En 2014, c'est dans les médias que Sophie Rollet, veuve et maman de trois enfants, a appris le décès de son mari routier. Depuis, elle mène l'enquête pour dénoncer une véritable "bombe" que tout le monde ignore.
Des centaines d'accidents de la route se sont produits en cinq ans suite à l'éclatement de pneus provenant de l'usine Goodyear au Luxembourg.
Si l'affaire est désormais médiatisée, c'est le mérite de Sophie Rollet. Elle a perdu son mari routier dans un accident de poids lourd il y a dix ans: "L’accident de mon époux s’est produit à dix kilomètres de la maison et j’apprends finalement son accident en regardant la télé."
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Au début, elle ne savait pas que son mari était impliqué dans l'accident, mais elle avait un mauvais pressentiment en regardant le 13 heures de TF1. Une sensation qui s'est confirmée par la suite.
Dans le rapport d'enquête sur le pneu éclaté de la marque Goodyear, elle découvre un mot qu'elle ne comprend pas et qui l'intrigue. Après quelques recherches sur le net, elle tombe sur d'autres accidents provoqués par les pneus de la même marque. C'est le début d'années d'enquêtes et de recherches qu'elle mènera seule, souvent pendant la nuit quand ses enfants dorment et quand la connexion internet n'est pas trop saturée de Geney, son petit village du Doubs.
"Une liste de 76 accidents dont certains sont identifiés Goodyear"
Comme elle ne trouve pas de statistiques sur ces accidents, elle parcourt les faits divers dans la presse: "il y a quelques fois, j’arrive à identifier le camion sur les photos, le nom du transporteur. Donc en fait je cherche sur le net l’entreprise et je contacte l’entreprise".
Elle contacte également les gendarmeries concernées pour obtenir des informations et parvient à identifier toute une série d'incidents: "J’ai toute une liste de 76 accidents dont certains sont identifiés Goodyear, mais on va dire dans une certitude qui n’est pas ce que j’appelle à 150 pourcents".
Lors de ses recherches, elle va également tomber sur d'autres éléments comme des rapports d'expertise qui évoquent une erreur de production. Elle découvre également le programme de retrait volontaire de pneus proposé par Goodyear, notamment le modèle qui a remplacé le pneu qui a causé la mort de son mari.

© RTL Archives
Elle contacte des associations et des institutions afin de les prévenir qu'il faut absolument faire quelque chose dans ce dossier. Une nouvelle plainte est déposée avec toutes ses recherches, mais elle n'avance pas. Même les journaliste du Monde lui font remarquer qu'aucune véritable preuve ne vient prouver une erreur de production comme étant à la base des accidents. Mais quelques années plus tard, elle est certaine que vu le nombre imposant de pneus concernés, d'autres accident vont se produire.
"C’est comme si vous avez vu qu’il y a une bombe qui a été déposée. Vous dites, là, il y a une bombe qui va exploser, personne ne vous entend. Et en fait, vous êtes obligé d’attendre que la bombe explose, qu’elle provoque des morts pour dire d’une certaine façon, ah, je vous l'avais bien dit. Mais c’est terrible".
Début du dénouement ?
Six ans après la mort de son mari, les choses commencent à bouger. Une nouvelle expertise sur son accident confirme une erreur de production. Enfin une base concrète pour les journalistes qui vont pouvoir se lancer dans l'écriture d'un article qui sera publié en une du journal Le Monde. Une histoire qui va faire boule de neige, Arte diffusera même un documentaire sur Sophie Rollet et ses recherches en 2023, une histoire qui va même toucher certains collaborateurs de Goodyear.
Deux lanceurs d'alerte vont se manifester et envoyer des documents internes qui vont confirmer les éléments du récent article de presse. Ces documents montrent que Goodyear n'a pas introduit de rappel automatique de pneus afin de ne pas nuire à la réputation de l'entreprise.
Mais le mari de Sophie Rollet serait-il encore en vie si Goodyear avait agi différemment ? "Non, parce qu’il fait partie des premiers accidents. Non, je ne pense pas qu’il aurait pu être évité".
Elle précise que rien n'a encore été prouvé ou acté par un tribunal, mais même si Goodyear n'avait pas été au courant de l'erreur de production, elle poursuit: "Moi ce que je leur reproche aujourd’hui, c’est d’avoir eu des chiffres qui pouvaient être alarmants et que maintenant ils ont pris leurs décisions en fonction du ratio économique. Maintenant, il serait bon, et ça vaut pour toute entreprise industrielle, de pouvoir mettre une onze d’humanité et je vais peser ce terme, dans leurs activités".
Sophie Rollet essaie pour le moment de prendre un peu de recul. Les longues procédures sont difficiles à suivre, elle est désormais à la recherche d'un nouveau travail et suit des cours en comptabilité.