Le sujet a longtemps été sous le tapis au Grand-Duché. La grande précarité existe dans ce pays riche, un auteur et un photographe lèvent le voile sur un problème grandissant au royaume des fonds d'investissements à travers un livre et une exposition.

"Il vaut mieux être pauvre au Luxembourg que riche en Roumanie ou en Bulgarie."

Le cynisme qui se cache derrière cette formule, que nous sommes nombreux à avoir déjà entendue, constitue l'un des points de départ de l'argumentation de Nora Back, présidente de la Chambre des salariés, dans sa préface du livre Les exclus du festin de Claude Frisoni et Raymond Reuter.

À partir de ce mardi 16 mai, les deux auteurs présentent le fruit de 18 mois de travail : un livre exigeant de plus de 150 pages mêlant statistiques alarmantes, témoignages poignants et photos émouvantes, en même temps qu'une exposition de grands formats dans le hall de la Chambre des salariés (du 16 mai au 15 septembre), le long de la passerelle de la gare centrale (du 16 mai au 16 juillet) et au Pfaffenthal.

Dans le livre et l'exposition, les auteurs dévoilent que derrière les chiffres choquants, l’on trouve des destins individuels de personnes qui se retrouvent dans des situations compliquées, parfois désespérées, pour des raisons diverses et souvent indépendantes de leur propre champ d'action.

"Le tout premier chiffre qui clignote comme un signal d'alarme, nous a confié Claude Frisoni, auteur, c'est le taux de risque de pauvreté dans ce pays qui est presque de 20 % et qui est plus élevé que celui de l'Allemagne, de la Belgique ou de la France. Ça veut dire concrètement que 115.980 personnes vivent au Luxembourg sous le seuil de pauvreté."

RTL

Chambre des salariés - Luxembourg

Ce travail de recherche et de reportage, les deux auteurs l'ont fait avec le plus grand respect des personnes qu'ils sont allés rencontrer. "Il ne faut pas croire, précise Raymond Reuter, photographe, quand vous regardez les photos, que je vais chez quelqu'un et je dis : tiens, est-ce que tu es d'accord pour que je te prenne en photo ? Ce sont tous des gens que j'ai vus cinq, six, sept, dix fois pour qu'ils me connaissent ou nous connaissent. Je voulais photographier les gens avec le respect qu'on leur doit."

Avec ce livre et cette exposition choc, les deux auteurs veulent alerter l'opinion et les autorités en premier lieu. "L'État est un très grand responsable de la misère de beaucoup de gens ici", estime Raymond Reuter.

Claude Frisoni appelle à l'organisation de grandes assises nationales de la pauvreté : "De tout ça, on a essayé de faire sortir quelque chose qui soit un partage avec le reste de l'opinion publique, que les gens ne soient pas, comme je l'ai été trop longtemps, ignorants d'une réalité. Que ce monde si proche, parallèle, soit un peu dévoilé et qu'on arrête de balayer sous le tapis [...] et on espère, si c'est une grande cause nationale, redonner l'honneur de ce pays. On est les plus riches et on est aussi ceux qui partagent le mieux."

Les exclus du festin, une publication de la Chambre des salariés