Chaque année, les restaurants du Luxembourg et du monde entier sont notés par les guides gastronomiques. Le directeur du Gault&Millau Luxembourg a accepté qu'on le suive lors d'une inspection, afin de mieux comprendre comment les établissements sont évalués.
Comment les guides gastronomiques attribuent-ils leur note ? La question agite régulièrement les cuisines, partout dans le monde. Plus encore à l'approche des cérémonies de remise des prix, comme cela va être le cas au Luxembourg ce lundi 23 octobre 2023, au Parc Hôtel Alvisse. Comme chaque année depuis 2015, le guide Gault&Millau va récompenser les meilleurs chefs et les bonnes surprises de l'année.
85 restos et près de 200 rapports cette année, au Luxembourg
Pour tenter de mieux comprendre ce qu'il se cache derrière des décisions qui peuvent porter un chef aux nues ou, au contraire, le plonger dans l'incompréhension la plus totale, nous avons suivi un inspecteur gastronomique. Et pas des moindres puisqu'il s'agit de Laurent Fery, le directeur du guide Gault&Millau Luxembourg lui-même. Bien connu des restaurateurs luxembourgeois, celui-ci n'évalue jamais une table du pays. Il peut en revanche compter sur quatre inspecteurs qui agissent en toute confidentialité. Cette année, ces derniers ont inspecté 85 restaurants et dressé 187 rapports: oui, un même restaurant est inspecté plusieurs fois par des inspecteurs différents avant d'être noté. La liste de ces rapports nous a été dévoilée.
Pour pouvoir suivre le directeur du Gault&Millau Luxembourg, nous nous sommes rendus dans un restaurant bien coté situé de l'autre côté de la frontière belge, dans les environs de Bastogne. Là où il passe encore inaperçu et où il peut répondre à une demande de ses confrères de Gault&Millau Belgique. Le restaurant en question est bien coté, aux alentours des 15/20 dans le guide (ce qui correspond à trois toques) et mentionné dans celui du Michelin.
À titre de comparaison, cette table belge est comparable en terme de qualité -et sur le papier- aux restaurants du Luxembourg Les Jardins d'Anaïs, Côté Cour à Bourglinster ou Apdikt à Steinfort. "On va le réinspecter parce que la première inspection de cette année n'a pas été à la hauteur de la note qu'il a dans notre guide" explique Laurent Fery.
À table, notre directeur/inspecteur opte pour le menu en 5 services à 85€: Hamashi mariné, joue de cabillaud, queue de boeuf confite, colvert en deux façons et pour finir, le crémeux de gorgonzola et sa structure de poires.

Voici la joue de cabillaud et ses légumes du sud, servie en entrée. / © Raphaël Ferber / RTL Infos
Les mises en bouche passent à la moulinette. "L'un est anesthésié par la sucrosité du yuzu (ndlr: qu'on nomme aussi citron du Japon)" juge le directeur du guide luxembourgeois. "L'autre, en revanche, est vraiment très bon. C'est gourmand, il y a du craquant. La truite fumée, je la retrouve bien dans la brandade. La petite bisque, elle est onctueuse, pas trop couvrante."
Quand on lui demande quelle légitimité il a, lui et ses inspecteurs, pour juger les restaurants, il répond: "nous allons au restaurant depuis des années, quasi quotidiennement. On connaît toutes les tables, on teste rapidement les nouveautés. On n'est pas élitistes et on n'est pas là pour "casser" du chef. Mais on sait de quoi on parle."
Au tour du Hamachi, un poisson japonais, servi avec une déclinaison de tomates. "C'est dommage que les tomates soient sans goût, elles sont gorgées d'eau" note t-il. Pour le vin, Laurent Fery demande conseil. Une façon de tester le service et les connaissances de notre serveuse. Vient alors le meilleur moment du repas pour notre guide: la queue de boeuf confite. "Je retrouve vraiment la queue de bœuf telle qu'on la faisait à l'ancienne. C'est vraiment très bon. C'est modernisé, c'est simple. Enfin, ça a l'air simple mais c'est très bon" commente t-il.
Tous les plats sont photographiés. La carte également. Les photos sont téléchargées dans une application accessible à tous les inspecteurs. Les assiettes y font systématiquement l'objet d'un commentaire. Pour établir une note, Laurent Fery répond par l'affirmative quand on lui demande s'il existe une grille d'analyse. "Ce qui prend du temps, c'est celui de la réflexion, de l'écriture et de la rédaction du rapport. Ça, ça peut prendre entre une heure et demie et trois heures suivant la difficulté du restaurant qui a été visité" précise t-il.
Trois heures après le premier coup de fourchette, l'heure est à un premier bilan, dans la voiture. "L'ensemble du repas était assez cohérent, du début à la fin. On a eu quelques bémols notamment avec l'utilisation d'un ou deux produits qui n'auraient pas dû être utilisés comme l'huile de truffe qui est en réalité une huile synthétique et qui n'a rien à faire dans ce genre d'établissement. En revanche, d'autres plats étaient vraiment réussis."
Et cette fameuse note, alors? Cela mérite encore réflexion pour le directeur du Gault&Millau Luxembourg. "Mais c'est un peu en-dessous de sa cote actuelle, effectivement, même si le rapport prix-plaisir était assez intéressant..."
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