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L'introduction de l'interdiction de la mendicité dans la capitale cet hiver a suscité de nombreuses controverses politiques.
Les opposants à l’interdiction affirmaient que la demande d'assistance est un droit humain qui ne peut être interdit. Les responsables communaux de la Ville de Luxembourg et le ministre des Affaires intérieures rétorquaient que la mendicité simple n'était pas visée, mais seulement la mendicité agressive ou organisée. Après une campagne de sensibilisation, la phase répressive a débuté en janvier avec une présence policière accrue à Luxembourg-ville jusqu'en avril.
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Quel bilan peut-on en tirer six mois plus tard? Notre collègue de RTL, Raphaëlle Dickes, a enquêté. En parcourant la Place Guillaume II, la Place d'Armes, la Grand-Rue et l'Aldringen, elle a seulement croisé deux mendiants assis par terre avec leur gobelet.

Des "mendiants organisés", il n'en a plus vu dans le coin depuis longtemps, dit l'un d'eux. Sur la Place du Théâtre, elle croise plusieurs sans-abris qui s'y trouvent souvent. L'interdiction de la mendicité n'a pas changé grand-chose pour ceux qui tendent simplement la main ou un gobelet, raconte Dimitri Op der Beeck. Des contrôles ont été effectués. Les mendiants ont parfois été sommés de partir. Il y a moins de mendiants faisant partie de bandes organisées, selon l'homme, qui vit lui-même dans la rue.
"Vous savez qu'il s'agissait surtout pour nous [d'agir] contre la mendicité agressive”, a affirmé la bourgmestre de la capitale, interrogée par RTL lors de la présentation de la nouvelle unité de police locale. Elle s'est montrée très satisfaite du résultat de l'interdiction de mendier à certaines heures dans des lieux définis de Luxembourg-ville. “Je peux seulement dire que ce que la police a fait depuis le début de l’année, cela a vraiment beaucoup amélioré la situation. Il faut juste que ça continue”, a indiqué Lydie Polfer.
Le problème a été déplacé, critiquent certains
Le président de l'ASBL Médecins du Monde voit la situation sous un autre angle. Ses équipes mobiles constatent effectivement qu'il y a moins de gens qui mendient dans le centre-ville, confirme Bernard Thill. Et s'il y en a, ils sont plutôt isolés et changent plus souvent de place.
Mais ce n'est pas parce qu'on en voit moins, que le problème de la pauvreté est résolu, souligne-t-il. "Non, la pauvreté subsiste. Ces gens, s'ils ne sont pas dans le centre du pays, sont certainement dans d'autres régions.” Près des centres commerciaux, par exemple, ajoute Bernard Thill.
Pour l'ASBL "Stëmm vun der Strooss" aussi, le problème a seulement été déplacé. Le restaurant social de l'association situé à Hollerich, sert désormais 370 repas par jour. En décembre, c'était encore 300 par jour, expliquent les responsables. La structure d'Ettelbruck est aussi plus fréquentée.
L'opposition des riverains est déjà perceptible, selon André Dübbers. Le nouveau président de la Stëmm vun der Strooss veut créer des structures décentralisées plus réduites dans tout le pays, pour éviter les polémiques et ainsi empêcher de nouvelles mesures répressives contre les plus faibles de la société
Des réformes sont en chantier
La mendicité simple va être supprimée du droit pénal, a annoncé la ministre de la Justice, Elisabeth Margue. Le ministre des Affaires intérieures, Léon Gloden, confirme que les réformes sont en cours de réalisation:
“La mendicité simple sera supprimée, la mendicité agressive sera précisément définie. Nous aurons une obligation de déguerpir renforcée. Nous sommes en train d'élaborer le projet de loi sur la base légale des règlements de police."
"Dès que les nouvelles lois auront été votées, la Ville de Luxembourg adaptera son règlement", assure la bourgmestre Lydie Polfer. Elle fonde de grands espoirs sur la nouvelle police locale, aussi en matière d'interdiction de la mendicité et d'obligation de déguerpir.
Depuis janvier 2024, il est donc interdit de mendier à certaines heures et dans certains lieux de la capitale. En cas d'infraction, des amendes entre 25 et 250 euros sont prévues. Jusqu'à la mi-avril un dispositif policer renforcé avait été mis en place dans la capitale, afin de montrer une présence policière accrue et de faire respecter l'interdiction de la mendicité et l'obligation de déguerpir. Au total, quatre procès-verbaux ont été dressés pour infraction à l'interdiction de la mendicité.
Le dispositif spécial de police ayant été levé, les statistiques concernant ces infractions ne sont plus spécifiquement collectées, a précisé le nouveau directeur général de la police interrogé par RTL.