Coup de tonnerre pour Marine Le Pen: la leader du RN, malgré des sondages d'intentions de vote au zénith pour 2027, voit son avenir politique subitement s'assombrir, empêchée à ce stade par la justice de concourir à la prochaine présidentielle.

Marine Le Pen va "faire appel", a indiqué lundi son avocat, Me Rodolphe Bosselut, après la condamnation de la cheffe de file de l'extrême droite française à une peine de prison de quatre ans dont deux ferme, et d'inéligibilité de cinq ans avec effet immédiat.

"C'est un coup à la démocratie", a-t-il affirmé à la presse devant le siège parisien du parti Rassemblement national. Marine Le Pen, considérée comme l'une des favorites de la présidentielle prévue en 2027, reste "combative", a assuré Laurent Jacobelli, député RN et porte-parole du parti.

S'y attendait-elle? Depuis plusieurs semaines, la patronne de l'extrême droite française feignait de "ne pas penser" à son échéance judiciaire. "Elle se disait qu'ils n'oseraient pas", soufflaient certains de ses lieutenants.

Mais en suivant les réquisitions du procureur - cinq ans d'inéligibilité, quatre ans d'emprisonnement dont deux ferme -, le tribunal correctionnel de Paris a mis à exécution la "mort politique" tant redoutée par la députée du Pas-de-Calais, qui ne pourrait sur le papier pas se présenter une quatrième fois à la course à l'Elysée dans deux ans.

"Le jour où l'Histoire doit se jouer", tel que l'avait annoncé un député RN la semaine dernière, se révèle donc funeste pour Marine Le Pen, qui a construit sa carrière sur l'ambition d'être élue présidente de la République.

Reconnue coupable d'avoir mis en place un système de détournement frauduleux d'enveloppes de l'Union européenne pour le seul profit de son parti, l'opprobre pénal rejaillit désormais sur l'avenir politique de la "patronne".

Qu'importe que "les gens n'aient rien compris et retenu qu'il n'y avait pas d'enrichissement personnel", tel que le martèle un proche.

Derniers verrous

Marine Le Pen, réputée "superstitieuse" selon son entourage, croyait pouvoir compter sur sa bonne étoile qui l'avait jusque-là tirée de toutes les mauvaises passes.

Comptes du Front national, devenu Rassemblement national, au bord de la faillite; débat de l'entre-deux-tours de la présidentielle de 2017 tellement raté qu'il devait la mettre sur la touche à jamais; concurrence d'Eric Zemmour cinq ans plus tard... "On s'en est toujours sorti et on s'en sortira toujours", aimait-elle crâner en privé.

La dernière ligne paraissait droite vers ce qui lui a toujours manqué, le pouvoir.

Après deux accessions au deuxième tour de la présidentielle lors desquelles elle avait accusé les pires scores - après son père - d'un finaliste à la course à l'Elysée, ou des législatives anticipées l'été dernier annoncées triomphales par les sondages, mais soldées par un échec à obtenir une majorité à l'Assemblée, les voyants semblaient enfin au vert.

Les derniers verrous n'allaient-ils pas sauter d'ici 2027? Un sondage Ifop pour le JDD dimanche forçait en tout cas l'optimisme, la créditant de 34 à 37% d'intentions de vote pour la présidentielle, très loin devant ses concurrents.

Sous la Ve République, les rares candidats qui ont connu une telle configuration à deux ans de l'échéance ont tous remporté l'élection.

Le recours Bardella

Le coup de tonnerre de lundi ouvre un abysse d'incertitudes.

Marine Le Pen, qui a annoncé qu'elle allait interjeter appel, pourrait compter sur un deuxième procès pour faire reconnaître son innocence ou, à tout le moins, écoper d'une peine davantage clémente. Car une peine d'inéligibilité, si elle n'est pas assortie d'exécution provisoire, serait suspendue par un recours devant la Cour de cassation.

Encore faudrait-il que cette audience ait lieu avant 2027, en comptant deux mois de débat et au moins autant à leur issue avant que la décision ne soit rendue.

Un baromètre Odoxa pour Public Sénat paru lundi fait en outre état d'une situation politique paradoxale pour Marine Le Pen: elle est la personnalité politique préférée des Français (37%, + 4 points en un mois), mais, en même temps, la cinquième la plus rejetée (48%, +1 point).

Si un tiers des Français - la même proportion chez les sympathisants RN - jugent que sa condamnation est "plutôt un handicap pour le RN", les deux autres tiers estiment soit que c'est "plutôt un atout car cela permettrait au parti de présenter Jordan Bardella en 2027", soit "ni un atout, ni un handicap", les deux figures étant "aussi appréciées l'une que l'autre".

"Ce n'est pas seulement Marine Le Pen qui est injustement condamnée : c'est la démocratie française qui est exécutée", a réagi lundi le dauphin putatif après la décision du tribunal.

Jusqu'alors promis au seul poste de Premier ministre, celui qui aura 30 ans en septembre pourrait-il reprendre le flambeau pour la présidentielle? "Je ne veux pas formuler cette hypothèse: le verbe est créateur", tremblait la semaine dernière un député "mariniste".

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