La situation d’IVG pose la question de l’inégalité de genre en santé reproductive. Nous en parlons avec Danielle Choucroun, médecin diplômé en sexologie à Luxembourg.

C’est la femme qui dispose du pouvoir reproductif et de ce fait, le choix de poursuivre ou non une grossesse lui appartient. N’oublions jamais que l’interruption de grossesse est une décision importante sur le plan émotionnel et qui continue de provoquer une forme de culpabilité lourde à porter.

La contraception médicale

La contraception médicale reste presque toujours à charge des femmes, les laboratoires pharmaceutiques ne s’engageant pas sur la voie de la contraception hormonale masculine, malgré un protocole hormonal contraceptif masculin reconnu par l’OMS, mais disponible uniquement en France et non pris en charge par l’assurance Maladie...

Le script hétérosexuel majoritairement pratiqué est réalisé par la pénétration du pénis dans le vagin suivie par l’éjaculation : cette  pratique est-elle vraiment satisfaisante pour la femme, qui se voit recommander une contraception médicale présentant des risques d’effets secondaires?

L’homme a la charge de la performance, à savoir contrôler ce que son corps ne contrôle pas, c’est-à dire le réflexe de l’érection et le réflexe de l’éjaculation…

Pourtant, la paroi vaginale ne bénéficie que d’une innervation viscérale, lui conférant une faible sensibilité (très utile lors de l’accouchement par voie basse, et permettant le port voire l’oubli de l’anneau contraceptif ou du tampon périodique).

Pour cette raison la femme se voit recommander la stimulation clitoridienne pour apporter la sensation de plaisir. On peut donc se demander quelle est l’utilité de mettre le pénis dans le vagin et d’y éjaculer si le couple, éphémère ou non ne souhaite pas procréer? Finalement, le vagin est-il un organe de copulation ou de reproduction?

L’émotion devient encore plus forte lorsqu’il est question de santé reproductive 

Comment penser l’égalité des genres lorsque l’un ne dispose que du pouvoir fécondant et que l’autre a le pouvoir d’être fécondé et le pouvoir de donner la vie?

Le désaccord remonte au moins à l’Antiquité par la métaphore contrefactuelle d’Adam donnant la vie à Eve, à défaut d’utérus, une côte fera tout aussi bien l’affaire pour avaliser le vol du pouvoir reproductif par celui qui n’a pas d’utérus. Cette métaphore aurait pu rester anecdotique! Cependant, elle fondera pour plusieurs siècles les représentations tant religieuses que profanes et médicales. La femme n’étant perçue que comme un terreau ou encore un réceptacle pour la semence masculine.

Interrompre une grossesse insupporte

C’est bien la femme qui dispose du pouvoir reproductif, et pour cette raison la grossesse non désirée heurte puissamment les consciences.  La grossesse n’est pas toujours désirable contrairement aux représentations culturelles de tous bords. La volonté, grand principe fondateur de la modernité a échoué. Interrompre une grossesse insupporte : il ne s’agit plus de science mais de pouvoir.

Il est important de préciser que si le partenaire masculin n’intervient pas dans la décision d’IVG, il est en cause pour 50% tout de même dans la survenue de cette situation.

L’homme est finalement ignoré

Le droit des femmes ainsi acquis sur leur corps va cependant lourdement impacter la représentation scientifique de l’avortement : bien que deux gamètes interviennent à parts égales lors de la fécondation, la part de l’homme est quasi-ignorée dans la recherche scientifique. Sur une année écoulée les mots clés « femme » et « avortement » retrouvent environ 2000 références sur PubMed, les mots clés « homme » et « avortement » ne donnent que dix références. Pourtant le début de grossesse est bien le fait de deux personnes! Cette inégalité majeure en termes de genre montre que le terme « avortement » génère une confusion entre le droit qui revient à la personne en charge de l’utérus et la biologie qui concerne deux partenaires.

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