© Hans Lucas via AFP
Beaucoup d'offres, peu de diplômés, des jeunes pas très attirés et un vivier frontalier qui a atteint ses limites. Dans le secteur de l'aide et des soins qui propose des centaines d'emplois au Luxembourg, les recruteurs galèrent de plus en plus. Témoignages.
C'est le boom de la "silver économie" au Luxembourg et les services d'aides et de soins qui doivent permettre d'améliorer la qualité de vie des personnes âgées et de garantir leur autonomie le plus longtemps possible, se développent de façon rapide et continue. L'Association luxembourgeoise Alzheimer (ALA) par exemple, est passée de 280 collaborateurs fin 2019 à 410 aujourd'hui. Et actuellement "nous cherchons une quarantaine de personnes à temps partiel ou temps plein", glisse Tom Petit, chef des ressources humaines. Dans tout le pays, les compétences, les bras et surtout la bienveillance des infirmiers et des aides-soignants sont demandés comme jamais.
"On a de plus en plus en plus de personnes âgées desquelles il faut s'occuper. Et de moins en moins de personnes qui se forment", résume d'un trait la situation au Luxembourg, Delphine Lemelle, responsable recrutement à la Stëftung Hëllef Doheem. Le plus grand réseau d'aides et de soins au Luxembourg emploie près de 2.000 salariés et cherche actuellement à recruter une soixantaine de collaborateurs. Parmi eux, les infirmiers et aides-soignants "représentent 90% des postes ouverts".
© Emile Mentz / RTL
La Stëftung Hëllef Doheem n'est pas la seule à "ramer" pour trouver des candidats en ce début 2025. Le nombre de stands occupés par des acteurs du secteur des aides et des soins à la personne lors du jobdag, organisé par RTL jeudi à la City Concorde à Bertrange indique l'ampleur des besoins.
"Il y a vraiment une grosse tension sur le marché" pour recruter, reconnaît volontiers le gestionnaire du personnel chez Zitha, groupe qui emploie 800 salariés pour gérer des maisons de soins et proposer des soins à domicile notamment. Sa "plus grande difficulté" c'est de "trouver les candidats qui ont le diplôme et les langues c'est-à-dire le luxembourgeois, le français et l'allemand. Très souvent les candidats ont l'un, mais pas l'autre". C'est le cas de travailleurs frontaliers qui, une fois sur le terrain, se retrouvent face à une clientèle luxembourgeoise qui est atteinte de démence.
Cherche 900 infirmiers
La nouvelle loi qualité des services pour personnes âgées de 2024 a mis l'accent sur la nécessité de comprendre les résidents et l'obligation d'atteindre le niveau B1 en luxembourgeois endéans deux ans. Nombre d'employeurs mettent en avant les cours dispensés dans leurs structures, d'autres offrent une aide financière de plusieurs centaines d'euros aux diplômés.
Comme "on a du mal a trouver des aides-soignants tellement il y a d'offres, on doit trouver des moyens pour dire qu'on est un employeur intéressant", explique Tom Petit de l'ALA. Car contrairement à un infirmier qui doit avoir un niveau bachelor, les aides-soignants peuvent être formés en cours d'emploi. L'ALA met en avant son "service formation qui prépare tout le monde" et qui est "ouvert sur l'extérieur pour avoir des échanges enrichissants", comme l'avance Tom Petit.
© Emile Mentz / RTL
La perle rare pour les recruteurs, c'est l'infirmier diplômé. D'autant que l'Ecole nationale de Santé n’en forme pas suffisamment. Seuls "68 diplômés du BTS infirmier pour l'année scolaire 2023-2024", alors que "les besoins en personnel infirmier sont importants, avec plus de 900 postes à pourvoir d'ici cinq ans", avait indiqué en novembre la COPAS qui fédère 58 prestataires des services d'aide et de soins au Luxembourg, soit 13.000 salariés. Face à la pénurie de soignants, elle a ouvert une table ronde pour trouver des solutions durables.
Le "mur" des départs massifs en retraite approche
Globalement les recruteurs sont confrontés à "un problème de masse et les raisons sont multiples", résume Marc Muller, conseiller employeurs à l'Adem pour le secteur Santé et Socio-éducatif. Il cite en vrac, l'accroissement des besoins lié à la démographie luxembourgeoise vieillissante, le trop petit nombre d'infirmiers formés au pays, un vivier frontalier qui a atteint ses limites, le souci de reconnaissance des diplômes d'infirmier hors UE ou encore la motivation de la jeune génération.
"Les jeunes n'ont plus forcément envie de faire ces métiers", constate Delphine Lemelle de la Stëftung Hëllef Doheem. Elle explique les horaires qui s'étalent tout autour du cadran, 24 heures sur 24 et un travail "qui est quand même psychologiquement et physiquement impliquant".
L'horizon reste sombre pour les recruteurs même si le ministère de la Santé a redoublé d'effort via la campagne de promotion healthcareers.lu pour promouvoir les professions de santé et inspirer les jeunes justement.
La situation actuelle "va se tendre" encore, sait Marc Muller. Question de "masse". Dans le rapport Lair dressant un état des lieux des professions de santé au Luxembourg fin 2019, il était déjà question de 2.621 départs à la retraite d'infirmiers et de 1.440 départs à la retraite d'aides-soignants entre 2019 et 2034.
"Dans les années passées, les départs à la retraite étaient encore lointains. À présent, le mur vient plus rapidement" analyse Marc Muller. Il faut comprendre que les départs en retraite vont être énormes dans un secteur qui peine déjà depuis plus de deux décennies à recruter.
À lire également:
Le secteur des soins de santé manque cruellement de personnel
Bientôt une importante pénurie d'infirmiers et aides-soignants ?
"Il faut former plus d'infirmières et valoriser leur travail"