Le chef belgo-luxembourgeois Mathieu Van Wetteren, dont le restaurant Apdikt, à Steinfort, a été récompensé d'une étoile par le guide Michelin Belux lundi, avoue avoir fait une obsession de cette distinction. Rencontre avec un personnage de 36 ans tout en contraste.
Vous avez enfin été récompensé d'une étoile par le guide Michelin, lundi. Qu'est-ce que cela vous a fait ?
Mathieu Van Wetteren: "Oui, je l'ai appris à 10h45. Voir mon nom s'afficher en grand sur l'écran lors de la cérémonie, ça a été une émotion incroyable. Il y a eu du suspens jusqu'au bout. Ça récompense mon équipe et en particulier ma compagne, qui a toujours été là."
Vous avez ouvert votre restaurant "Apdikt" il y a sept ans à Steinfort et certains de vos confrères estimaient que vous méritiez une étoile depuis longtemps. Comment avez-vous vécu cette période ?
D'une certaine façon, ça m'a laissé le temps d'être stable, de construire une entreprise bien ancrée. De bien réfléchir à ce que je voulais, de me perfectionner. Mais c'est vrai que c'est une récompense que je cherchais à obtenir depuis longtemps.
À tel point que l'an dernier, vous aviez dû prendre du recul afin de digérer la déception de ne pas l'avoir reçu... Que s'est-il passé ?
(Il sourit) Je me suis retiré 5 jours dans une yourte dans les bois de Perpignan pour réfléchir à tout ça, pour m'interroger sur les raisons qui faisaient qu'on ne me récompensait pas d'une étoile. Est-ce que je dois continuer sur le même chemin ? Est-ce que je dois m'orienter vers autre chose ? Ce sont les questions que je me suis posées. Finalement, je suis resté fidèle à moi-même.
Quel rapport entretenez-vous avec les récompenses des guides ? On sent que ça vous prend aux tripes.
Les gens qui ont une passion profonde ne peuvent que ressentir la même chose que moi. C'est 21 ans de travail, 21 ans de ta vie où tu te lèves tous les matins en ne pensant quasiment qu'à ça. Ça fait 21 ans que je me mets la pression. Je fonctionne comme ça. Souvent, on me dit: "Mathieu, sors de ton monde de chevaliers!" Mais je resterai toujours moi-même. Honnêtement, on peut dire que je pense à l'étoile Michelin depuis toujours. Le jour où j'ai enfin osé l'exprimer et l'assumer, elle est venue.
Que va changer cette étoile Michelin ?
Elle va m'aider à être sûr de moi. Je pense que les gens vont enfin accepter le spécimen, car j'en suis un. On m'aime ou on ne m'aime pas, c'est comme ma cuisine. Dans ma vie, c'est noir ou blanc.

© Raphaël Ferber / RTL Infos
Vos prix vont-ils évoluer ?
On va jouer le jeu du Michelin, oui. Notre menu est à 110€, il passera bientôt à 125€. Je ne veux pas augmenter de trop, il faut savoir rester humble et ne pas pénaliser nos clients qui nous soutiennent depuis longtemps. Et puis, on va sans doute réduire la capacité à 18 ou 20 couverts, au lieu de 26 quand on est complet.
Votre cuisine s'inspire à la fois du Japon et des pays scandinaves: pourquoi avoir choisi de vous inscrire dans cette voie ?
Déjà, pour le kaizen (ndlr: un état d'esprit et une méthode japonaise qui vise à s'améliorer constamment). C'est ce que je demande à mon équipe: chercher à se perfectionner chaque jour. On peut perfectionner même le geste le plus simple. On est des cuisiniers, pas des joueurs de foot. Et le côté scandinave vient du fait qu'on a plus ou moins le même climat ici, les mêmes valeurs au niveau de la cuisine, les mêmes produits. J'utilise toutes les techniques de conservation qui viennent de là-bas.
On vous appelle "Le Pirate", d'où vient ce surnom ?
On m'a nommé comme ça au cours d'une discussion. Au début, j'avais l'image des pirates de Disney en tête mais j'ai finalement compris ce que ça signifiait. Les pirates travaillent dans le respect, ils suivent un code d'honneur et forment une unité. Sur leur bateau, ils n'ont pas le droit à l'erreur, ils évoluent dans un contexte dangereux. Si tu travailles, t'es récompensé. Si tu ne travailles pas, tu sors. Ça me correspond bien. Et puis, ils sont libres...