Un phénomène rare s'est amplifié ces dernières années : une réaction immunitaire à la morsure d'une tique se déclenche... après un repas.

Des plaisirs simples tournent parfois au cauchemar... quatre heures plus tard. Les allergologues luxembourgeois reçoivent des patients couverts de plaques, en proie à des crampes et à des vertiges longtemps après un repas carné. La piste mène non à la cuisine mais aux tiques. LorsquIxodes ricinus mord, sa salive injecte le sucre α-Gal. En réaction, lorganisme produit des anticorps dits IgE (immunoglobulines E, responsables des allergies); au prochain bœuf ou porc, le sucre accroché aux graisses atteint la circulation en fin de digestion et déclenche la réaction.

Ce décalage de trois à six heures est la signature du syndrome α-Gal. Des études ont suivi le trajet des lipides chargés de sucre, libérés dans le sang au bout denviron quatre heures. Faute de lien évident avec le repas, beaucoup pensent dabord à une indigestion ou à un excès dalcool.

Un phénomène qui gagne du terrain

Le phénomène nest plus rare: le CDC estime jusqu’à 450.000 cas depuis 2010 aux États- Unis. En Europe, 5,5% des Danois et 8,1% des Espagnols possèdent déjà des IgE anti-α-Gal. Chez 219 forestiers luxembourgeois, la séro-prévalence grimpe à 21%.

Pour comprendre comment on passe de la simple sensibilisation à lallergie déclarée, le Luxembourg Institute of Health pilote depuis avril 2025 le projet ImmunoGal1. Les volontaires conservent la tique qui les a mordus, puis se rendent au Luxembourg Institute of Health, où l’équipe procède elle-même au prélèvement sanguin; l’étude suit ensuite l’évolution immunitaire et devrait livrer ses premiers résultats en 2026. En attendant, les laboratoires luxembourgeois expédient souvent les prélèvements à Bruxelles, mais ImmunoGal vise un test sur place.

Symptômes et protection

Concrètement, lalerte surgit deux à huit heures après lingestion de viande rouge, bouillon ou gélatine: démangeaisons, urticaire, maux de ventre, chute de tension, par- fois choc. La prise en charge, décidée par le médecin allergologue, repose sur l’éviction.

des produits de mammifère et sur un stylo dadrénaline prescrit (remboursé à 80% par la CNS). Un professionnel de la santé peut aussi sassurer du bon apport en fer, zinc et B12 via légumineuses et poisson.

Différente des allergies infantiles, lAGS apparaît souvent après trente ans. Alcool, anti-inflammatoires ou jogging post-repas abaissent le seuil de réaction; mieux vaut donc éviter ces cofacteurs durant la phase de surveillance.

La meilleure défense reste la prévention. Vêtements clairs, répulsif icaridine et examen minutieux du cuir chevelu aux chevilles limitent les morsures. Au Luxembourg, I. ricinus culmine au printemps, avec une reprise début automne. Des hivers plus doux favorisent dau- tant plus son activité au cours de lannée.

Manger sans mammifère: mode d’emploi

Côté assiette, volaille, poisson et œufs sont en principe dépourvus d’α-Gal et donc sûrs. Les produits laitiers de mammifère - quils proviennent de vache, chèvre ou brebis - ne déclenchent pas toujours la réaction: environ la moitié des patients les tolèrent encore. Leur réintroduction doit donc être progressive, sous supervision médicale. Les légumineuses associées à une source de vitamine C couvrent aisément les besoins en fer, tandis que le zinc et la vitamine B12 peuvent provenir du poisson ou, au besoin, dune supplémentation indiquée par le médecin.

Attention aux excipients cachés: gélatine bovine dans certains vaccins ou médicaments, valves cardiaques bioprothétiques, pansements hémostatiques; signalez toujours lAGS à votre médecin avant toute intervention. Plusieurs antivenins se sont révélés riches en α-Gal; des équipes de recherche travaillent à formuler des versions dépourvues de ce sucre. Passer au "sans mammifère" inquiète; on craint un déficit. Pourtant, les études confirment quun repas mêlant céréales, légumineuses et poisson peut couvrir les besoins selon le plan nutritionnel établi avec votre diététicien.