Simon et Fanny doivent souvent composer avec des clients mal élevés. Un vrai casse-tête ! / © Romain Van Dyck
Réserver un restaurant, puis décider d'annuler sans prévenir... Ce fléau a un nom: "No show". Coup de gueule de la Brasserie l'Authentique (Luxembourg-Ville), qui rappelle que ces rendez-vous manqués sont plus graves qu'on ne le pense.
"J’ai honte du comportement que certains peuvent avoir, vraiment ! Vous n’imaginez pas l’investissement personnel que les restaurateurs mettent dans leur établissement pour le plaisir de vous faire plaisir. Du stress, de la fatigue, des sacrifices et j’en passe … alors le minimum à avoir c’est de nous prévenir lorsque vous ne pouvez pas honorer votre réservation ! Je suis dégoûtée … j’ai de la peine et beaucoup de colère."
Plusieurs jours après la publication de ce post sur Facebook, Fanny ne décolère pas. À l'origine de ce coup de gueule, une soirée calamiteuse où "une table de cinq et deux tables de trois" sont restées vides, nous explique-t-elle. La faute à des clients qui n'ont pas jugés utile de venir au restaurant, ni de prévenir de leur annulation. Bref, des "no show", comme on les appelle dans le milieu.
Fanny et Simon, qui gèrent la Brasserie l'Authentique à Luxembourg-Ville, n'échappent pas à ce phénomène. Souvent complets les midis, ils fonctionnent en grande majorité grâce à la réservation, par téléphone ou par mail. "Ce midi encore, explique Fanny, un monsieur ne s'est pas présenté. Passé 12h15, je l'appelle, pas de réponse. Donc j'ai donné la table à quelqu'un d'autre. Et tous les jours, c'est la même chose" explique-t-elle.
Cela représente en moyenne deux tables vides par jour, soit "40 à 60 couverts perdus par mois" confirme Simon.
"ILS SE COMPORTENT COMME DES GAMINS MAL ÉLEVÉS"
Depuis bientôt 10 ans, leur restaurant bistronomique, d'inspiration "bouchon lyonnais", s'est bâti une belle réputation. Cela lui a permis de vite rebondir et retrouver ses clients après la crise du covid.
Mais quelque chose avait changé, note Simon: "La crise du covid a eu un vrai impact. J'ai l'impression, et je ne suis pas le seul, que les clients se permettent davantage de poser des lapins. Certains sont devenus plus individualistes, moins respectueux, ils se comportent comme des gamins mal élevés."
"Ce n'est pas grave, ils retrouveront bien un autre client" doivent se dire nombre de clients malpolis, pour se donner bonne conscience.
Rien n'est moins faux: non seulement les annulations de dernière minute sont difficiles à combler, mais c'est oublier toute la logistique du restaurant: "Nous les restaurateurs, on est des statisticiens: il faut tout compter, anticiper, comptabiliser. Souvent, je passe les commandes de produit la veille au soir, je prends tant de poisson, tant de légumes, tant de viande..."
Une réservation non honorée est souvent une perte sèche pour le restaurateur. / © Brasserie l'Authentique
Donc une partie de la marchandise risque d'être perdue, surtout lorsque le restaurateur travaille des produits frais: "Certains travaillent surtout des produits surgelés -je ne juge pas, il y a des très bons produits en surgelé -, et ont moins de contrainte de conservation que nous, qui avions prévu de cuisiner ces produits frais et qui nous retrouvons avec des denrées périssables sur les bras".
Autre conséquence des "no show", le personnel: "En ce moment, on est en sous effectif, donc quand on a des coups de bourre, on embauche un intérimaire, et ça coûte cher. Quand des clients annulent des réservations, il peut arriver qu'on ait embauché l'intérimaire pour rien."
5 SOLUTIONS POUR DÉCOURAGER LE NO-SHOW
Face à ce fléau des "no show", il existe bien des techniques pour pousser le client à honorer sa réservation. On soumet quelques solutions à Fanny et Simon:
1. Collecter une emprunte bancaire, bref, demander le numéro de carte bleue, pour bloquer une certaine somme qui sera débitée si le client ne vient pas: "Sur le principe, pourquoi pas, mais il faut que tous les restaurateurs le fassent, sinon les clients fuiront vers les restaurants qui ne le font pas" note Fanny.
Donner son numéro de carte bancaire au restaurateur : une technique qui motive les "no show" à honorer leurs réservations... ou à aller voir ailleurs. / © AFP
2. Faire des relances par mail, avec un système de notification automatique pour que les clients n'oublient pas leur réservation, ou encore pour que le client reconfirme sa venue prochaine en cliquant sur un lien: "Je ne sais pas trop, ça risque d'agacer les clients si on les harcèle avec des mails", estime Fanny, qui en revanche consacre beaucoup de temps à gérer ce moyen de réservation: "Je check les mails toutes les 10 minutes, même les week-ends et les soirs, je réponds tout le temps, vérifiez si vous voulez" sourit Fanny.
3.Blacklister les "serial no-show" : "On a déjà une liste noire pour les clients qui abusent. Pour eux, c'est fini, on ne veut plus d'eux chez nous" tranche Simon.
4. Créer une liste d'attente, donc prendre les numéros de clients qui n'ont pas pu obtenir de table, afin de les appeler en priorité si une table se libère. "C'est aussi une technique, j'en connais qui font ça au Luxembourg, mais ça demande beaucoup de temps" confirme Fanny.
5.Surbooker stratégiquement, c'est à dire proposer davantage de tables qu'il n'y en a, par exemple 11 tables au lieu de 10 en réalité, en pariant sur le fait qu'il y aura forcément un client qui posera un lapin: "Je le fais parfois, l'été, pour les réservations en terrasse, mais il ne faut pas en abuser". Et si tous les clients se pointent quand même, le restaurateur peut toujours les faire patienter dans la bonne humeur en leur offrant un cocktail au bar...
Dans tous les cas, si vous devez annuler une réservation, ayez au moins la politesse de prévenir, la plupart des restaurateurs sont compréhensifs et savent que des imprévus peuvent survenir. Ce qu'ils digèrent mal, en revanche, ce sont les "lapins" répétés, qui pourraient vous valoir de rester définitivement à la porte !