Chef au parcours atypique, Ben Ho dirige la cuisine du restaurant The First Floor, dans le Grund, depuis le mois de juin. On a testé son nouveau menu.

Le lieu est bien connu des habitués du quartier du Grund, peut-être un peu moins des visiteurs. Et pour cause, le restaurant The First Floor est, comme son nom l'indique, situé au premier étage du Scott's, le fameux pub qui borde l'Alzette et dont il partage également un bout de terrasse. "D'ici la fin de l'été, on va fixer l'enseigne du restaurant sur le bâtiment" précise le manager général du restaurant et du pub, Joao Russo. À l'étage, ce qui était "un bar à shots" et un "lieu de fête" est devenu un restaurant de terroir, qui profite d'un tout nouveau bar à cocktails.

The First Floor vient ainsi de fêter son premier anniversaire (le 6 juin dernier) avec un changement en cuisine. Orlando Ribeiro, en poste depuis février 2022 (il assurait également les plats du pub), va voguer vers de nouvelles aventures au Portugal. Son successeur n'est autre que celui qui était encore son second, fin mai: Xuan-Bin Beny Ho, chef de 32 ans que tout le monde dans le quartier connaît via son surnom, "Ben". On a eu l'occasion de tester le nouveau menu en cinq plats (65€), élaboré une dernière fois avec Orlando et on peut dire que la surprise, pour qui ne connaissait pas l'endroit, fut des plus agréables.

Après les mises en bouche communes (une salade romaine grillée servie avec des artichauts et un sashimi de bonite à l'huile de rose rehaussé de rondelles de cerise), notre choix s'est porté sur les asperges blanches au beurre blanc et à la fleur de sureau, sur l'agneau luxembourgeois glacé à la pêche et en dessert, sur un dôme croustillant à la rhubarbe, au chocolat blanc, au caramel au beurre salé et à la cardamome.

Aucune fausse note à notre goût, avec une petite mention pour la salade romaine, les asperges au beurre blanc et le croustillant à la rhubarbe, sans doute moins ambitieux que la tomate au sarrasin et au yaourt grec, mais mieux maîtrisé. Depuis notre passage, la carte a déjà légèrement évoluée, l'asperge n'étant plus de saison.

À deux doigts de cuisiner sur un yacht en Italie pour "des super riches"

Né au Luxembourg, Ben Ho a rallié vers 13 ans la Belgique et Bastogne, où filait l'un de ses camarades de classe. "Mes parents n'étaient de toute façon pas fans des écoles luxembourgeoises..." avoue-t-il. À l'en croire, son parcours gastronomique a souvent dépendu de discussions fortuites. "Je ne savais pas quoi faire quand j'étais étudiant. Je suivais un cursus en économie en Allemagne, mais je passais surtout mon temps à m'amuser. Alors, une amie de ma soeur m'a mis en contact avec son ex-copain, qui était sous-chef en Autriche" raconte t-il.

C'est ainsi que Ben Ho s'est retrouvé à 25 ans dans les cuisines de Johanna Maier, cheffe internationale étoilée de l’Hôtel Hubertus, dans la petite commune de Filzmoos, situé au pied d'un grand domaine skiable. "C'était super dur. Je ne savais pas comment ce monde fonctionnait. Mais avec le recul, ça valait la peine" estime t-il.

Il s'est ensuite envolé vers Copenhague, à l'Hôtel d'Angleterre, d'où il est parti "environ un an plus tard" pour rejoindre la micro-brasserie Brus. "On y faisait des plats super cool, on fermentait les frites dans des fûts de 50 litres. C'était spécial mais bon!" Son retour chez Johanna Maier, en Autriche, a ensuite été perturbé par la pandémie du covid, en 2020.

Ben Ho est alors revenu au Luxembourg sans plan particulier, jusqu'à ce qu'une connaissance de Copenhague l'aiguille du côté de Nice, au restaurant Pure & V"Mon ami est devenu chef peu de temps après que le restaurant ne décroche sa première étoile Michelin et moi je suis devenu son sous-chef. C'était super cool."

Le deuxième confinement et la fermeture des restaurants le ramène encore une fois à la case départ: au Luxembourg. Il y vit une expérience de deux ans au Hitch, au Glacis, avant d'envisager ouvrir son propre restaurant. "Mais ce n'était pas le bon moment, entre la crise économique liée à la guerre en Ukraine et la difficulté à trouver du personnel motivé après la pandémie..."

La possibilité d'aller cuisiner sur un yacht en Italie "pour des super riches" s'est encore envolée quand Ben Ho s'est rendu compte "que le capitaine voulait m'arnaquer avec un salaire plus bas qu'annoncé et des journées de 14h."

Une rencontre imprévue au First Floor, avec notamment le chef Orlando Ribeiro, a décidé du reste. "J'ai passé une journée d'essai, on a discuté et les choses se sont faites très vite." Depuis le 1er juin, Ben Ho continue de prendre ses marques. Il a d'abord été question de ne proposer que des menus, avant d'ajouter des plats à la carte.

En cuisine, il ne serait pas contre l'idée d'être épaulé, puisque lui aussi doit assumer les commandes venant du pub. "J'ai appris à m'adapter" affirme t-il. "Ce que j'aime bien au First Floor, c'est que ce n'est pas trop grand. Je peux faire ce que je veux. Je fonctionne au feeling, j'ai des idées, je tente des combinaisons... Parfois, je me foire complètement. D'autres fois, ça matche et c'est cool. Maintenant, j'aime bien faire simple et efficace, je n'essaie plus d'atteindre la perfection du début à la fin." 

Une chose est sûre, Ben Ho n'hésite pas à voyager pour expérimenter de nouvelles cuisines. "Quand j'étais jeune, j'avais l'impression d'avoir tout vu au Luxembourg. Je n'avais qu'une envie: découvrir autre chose. Sans le covid, je ne serai sans doute jamais revenu." S'est-il posé au premier étage du Scott's pour s'inscrire sur du long, du moyen ou du court terme? "Je ne pense pas à ça. Il arrive un moment où l'on sent s'il est temps de partir."