"La Table de la Chapelle", brasserie située dans le quartier de Neudorf à Luxembourg, est en vente depuis quelques semaines. Son gérant, Christophe Schivre, nous confie son ras-le-bol.

Pourquoi avez-vous mis votre brasserie en vente ? 
Christophe Schivre: "Les deux dernières années ont été très compliquées. Déjà, on n'a pas mesuré l'impact négatif qu'allait avoir le télétravail sur nos commerces. Des sociétés autorisent 2 jours, 3 jours, 4 jours... On ne sait pas combien de couverts on va faire. Un midi, on va en faire dix. Le lendemain, quarante. Si les personnes ne viennent plus au bureau, elles ne viennent plus au restaurant non plus. On le constate notamment en décembre. Avant, j'étais toujours complet le midi. Il y avait une vraie atmosphère de fin d'année, les derniers moments entre collègues, les fêtes... On a l'impression que ça n'existe plus.

Et puis chaque année, on doit faire face à une nouvelle difficulté. L'an dernier, le gaz a augmenté de 900%. Cette année, l'électricité augmente de 30%. C'est sans compter l'augmentation du coût des matières premières ou des salaires avec les indexations. En moins de 4 ans, mon loyer a augmenté de plus de 2.000€ pour s'établir à 14.000€ par mois. Pour pouvoir suivre, il faudrait presque que je vende mon plat du jour à 50€. Or, il est à 18,90€. On rogne sans arrêt sur nos marges et notre trésorerie en pâtit. Ma vie aujourd'hui et celle qui était la mienne il y a 8 ans est incomparable."

N'est-ce pas difficile, dans ses conditions, de trouver un repreneur ?
"On a eu plusieurs visites. On est en attente. J'ai fortement baissé le prix du fonds de commerce début janvier afin d'accélérer les choses. À vrai dire, j'avais déjà sondé le marché en mettant la brasserie en vente en 2021, juste après le covid. Comme on ne savait pas comment les choses allaient tourner, ça ne me coûtait rien de voir s'il pouvait y avoir des gens intéressés. C'était aussi une façon de me rassurer. On avait déjà transformé la brasserie en épicerie pendant le covid. Ça a duré deux ans. Mais aujourd'hui, les gens font attention à leur portefeuille. Tout est devenu plus cher dans n'importe quel supermarché. La crise immobilière plombe le budget de tout le monde. Le seul plaisir que les gens ne sont pas prêts à sacrifier, ce sont les vacances. "

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Christophe Schivre (à gauche), le gérant de la brasserie, explique devoir faire face à de trop nombreuses contraintes financières. / © RTL

Les difficultés à recruter du personnel ont-elles pesées dans la balance ? 
"Non j'ai la chance de pouvoir compter sur une équipe stable. Nous travaillons dans une petite brasserie. Mais pour d'autres établissements plus grands, c'est effectivement très compliqué à gérer. Les mentalités ont fortement changé et pas uniquement dans la restauration. On en parle beaucoup entre nous. Ça devient très compliqué de recruter du personnel."

Finalement, dans quel état d'esprit êtes-vous actuellement ?
"Je veux arrêter le plus vite possible. Ça fait 5 ans qu'on se bat. On n'a pas attendu les aides de l'État pour chercher des solutions alternatives. L'an dernier, on a créé une box karaoké. Mais même si on a des idées, il faut que ça suive financièrement. Or, je ne sens plus de dynamique autour de la restauration. Si je m'en sors encore aujourd'hui, c'est parce que je m'accroche à des événements d'entreprise. Les raclettes, ça fonctionne encore. Les barbecues sur notre "plage", en terrasse, également. Mais dépendre des clients, c'est plus difficile."

Comment voyez-vous votre avenir ?
"Ailleurs qu'à Luxembourg. Ça fait plus de 30 ans que je suis ici. J'ai connu l'âge d'or de la restauration dans ce pays. Mais tout est devenu très cher. Je sens de la morosité, j'ai l'impression que les gens ne sont plus très heureux. Ce qui se passe au quartier gare aujourd'hui, ça n'existait pas à l'époque. Il y a plus d'insécurité. J'ai connu un Luxembourg plein de vie, avec des gens heureux qui sortaient tous les soirs. Ce n'est plus vraiment le cas aujourd'hui."