Alcool, drogue, vitesse...Va-t-on enfin condamner les "homicides routiers" en France?

RTL Infos
Pour en finir avec "une injustice" et des procès "d'une violence inouïe" : l'examen à l'Assemblée nationale du projet de loi sur le délit d'homicide routier doit permettre de sanctionner plus durement les responsables d'accidents mortels ayant adopté délibérément une conduite dangereuse.
Les responsables d'accidents mortels sous l'emprise de drogues ou roulant à vitesse excessive pourront bientôt être poursuivis pour délit d'homicide.
Les responsables d’accidents mortels sous l’emprise de drogues ou roulant à vitesse excessive pourront bientôt être poursuivis pour délit d’homicide.
© AFP

Noé rêvait des Jeux olympiques. Martine, elle, avait retrouvé le bonheur après un divorce difficile. Tous deux ont été tués, chacun par un conducteur enfreignant gravement plusieurs règles de sécurité routière. “Homicide involontaire” est le mot qui a transpercé le cœur de leurs proches.

Marceline et Yvon Guez sont les parents de Noé, adolescent de 16 ans tué un soir de juin 2022 sur une route d’Antibes (Alpes-Maritimes) par un homme qui roulait en excès de vitesse, sous l’emprise de l’alcool et consommateur de cocaïne. Un drame qui a incité le député LR Eric Pauget à déposer une proposition de loi pour créer l’infraction d’homicide routier, examinée en deuxième lecture cette semaine à l’Assemblée nationale.

Sur la route limitée à 70 km/h, Noé, qui vient d’intégrer l’équipe de France juniors de tir sportif, est au volant de sa voiture sans permis quand elle est percutée violemment par l’arrière par une voiture qui roulait à plus de 110 km/h, projetant le jeune garçon à une centaine de mètres.
Le téléphone de Marceline sonne. “Je ne sais pas...” commence-t-elle avant de s’interrompre, la gorge nouée. “Peut-être que c’est l’instinct d’une mère, mais j’ai de suite compris que c’était vraiment très, très grave”.

Ca a été très violent, c’était horrible. J’ai encore du mal à en parler”, souffle-t-elle, la voix qui vacille.

En une seconde, toute notre vie a basculé. Et ça peut arriver à n’importe qui parce que chaque personne qui est au volant peut croiser la route d’une personne qui ne respecte rien”, témoigne Marceline Guez.
Le chauffard est un homme de 45 ans, qui a été placé en détention provisoire durant 2 mois et qui sera arrêté un an plus tard au volant d’une voiture alors que son contrôle judiciaire le lui interdisait.

Le procès en juillet 2024 a été une terrible épreuve. “Il a été jugé pour homicide involontaire mais tout est volontaire dans ce qu’il a fait. Le procès, c’était d’une violence inouïe. J’en veux beaucoup à la justice, on a assez subi, on ne va pas au tribunal pour prendre des coups sur la tête”, s’insurge Yvon Guez.

L’homme responsable de la mort de Noé a été condamné à 5 ans d’emprisonnement. Il risquait 10 ans.
La justice a été rendue mais elle est trop clémente avec des gens comme ça. La justice m’a fait plus de mal, je n’en pouvais plus”, soupire Marceline Guez, espérant que cela change avec l’homicide routier.
Ne plus dire que c’est involontaire est un pas énorme. Ca va sauver des vies”, dit la maman, qui allume une petite lumière tous les matins pour son fils, dont elle regarde une photo chaque soir avant d’aller se coucher.

“Injustice”

Pour Damien Lorinet, il ne se passe pas non plus un jour sans qu’il pense à sa maman, Martine Tondeur.
Et je pense presque autant à l’injustice qu’on a vécue qu’à ma maman voire même à ce type, en fait”, lâche cet homme de 34 ans, très ému.

Martine Tondeur quitte à moto la crèche où elle travaille au Puy-Sainte-Réparade (Bouches-du-Rhône), un jour de septembre 2022. “Et puis malheureusement, en sortant du village, a déboulé ce fou du volant qui lui a coupé la route et ma maman est venue s’encastrer dans la voiture”.
Le chauffard est un homme de 52 ans, alcoolisé et sous le coup d’une suspension de permis depuis 4 ans.

Damien Lorinet est “ravagé par la colère”, tout autant que dévasté par la perte de sa mère. “C’est inconcevable de dire +un homicide involontaire+. Il a tout fait pour causer la mort de quelqu’un. C’est dur à entendre”.
En mars 2024, l’homme est condamné à 4 ans de prison ferme. “Le juge a vraiment été compréhensif, on est sortis un petit peu soulagés”.
En juillet 2024, le second procès terrasse les proches de Martine Tordeur. “Limite l’alcool était devenu une circonstance atténuante. Il prend trois ans ferme. En fait, les juges s’en fichent, c’est banal pour eux”, déplore-t-il.
Ce n’est pas normal d’en arriver là, ça détruit vraiment des vies, parce qu’au-delà de la perte de ma maman, c’est toutes nos vies qui ont été anéanties par ce type. Mes grands-parents n’ont pas supporté la perte de leur fille, ils sont décédés dans la foulée, ça me fait encore plus mal”, confie le trentenaire, qui voit l’homicide routier comme “une avancée”.

Une nouvelle loi d’ici la fin de l’année

C’est ce mardi 6 mai 2025 que l’Assemblée nationale doit entamer l’examen en deuxième lecture d’une proposition de loi datant de 2023 visant à instaurer un délit d’homicide routier. Porté par le député Éric Pauget (LR), ce texte entend requalifier certains accidents mortels de la route actuellement considérés comme des homicides involontaires en infractions pénales lourdes. Déjà adoptée en commission des lois le 30 avril dernier, la proposition de loi doit être débattue puis votée pour une entrée en vigueur d’ici la fin de l’année 2025.

La proposition de loi créant l’homicide routier et visant à lutter contre la violence routière a été déposée le mardi 17 octobre 2023. Elle indique que, sous certaines conditions, “le fait, pour le conducteur d’un véhicule terrestre à moteur, de causer, dans les conditions et selon les distinctions prévues à l’article 121‑3, la mort d’autrui, sans intention de la donner, constitue un homicide routier puni de sept ans d’emprisonnement et de 100.000 euros d’amende”. Le texte propose donc de créer une infraction spécifique et inédite d’homicide routier pour les accidents mortels causés par des conducteurs ayant adopté un comportement délibérément dangereux. Cela inclut notamment la conduite sous l’emprise de l’alcool ou de stupéfiants, les excès de vitesse significatifs, la conduite sans permis ou encore le refus d’obtempérer.

Le but de ce projet de loi est de renforcer la répression des comportements dangereux sur la route et de proposer des peines à la hauteur de la gravité des infractions et de leurs conséquences. Il répond en cela à une demande des familles et des associations de victimes pour plus de fermeté de la part de la justice.

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