Le président du groupe parlementaire CSV recale le souhait de l’Association des médecins et médecins-dentistes d'une large libéralisation du secteur.
Dimanche, l’Union des syndicats a envoyé une lettre pleine de reproches au Premier ministre Luc Frieden. Cette fois, les syndicats se sont plaints de la ministre de la Sécurité sociale et de la Santé, Martine Deprez. Cette dernière n'avait déjà pas pris les syndicats au sérieux dans la discussion sur les retraites, et elle s'attaque désormais au système de santé, déplore le front syndical.
La présidente de l'OGBL Nora Back: "La cerise sur le gâteau, c’est en fait ce qui se passe maintenant avec notre système de santé et le risque qu’il soit vendu et exposé à la commercialisation. Et cela, c’est quelque chose avec lequel nous ne pouvons pas vivre, c’est pourquoi nous avons rédigé cette lettre."
Déconventionnement: front commun syndical versus AMMD
Les positions des syndicats et celles de l’Association des médecins et des médecins-dentistes (AMMD), qui a résilié les conventions avec la CNS, sont diamétralement opposées.
“Si maintenant le déconventionnement se produit, en plus d’une ouverture aux investisseurs privés qui prendraient en charge notre système de santé et spéculeraient avec des fonds publics pour s’enrichir, cela se fera finalement toujours au détriment du patient. Et nous ne pouvons pas le tolérer”, souligne Nora Back.
Pour Marc Spautz, président du groupe parlementaire CSV, il est clair qu'à l’avenir, les médecins qui souhaitent travailler au Luxembourg devront être conventionnés avec la CNS, comme c’est le cas jusqu’à présent. Son message ne s’adresse pas seulement à l’AMMD, mais aussi aux partenaires de coalition du DP.
Respecter l'accord de coalition
“Je suis d’avis que l’accord de coalition stipule que nous serons fidèles au conventionnement et que, par conséquent, le conventionnement continuera d’exister au Luxembourg. C’est ainsi que je lis ce qui figure dans l’accord de coalition et je considère donc que c’est ce qui vaudra pour toute la coalition.”
Martine Deprez avait déclaré la semaine dernière dans une interview à RTL que si la Caisse nationale de santé (CNS) et l’AMMD ne parvenaient pas à s’entendre sur une nouvelle convention dans les 12 mois, le problème pourrait être réglé par règlement, comme cela a été fait pour la participation de la CNS aux séances de psychothérapie.
Mais l’ex-ministre de la Santé et députée LSAP, Paulette Lenert, y voit un écueil : “Dans ce cas, le montant qui sera remboursé au patient est fixé. Mais de l’autre côté, le delta deviendra peut-être une réalité. Qu’est-ce que je veux dire par là ? Si le médecin facture davantage, il y aura une différence entre ce qui a été fixé comme remboursement et ce que je dois payer lorsque je vais chez le médecin.”
Crainte des syndicats de voir des investisseurs privés s’implanter dans le secteur de la santé
En ce qui concerne la crainte des syndicats que des investisseurs privés puissent s’implanter dans le secteur de la santé via les sociétés de médecins envisagées, Marc Spautz se veut rassurant: “Je suis également confiant que cela sera nettement séparé dans le projet de loi à venir, comme c’est le cas pour les sociétés d’avocats.”
Prise en charge de l'ambulatoire dans des structures extra-hospitalières?
Paulette Lenert trouve difficile d’estimer la direction que prendra la politique de santé de la coalition CSV-DP. Et cela parce qu’aucun texte n’est encore sur la table, dit-elle. Cela vaut aussi pour les propositions de Martine Deprez visant à permettre des traitements ambulatoires dans des structures plus petites en dehors des hôpitaux, à propos desquelles Nora Back affirme clairement : “Elles doivent appartenir à l’hôpital. Cela doit faire partie de l’hôpital.”
Paulette Lenert n’est pas aussi catégorique : “La question qu’il faut se poser est : sous quelles conditions des éléments sont retirés des hôpitaux ? Cela soulève la question de la sécurité. Y a-t-il une obligation de collaboration avec les hôpitaux ?”
Quid de la continuité des soins et des urgences dans ces petites structures?
Marc Spautz s'interroge aussi sur la continuité des soins et des urgences. Il parle en son nom propre lorsqu’il dit : “Je suis toujours d’avis que les médecins peuvent certainement très bien le faire, et s'ils parviennent à garantir cela 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, je suis d’accord, je pourrais aussi l’imaginer. Mais cela doit être garanti 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, sinon le risque pour le patient est relativement élevé.”
En résumé : là où il est écrit hôpital ou clinique, il faut que ce soit réellement un hôpital ou une clinique. Cela vaut aussi pour le personnel qui doit y travailler.
“Si des structures apparaissent qui fonctionnent comme un hôpital, je pense que les conditions doivent être les mêmes, et pour moi cela sous-entend alors que la convention collective de l’Entente des hôpitaux s’applique.”
L’ex-ministre de la Santé partage les inquiétudes des syndicats sur ce point et avertit que sinon : “… éventuellement, les activités les plus lucratives qui seront externalisées, permettront de créer des conditions attractives pour des personnes qui préfèrent travailler en dehors de l’hôpital, sous des conditions moins contraignantes que celles actuellement en vigueur à l’hôpital.”
Paulette Lenert prévient que cela pourrait aussi poser des problèmes pour assurer les gardes.
Déficit de la CNS
Nora Back ne comprend surtout pas comment, avec le déficit de la CNS, la ministre de la Santé peut envisager cette voie : “Nous avons aujourd'hui une situation à peine stable et, en même temps, nous sortons le grand jeu en disant que nous allons créer des cliniques privées à côté des hôpitaux, sans savoir quel en sera le coût. Et c’est en fait le reproche que nous adressons à la ministre.”
Après tout, les syndicats soulignent depuis des années la situation précaire de la Caisse nationale de santé.
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