Le célèbre guide rouge a rendu son verdict il y a quelques jours pour les restaurants du Luxembourg. Mais certaines tables mériteraient aussi ses faveurs. On a sondé des chefs du pays.

Plus d'une semaine après la remise des prix de l'édition 2023 du guide Michelin Belux, les récompenses alimentent toujours les discussions dans les différentes cuisines du Luxembourg. Les chefs qui retenaient leur respiration peuvent se détendre. Le célèbre guide rouge s'est montré moins intransigeant que l'an dernier, lorsqu'il avait retiré une étoile à trois établissements réputés: Le Clairefontaine, Les Jardins d'Anaïs et La Cristallerie (qui s'est d'ailleurs séparée de son chef Fabrice Salvador fin décembre 2022).

Un seul restaurant a été récompensé: le Pavillon Eden Rose à Kayl, géré par le jeune couple Valérian Prade et Caroline Esch, qui a reçu sa première étoile. Le Luxembourg a repris quelques couleurs: il compte désormais neuf restaurants étoilés. Mais il pourrait en compter un peu plus, murmure-t-on ci et là. Même si le pays ne peut prétendre à en compter une quinzaine comme cela fut le cas il y a de nombreuses années...

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L'APDIKT FAIT L'UNANIMITÉ

Un restaurant est régulièrement cité parmi "les oubliés" du guide. Et ça ne date pas d'hier: L'Apdikt à Steinfort, tenu par le chef belge Matthieu Van Wetteren. "C'est ce qui me choque le plus car pour moi, c'est l'une des plus belles tables du pays", réagit Arnaud Deparis, le chef de L'Avenue au Kirchberg (restaurant non étoilé), en observateur averti. "À chaque fois que je vais manger chez lui, je trouve ça extraordinaire. Il est toujours à la recherche de nouveautés, il a une technique de dingue... J'aimerais vraiment que le guide Michelin nous explique un jour pourquoi lui n'a pas deux étoiles. Une, ce serait la moindre des choses."

Est-ce parce que les horaires d'ouverture de L'Apdikt, fermé les midis, n'entrent pas dans les critères du Michelin, s'interroge-t-on ? Ou parce que les plats végétariens y ont peu de place ? Mystère.

Toujours est-il que René Mathieu, le chef de La Distillerie au Château de Bourglinster (1 étoile Michelin et 1 étoile verte), rejoint Arnaud Deparis sur ce point. "Au Luxembourg aujourd'hui, je ne vois pas qui d'autre pourrait obtenir une étoile Michelin" nous répond le chef spécialisé dans la cuisine végétale. "Cela fait sept, huit ans que Matthieu Van Wetteren est complet quasi chaque soir. Sa cuisine est créative, c'est bon... Tu ne fais pas une erreur en allant manger chez lui. Pourtant, c'est quelqu'un qu'on a complètement oublié." 

"C'est un vrai talent, il fait du super boulot" ajoute enfin Cyril Molard, le chef de Ma Langue Sourit, seul restaurant deux étoiles du pays. "C'est quelqu'un de très intéressé, qui fait un vrai travail sur le goût, les textures, qui propose une cuisine très contemporaine. Pendant le Covid, il a fait des stages en Suède chez Frantzén (3 étoiles Michelin) par exemple. Il a une vraie réflexion, une vraie personnalité. Il est dans une évolution qui me plaît."

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UN PEU TÔT POUR L'ÉQUILIBRIUM

C'était sans doute trop tôt pour récompenser le tout nouveau restaurant de Baptiste Heugens, L'Equilibrium. L'ancien chef du Two6Two a pris ses quartiers aux Rives de Clausen en décembre dernier et était encore occupé à bâtir son équipe ces dernières semaines. "Mais je pense qu'il aura l'étoile l'année prochaine car ses assiettes la méritent" souligne Arnaud Deparis. "S'il arrive à percer, pourquoi pas" ajoute René Mathieu. Même chose pour Cyril Molard, qui a accueilli Baptiste Heugens dans sa cuisine il y a quelques mois: "un jour, il décrochera sûrement une étoile." 

Sinon, à quand un restaurant trois étoiles au Luxembourg? Il y a quelques semaines, René Mathieu nous répondait qu'il verrait bien Ma Langue Sourit et Cyril Molard décrocher la récompense suprême. "Ce qui est sûr, c'est qu'on est dans une progression constante à tous les niveaux et qu'on se remet en question chaque jour" nous répond l'intéressé. "Est-ce que ça nous permettra d'atteindre les sommets? Ça, je n'en sais rien. Ce serait fou pour nous et pour le Luxembourg. Mais ça nous emmènerait dans un monde qu'on ne connaît pas."

Au Luxembourg, on espère aussi voir l'émergence de nouveaux chefs dans les années à venir afin de prendre le relais, par exemple, d'un René Mathieu ou d'un Illario Mosconi, qui défendent leurs distinctions depuis de nombreuses années.

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LE CLAIREFONTAINE FAIT TOUJOURS PARLER

Reste que la prudence est parfois de mise lorsqu'il s'agit d'évoquer ces restaurants que le guide Michelin ne récompense pas. Surtout quand les chefs invités à nous répondre ont ses faveurs. "Je préfère parler du bonheur que procure une étoile que de parler de polémiques. Et à ce titre, je suis très heureux pour Eden Rose" souligne ainsi Cyril Molard, qui se réjouit également d'avoir conservé ses deux étoiles à Ma Langue Sourit.

"Nous ne sommes pas dans la confidence des guides, nous ne connaissons pas tous leurs critères. Certaines décisions peuvent paraître injustes mais il y a toujours une raison" estime de son côté René Mathieu.

À ce titre, le cas du Clairefontaine et de son chef Arnaud Magnier continue d'émouvoir certains chefs, un an après la perte de son étoile.

"Pour moi, c'est inadmissible qu'Arnaud n'ait pas une étoile Michelin. C'est un endroit mythique à Luxembourg. Ses assiettes sont toujours propres, c'est bien assaisonné, le service est parfait et sa carte des vins est de très loin la plus belle du pays" estime Arnaud Deparis.

Le chef de L'Avenue ne s'en cache de toute façon pas: il n'est pas fan des récompenses. "Quand je vois dans quel état ça met tous les chefs qui perdent une étoile et le bruit que ça fait... Franchement, j'ai l'impression que le guide tape régulièrement sur de très grands noms, juste pour qu'on continue à parler de lui. On ne m'enlèvera pas de la tête que Le Clairefontaine a payé pour cette raison."

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