Téléphones portables, jouets et e-cigarettes... Tous nos déchets électriques et électroniques sont démantelés au Luxembourg grâce à la petite cotisation payée à l'achat. RTL Infos vous emmène dans les coulisses du recyclage au milieu de "chasseurs" qui dégainent rapidement.
Dans l'immense hall DEEE (on dit "D trois E") de PreZero Lamesch, le site de recyclage des déchets qui s'étale sur plus de 8,5 hectares gardés comme Fort Knox à Bettembourg, affluent nos vieux ordinateurs, téléphones portables, écrans, machines à laver, micro-ondes et jouets par milliers. Dans un incroyable vacarme et ballets de bacs surréalistes, plein à craquer, tous ces objets du quotidiens sont d'abord dépollués, puis démontés... manuellement.
Tous ces déchets d'équipement électriques et électroniques (DEEE) sont décortiqués, en deux poignées de secondes à peine pour un téléphone portable, quelle que soit sa génération. Ou durant de longues minutes pour une machine à laver. Puis, ils sont "désossés" en "fractions". Les doigts agiles et expérimentés des opérateurs, équipés de lunettes et de casques à visière, repèrent et extraient les métaux ferreux et non-ferreux, les plastiques, les composants électroniques, mais aussi le verre, le bois, le béton (qui se trouve dans le socle des machines à laver, raison pour laquelle elle sont si lourdes!) qui seront recyclés et valorisés ailleurs qu'au Luxembourg.
Une vaste entreprise qui est d'abord guidée par une même obsession: "On fait la chasse aux polluants, le but est vraiment de dépolluer tous les déchets d'équipements électriques et électroniques et de rechercher là où se cachent la batterie ou le condensateur pour être sûr de dépolluer complètement les matières", explique Frédéric Guichard, directeur des déchets non dangereux chez PreZero Lamesch.
Des déchets avec beaucoup ou... sans valeur
Avec marteaux, pinces coupantes et visseuses, les opérateurs "opèrent" les ventres des jouets, ordinateurs ou trottinettes électriques pour en extraire méthodiquement les composants polluants ou toxiques. On pense évidemment aux piles et batteries, mais il y a aussi les condensateurs.
Cette quête frénétique, est doublée d'une chasse aux trésors. Les métaux rares. Les déchets n'ont pas tous la même valeur et certains renferment de vraies pépites.

© Maurice Fick / RTL
"Certains déchets ont forcément plus de valeur du fait qu'ils contiennent de l'or, du cuivre, de l'argent, du palladium ou des métaux précieux ou semi-précieux. Mais ce n'est pas le cas de tous. D'autres contiennent des polluants. Et certains polluants font que des déchets n'ont pas une valeur, mais un coût de traitement qui peut être très élevé. Comme les tubes cathodiques qui proviennent des téléviseurs", résume Frédéric Guichard, dans le fracas des déchets déversés sur la bande.
Une fois dépollués et le premier démantèlement effectué au Luxembourg dans le Hall DEEE de Bettembourg, les déchets sont envoyés vers des filières de traitement qui vont ensuite séparer les différentes matières, les différents métaux ou plastiques. Des usines de recyclage et de valorisation spécialisées prennent le relais à Dieuze en Moselle ou à Krefeld en Allemagne par exemple.
Le recyclage se fait systématiquement à l'étranger "parce que les volumes au Luxembourg ne permettent pas d'investir dans des usines de traitement", clarifie d'emblée Andy Maxant, directeur des deux asbl Ecotrel et Ecobatterien.

Frédércic Guichard, directeur des déchets non dangereux chez PreZero Lamesch / © Maurice Fick / RTL
De quelques centimes à quelques euros
Vous en vous en souvenez plus, parce que la "pilule" est déjà passée. Mais à chaque fois que le consommateur achète un objet électrique ou électronique il contribue d'avance à la lourde machine de la collecte et du démontage de ces futurs déchets.
Avec la facture, il paie l'objet et son futur recyclage. La fameuse "cotisation de recyclage" - en France, on parle de l'éco-participation - peut se chiffrer à quelques centimes, voire quelques euros. Concrètement, elle est de 0,6 centimes pour une ampoule, de 23 centimes pour l'achat d'un écran ou de 33 centimes pour un ordinateur personnel complet. Pour un congélateur, la cotisation grimpe à 7,61 euros.
Il existe même deux cotisations de recyclage: celle pour les appareils électriques et électroniques et une seconde pour les piles et accumulateurs. "Ces petites sommes toutes cumulées servent à Ecotrel pour collecter les appareils dans les centres de ressources pour ensuite les regrouper sur les deux centres sur le territoire luxembourgeois qui se trouvent à Bettembourg et Colmar-Berg", explique Andy Maxant.
Pas de recyclage à 100%
"On ne peut pas arriver systématiquement à 100% de recyclage. Le législateur nous impose un certain taux de recyclage que nous dépassons allègrement", assure Andy Maxant. Concrètement, les "gros équipements", dont font partie les machines à laver par exemple, sont recyclés aujourd'hui à 87,8% quand la barre est fixée à 80% par la loi. Les "petits équipements informatiques et de télécom" parmi lesquels sont rangés nos téléphones portables en fin de vie sont recyclés à 85,5%. Le taux règlementaire étant fixé à 55% seulement. La palme de la réutilisation et du recyclage revient aux écrans. Ils sont recyclés à 91,9% quand le taux imposé est de 70%.
Les magasins d'électroménagers, de bricolage, les supermarchés, et bien d'autres vendeurs d'appareils électriques et électroniques en tous genres, ont l'obligation d'assumer la collecte et le traitement de tous les appareils qu'ils mettent sur le marché lorsqu'ils arrivent en fin de vie. Mais comme chacun ne va pas construire sa petite usine de recyclage, ils se sont regroupés pour créer Ecotrel. Cette asbl endosse depuis vingt ans les obligations légales qui incombent à 930 sociétés et organise, avec l'aide de PreZero Lamesch, la collecte et le traitement des déchets.

Andy Maxant, directeur des asbl Ecotrel et Ecobatterien / © Maurice Fick / RTL
Avec la Luxembourg Confédération (l'organisation patronale des secteurs des Services, du Commerce et des Transport), la Fédération des artisans et la FEDIL, Ecotrel a donné vie en 2009 à une autre asbl qui a eu pour mission de collecter et de traiter les batteries usagées: Ecobatterien.
Bilan des courses en coulisses: Ecotrel a géré 6.000 tonnes de déchets d'équipements électriques et électroniques en 2023. La sommes des cotisations de recyclage reversés par les producteurs avoisinant les 805.000 euros hors TVA. Plus d'un tiers des cotisations (36%) est issue de la vente d'équipements d'échange thermique et 21% provient des écrans.
Ecobatterien a collecté 160 tonnes de piles dans les vieux appareils que nous utilisions tous les jours. Leurs ventes avaient permis de collecter plus de 652.000 euros hors TVA, de cotisations de recyclage.
En vingt ans, l'asbl Ecotrel a collecté et recyclé pas moins de 95.600 tonnes de déchets d’équipements électriques et électroniques. En quinze ans, Ecobatterien asbl a collecté 1.940 tonnes de batteries portables. Un chiffre qui devrait exploser dans les années à venir avec la montée en puissance de la mobilité électrique.