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Emmanuel Macron a nommé ce jeudi l'ex-ministre et ancien commissaire européen de droite Michel Barnier, 73 ans, comme Premier ministre.
La nouvelle vient d'être annoncée ce jeudi en début d'après-midi par l'Elysée, 60 jours après le second tour des élections législatives qui ont débouché sur une Assemblée nationale dépourvue de majorité.
Le plus vieux Premier ministre de la Ve République succède ainsi à Matignon à Gabriel Attal, 35 ans, qui était lui le plus jeune, nommé il y a seulement huit mois et démissionnaire depuis 51 jours. Il va devoir tenter de former un gouvernement susceptible de survivre à une censure parlementaire, pour mettre fin à la plus grave crise politique depuis 1958.
Le président "l'a chargé de constituer un gouvernement de rassemblement au service du pays et des Français", a déclaré l'Elysée dans un communiqué. Emmanuel Macron "s'est assuré que le Premier ministre et le gouvernement à venir réuniraient les conditions pour être les plus stables possibles et se donner les chances de rassembler le plus largement", a ajouté la présidence.

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La satisfaction de Luc Frieden
Le premier ministre luxembourgeois, dont le parti siège dans le même groupe de celui de Michel Barnier au Parlement européen, n'a pas tardé à réagir sur les réseaux sociaux. Luc Frieden a même tutoyé l'ancien négociateur du Brexit sur X : "Connaissant bien tes convictions européennes, je me réjouis de travailler avec toi au renforcement des relations entra la France et le Luxembourg".
Michel Barnier, qui fut aussi candidat malheureux à la primaire du parti Les Républicains en vue de la présidentielle de 2022, hérite d'une tâche aux allures de mission impossible, tant aucune coalition viable n'a jusqu'ici émergé.
En attendant, les ministres démissionnaires vont eux rester en fonctions pour continuer de gérer les affaires courantes le temps des négociations.
Vieux routier de la politique, Michel Barnier est réputé bon médiateur: il a été le négociateur en chef de l'Union européenne pour le Brexit lorsque le Royaume-Uni a quitté le bloc continental. Avant cela, il a été ministre à plusieurs reprises depuis 1993, notamment sous les présidences de Jacques Chirac et de Nicolas Sarkozy.
Premières réactions
A gauche, le chef des députés socialistes Boris Vallaud a rappelé sur France 2 que la droite ferait "l'objet d'une sanction parce que ce sera pour mettre en œuvre une politique de droite".
La cheffe de file des députés de La France insoumise, Mathilde Panot, a accusé le chef de l'Etat de ne pas respecter avec cette nomination la "souveraineté populaire" et le "choix issu des urnes".
"On sait à la fin qui décide: elle s'appelle Marine Le Pen. C'est à elle que Macron a décidé de se soumettre", a fustigé la secrétaire nationale des Écologistes Marine Tondelier.
Le parti d'extrême droite, qui menaçait de censure immédiate Bernard Cazeneuve et Xavier Bertrand, doit maintenant définir sa position.
Le RN, qui peut à tout moment faire tomber le futur gouvernement avec le NFP, "jugera sur pièces son discours de politique générale", a déclaré cette fois-ci le président du parti, Jordan Bardella.
Quant à cette "odeur de cohabitation" que l'entourage d'Emmanuel Macron recherchait pour incarner une forme d'alternance, ce n'est pas avec Michel Barnier qu'elle devrait être la plus enivrante. Il est venu d'une droite pro-européenne et jugée "pragmatique", et il a souvent été considéré "Macron-compatible".
Le chef de l'Etat "cherchait un clone, il a fini par le trouver", a ironisé sur BFMTV le communister Ian Brossat, qui voit dans ce choix "la promesse d'une continuité absolue".
Le camp présidentiel devrait participer au gouvernement Barnier ou en tout cas le soutenir. "Il est très apprécié des députés de droite sans que ce soit un irritant à gauche", s'enthousiasme une ministre démissionnaire de l'aile droite de la Macronie. "On doit savoir faire avec", tempère un dirigeant centriste, avec beaucoup moins d'engouement.
Le patron du RN Jordan Bardella a assuré jeudi que son parti "jugera sur pièces le discours de politique générale" de Michel Barnier, avant de se déterminer sur une censure de son gouvernement, après sa désignation comme Premier ministre.
"Nous plaiderons pour que les urgences majeures des Français, le pouvoir d'achat, la sécurité, l'immigration, soient enfin traitées, et nous nous réservons tout moyen politique d'action si ce n'était pas le cas dans les prochaines semaines", a-t-il affirmé sur X (anciennement Twitter).