face après cela.
Pourquoi avaient-ils signé le faux procès-verbal? Parce qu'ils n'avaient pas osé s'opposer à leur collègue qui avait plus d'ancienneté, de peur d'être considérés comme des "traîtres", des "moutons noirs qui tombent sur le dos des collègues".
A la question de savoir pourquoi ils pensaient s'en tirer, personne n'a pu donner de véritable réponse.
Le procès se poursuivra mercredi après-midi.
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