Des centaines d'accidents au cours desquels des dizaines de personnes ont été tuées ou blessées, auraient pour origine un défaut de fabrication de pneus de poids lourds sortis de l'usine de Colmar-Berg au Luxembourg.

C'est la conclusion d'une enquête publiée récemment par Le Monde. Il est reproché à Goodyear de ne pas avoir procédé au rappel obligatoire de ses pneus pour protéger sa réputation, alors même que de plus en plus d'accidents se produisaient. Mais simplement d'avoir mis en place un programme d'échange sur base volontaire pour satisfaire les clients.

Dans leur enquête, les journalistes du Monde s'appuient sur des documents internes de Goodyear, montrant que le fabricant de pneus a voulu éviter à tout prix un rappel officiel -et ainsi l'attention médiatique qui en découle- afin de protéger sa réputation. Il a également assuré aux fabricants de camions, comme aux revendeurs de pneus qu'il n'y avait aucun problème de sécurité liés aux pneus. Ce qui corrobore des documents dont dispose également RTL. Les pneus n'éclateraient que dans certaines conditions, par exemple s'il fait trop chaud ou s'ils ne sont pas suffisamment gonflés.

Le programme d'échange de pneus de Goodyear a débuté en 2013 en Espagne où plusieurs accidents se sont produits, avant d'être progressivement étendu à l'Europe et à l'Asie. Il a été étendu à quatre modèles de pneus en cours de route, et a fonctionné jusqu'en 2016. Le modèle le plus problématique était le pneus Marathon LHS II+ dans les dimensions 385/65 R22.5. Le programme d'échange pour ce modèle ne se limitait pas à sa fabrication sur quelques semaines, mais sur près de quatre ans.

Pas de rappel obligatoire

Selon les informations des journalistes français, il y avait déjà eu en octobre 2014 -soit deux ans auparavant- un rapport d'expertise pour un accident mortel mettent en cause un défaut de construction. Le pneu qui a éclaté à l'été 2014 et dans lequel un père de famille a trouvé la mort, était visé par le programme d'échange volontaire. Goodyear a été consulté dans le cadre de ce rapport et était donc au courant.

Malgré cela Goodyear n'a pas transformé son programme d'échange volontaire en un rappel obligatoire de ses pneus. Contrairement à d'autres constructeurs. Continental a par exemple rappelé des pneus de poids lourds en 2015, comme chacun peut le voir sur le Safety Gate de la Commission européenne, c'est le système d'alerte de l'UE pour les produits non alimentaires dangereux.

Mais Goodyear tenait à jour un registre interne sur les accidents et le montant des indemnisations versées à chaque fois pour les dommages matériels ou pour les blessures et les décès. D'un document en possession de RTL, il ressort que Goodyear a dénombré 247 événements plus ou moins graves entre 2013 et 2017 pour l'Espagne, la France et les Pays-Bas. Pour l'accident mortel de 2014, Goodyear avait comptabilisé près d'un million d'euros de frais juridiques et provisionné 10 millions d'euros de dommages et intérêts.

Goodyear n'accorde pas d'interview, mais réagit par écrit

Le parquet de Besançon a concentré toute une série de dossiers d'accidents. Il y a deux informations judiciaires ouvertes pour homicide involontaire, mais il n'y a pas encore d'accusation. Pour le moment, il ne souhaite pas faire de commentaires, a déclaré le procureur en réponse à une requête de RTL.

Goodyear n’a pas voulu accorder d’interview à RTL, ni répondre à nos questions. Cependant, le service de communication de l'entreprise a fait savoir que "rien n’est plus important pour Goodyear que la sécurité et la qualité de ses produits et des personnes qui les utilisent.

Il y a dix ans, suite à des retours clients, Goodyear a pris l’initiative de lancer un programme d’échange concernant certaines catégories de pneumatiques poids-lourds qui étaient commercialisés à cette période. Ce programme a été mis en œuvre de manière rigoureuse et transparente, en coordination avec les autorités compétentes, pour échanger le plus de pneumatiques possible.”
 
Goodyear tient à préciser qu’aucune de ses gammes de dernière génération n’a fait partie du programme d’échange visé ci-dessus et mis en œuvre il y a dix ans.”