
La semaine de quatre jours fonctionne s’il s’agit d’une réduction du temps de travail accompagnée d’un changement d’organisation pour augmenter la productivité, explique à l’AFP Pedro Gomes, professeur d’économie à Birkbeck (Université de Londres), auteur du livre “Friday is the new Saturday” et coordinateur d’un projet pilote au Portugal.
Réponse: Les travailleurs plus reposés travaillent mieux les autres jours, ils sont plus créatifs. Cela libère du temps pour l’innovation, on ne réfléchit pas qu’au travail.
Mais cela ne suffit pas pour rattraper la perte d’une journée. La semaine de quatre jours implique un changement dans l’organisation du travail pour être plus productif.
Il faut raccourcir la fréquence et la durée des réunions. Parfois il s’agit d’adopter des technologies. Une chaine de restaurants à Madrid a mis en place la semaine de quatre jours sans embauche de personnel: les clients commandent par une application pour économiser du temps au serveur. Très populaire également, la création de blocs de temps pour séparer le travail d’équipe, le travail personnel, la vérification d’emails, les moments sociaux...
Ces changements sont plus faciles à réaliser à l’occasion d’un passage aux quatre jours car les salariés savent que le bénéfice sera aussi pour eux. Un chef d’entreprise m’a dit que le passage aux quatre jours avait été son meilleur exercice de cohésion.
La semaine de quatre jours réduit aussi les coûts: la facture énergétique si vous fermez le vendredi, le taux d’absentéisme car les travailleurs sont moins souvent malades. Dans tous les projets, le stress et l’épuisement ont diminué considérablement.
C’est une solution aux problèmes de recrutement. Dans une banque britannique, les candidatures ont augmenté de 500%. C’est une alternative aux augmentations de salaires et un moyen pour les PME de concurrencer les grandes entreprises aux salaires plus élevés.
R: Cela concerne 39 entreprises volontaires du secteur privé, principalement des PME. Un projet de six mois, ça rassure, ça permet de partager les expériences...
On a défini trois principes clés. Premièrement pas de réduction de salaire, ce n’est pas du temps partiel. Deuxièmement une diminution de nombre d’heures travaillées, ce n’est pas une semaine de travail comprimée.
Au Portugal, la semaine est de 40 heures, la réduction peut être à 32, 34 ou 36 heures. On laisse la décision à l’entreprise. Troisièmement c’est volontaire et réversible. Ce n’est pas une loi, ni un droit des travailleurs, c’est une pratique managériale, et si ça ne fonctionne pas, on revient en arrière.
Notre décision la plus importante a été de ne pas donner de subvention afin de faire une bonne évaluation. Si nous donnons de l’argent, même en cas de succès, un sceptique l’attribuera toujours à la subvention.
R:Aucune loi économique ne dit qu’on doit travailler six, cinq ou quatre jours, c’est un choix de société entre le temps de travail et le temps de loisirs.
Le mouvement de la semaine de cinq jours a pris de l’ampleur quand l’Américain Henry Ford l’a mis en place dans toutes ses usines en 1926. Il pensait que les ouvriers n’auraient pas besoin d’une voiture s’ils passaient six jours enfermés dans ses usines.
Les cinq jours ont correspondu à l’économie de consommation de masse du XXe siècle. Mais depuis 30 ans, tout a changé: la technologie, la vitesse de communication, la démographie, le travail des femmes... et on continue d’organiser le travail de la même manière. Il y a aussi un changement culturel de l’équilibre entre vie professionnelle et privée après le Covid, en particulier chez les jeunes.
Les critiques dans les années 30 étaient les mêmes qu’aujourd’hui contre les quatre jours: c’est impraticable, les salaires vont baisser, tout le monde va devenir fainéant.... Ce qui est intéressant, c’est que ces critiques ont vite disparu après la mise en œuvre des cinq jours.