La carbonara, un plat américain?L'Académie italienne concède "quelques vérités"

Raphaël Ferber
L'Académie italienne de cuisine a réagi aux propos de l'historien Alberto Grandi, lequel a démonté plusieurs croyances concernant des plats italiens, à commencer par les carbonara.
© Shutterstock

L’historien culinaire Alberto Grandi a semé la zizanie dans les cuisines italiennes depuis qu’il a affirmé dans un article du Financial Times daté du 23 mars dernier, publié sur plusieurs pages, que plusieurs plats traditionnels avaient été fortement influencés par les États-Unis. Celui qui est également professeur d’économie de l’alimentation à l’université de Parme s’est notamment attaqué aux fameuses carbonara. Celles-ci auraient été concoctées pour les soldats américains, en 1944, en pleine Seconde Guerre mondiale, à partir de leurs propres ingrédients: du bacon, de la poudre de jaune d’œuf et de la crème fraîche.

Toujours selon l’historien, le tiramisu serait beaucoup plus récent qu’on ne le croit (il serait apparu dans les années 70-80) et le parmesan fabriqué aujourd’hui au Wisconsin ressemblerait davantage au fromage d’origine que celui conçu aujourd’hui en Italie.

Quant aux pizza, elles ne seraient devenues populaires en Italie qu’à partir des années 70, après avoir rassasié les familles pauvres du sud du pays. En outre, la première pizzeria serait née à New York... en 1911.

LES CARBO “INVENTÉES APRÈS LA GUERRE”

En Italie, les propos d’Alberto Grandi ont provoqué un tremblement de Terre. Et pourtant, le président de l’Académie italienne de cuisine, Paolo Petroni, a reconnu sur TV2000 que ses affirmations contiennent quelques vérités”. Entre autres, il a reconnu que “la carbonara” était “récemment inventée après la guerre” et que “le tiramisu” datait “des années 1960-1970". Des propos repris notamment par le journal Libération.

Petroni n’a néanmoins pas pu s’empêcher de tacler l’historien, estimant que ses propos jetaient une ombre sur la cuisine italienne comme si elle n’existait pas, presque comme si elle était un fantasme, presque comme si elle était une cuisine banale égale à celles de tous les autres pays.”

Une référence, peut-être, au classement de Taste Atlas, le portail gastronomique anglais, qui a désigné la cuisine italienne comme étant la meilleure du monde.

© Taste Atlas

BARILLA RACONTE L’HISTOIRE D’UN SOLDAT AMÉRICAIN

Plus insolite: Barilla, célèbre entreprise agro-industrielle italienne, a appuyé la thèse de l’historien via une publicité d’une dizaine de minutes diffusée en avril 2021. Celle-ci raconte l’histoire d’un soldat américain dont la mission est d’inventer un plat afin de rassasier les troupes déployées en Italie.

Après avoir supplié un chef italien de l’aider, ils vont concocter un plat en se servant des rations alimentaires des GI, à savoir : du bacon, des œufs déshydratés, du fromage italien déniché sur le marché noir et des spaghettis. “C’est ainsi qu’est née la légende de la carbonara” assure la marque de pâtes.

Une version confirmée par un autre historien de l’alimentation, Luca Cesari, auteur de la Véritable histoires des pâtes (Buchet-Chastel). “La plupart des experts s’accordent à dire qu’un chef italien, Renato Gualandi, a préparé des carbonara pour la première fois en 1944 lors d’un dîner organisé à Riccione pour l’armée américaine et auquel participait Harold Macmillan”, a écrit la journaliste du Financial Times, qui a cité le chef italien.

“UNE ATTAQUE SURRÉALISTE” CONTRE LA CUISINE ITALIENNE

Le Coldiretti, syndicat agricole italien, a néanmoins très mal réagi aux propos d’Alberto Grandi, à l’heure où la gastronomie italienne espère être classée au patrimoine mondial de l’UNESCO. L’association accuse l’historien de mener “une attaque surréaliste contre les plats emblématiques de la cuisine italienne”, qualifiant ses propos dereconstitutions fantaisistes.”

Sur Facebook, le vice-Premier ministre d’extrême droite Matteo Salvini a dénoncé

le nutriscore, les insectes, et maintenant aussi les “experts” et journaux qui envient nos goûts et notre beauté”.

Quant à Alberto Grandi, il a réagi dans le Corriere della Serra en expliquant qu’il ne remettait pas en cause la qualité de la cuisine italienne, mais plutôt certaines légendes.

Si le fromage est fabriqué dans le Wisconsin comme nous le faisions il y a cent ans, c’est un défaut et non un mérite pour le Wisconsin: cela ne veut pas dire qu’il est meilleur que la façon dont il est fabriqué en Italie aujourd’hui!”

Back to Top
CIM LOGO