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Taina Bofferding dit n'avoir jamais prévu de devenir politicienne, mais sa frustration de voir des "hommes âgés aux cheveux gris" prendre des décisions sur la politique de la jeunesse aurait propulsé la députée LSAP dans une carrière qui la verra traverser la pandémie de COVID-19, mener des réformes majeures et finalement devenir l'une des principales voix de l'opposition au Luxembourg.
Pour leur série Sunday Interview, nos confrères de RTL.lu se sont entretenus avec la députée Taina Bofferding du LSAP dans le lieu qu'elle a choisi : la forêt du Bambësch à Luxembourg-Ville, où elle va souvent se détendre.
Elle a déclaré qu'elle n'avait jamais initialement envisagé de faire carrière en politique. Son entrée dans ce domaine est née d'un désir de défendre les intérêts des jeunes, motivée par la frustration suscitée par les débats politiques dominés par des "hommes, pour la plupart âgés et aux cheveux gris", décidant de ce qu'ils pensaient être le mieux pour la jeune génération.
"Je me suis dit : "Tu n'as aucune idée de ce dont tu parles" ", a-t-elle déclaré, ajoutant : "C'est pourquoi j'ai décidé de m'impliquer moi-même." Sa carrière politique a débuté aux Jeunes Socialistes, l'aile jeunesse du LSAP, avant d'accéder au conseil municipal d'Esch-sur-Alzette, puis au parlement. De décembre 2018 à novembre 2023, elle a été ministre de l'Intérieur et de l'Égalité des genres.
Mandat ministériel : Gérer la crise covid et la réforme de l'impôt foncier
Taina Bofferding a décrit sa nomination ministérielle comme un "grand honneur", soulignant que si ce rôle offrait la possibilité de façonner la politique, il comportait également une responsabilité importante.
Revenant sur son passage au gouvernement, elle a exprimé sa gratitude pour cette opportunité, précisant qu'elle en garde un regard positif. Elle a toutefois souligné que les ministres doivent faire face à la fois aux initiatives planifiées et aux crises imprévues, la pandémie de COVID-19 étant le défi majeur de son mandat.
"Ce n'était pas la période la plus agréable", a-t-elle admis, qualifiant la période de "très difficile". Elle maintient néanmoins les décisions du gouvernement, affirmant que les mesures prises étaient nécessaires.
En tant que ministre de l'Intérieur, elle a donné la priorité à la réforme de la taxe foncière luxembourgeoise – un sujet longtemps éludé, abordé pour la dernière fois en 1981, un an avant sa naissance. Elle a reconnu le caractère politiquement sensible de cette réforme, mais a fait valoir sa nécessité pour la politique du logement, notamment parallèlement à des mesures comme la taxe de mobilisation destinée à encourager l'aménagement de terrains vacants.
Bien que la réforme soit toujours en attente d'approbation parlementaire, elle a exprimé l'espoir que le gouvernement actuel la fera avancer, réitérant que l'accessibilité au logement est le "problème le plus urgent" du Luxembourg.
"Nous devons apporter nos propres idées et collaborer avec le gouvernement autant que possible"
Suite au passage du LSAP dans l'opposition après les dernières élections législatives, Taina Bofferding a reconnu que, même si elle aurait préféré rester dans la majorité, elle acceptait ce résultat comme faisant partie intégrante de la dynamique politique. Pour elle, la priorité est de continuer à apporter une contribution significative, non seulement en critiquant le gouvernement, mais aussi en proposant des alternatives constructives et en engageant le dialogue avec les partis majoritaires. "L'opposition doit faire plus que simplement examiner", a-t-elle souligné : "Nous devons apporter nos propres idées et collaborer avec le gouvernement autant que possible."
Elle a cité la prochaine réforme de l'individualisation fiscale comme un exemple réussi d'une telle collaboration. Bien que le LSAP ait longtemps plaidé en faveur de ce changement, la pandémie et d'autres priorités ont retardé son action pendant son mandat au gouvernement. Taina Bofferding a félicité le ministre des Finances Gilles Roth pour avoir consulté proactivement les députés de l'opposition sur cette proposition, la qualifiant de "grande réforme sociétale" que son parti est désireux de soutenir.
La politique du logement demeure un autre domaine clé où Taina Bofferding considère que la contribution de l'opposition est essentielle. Elle a souligné le double rôle d'"inspiration" du gouvernement en matière de solutions tout en servant de force "correctrice" – par exemple, en faisant valoir que les incitations fiscales pour les promoteurs ne suffisent pas à elles seules. La protection des locataires et les mesures de mobilisation des terrains vacants, a-t-elle souligné, doivent également faire partie de l'équation.
Le rôle de Taina Bofferding au sein du comité Caritas
En tant que rapporteur de la commission parlementaire spéciale chargée d'enquêter sur le scandale Caritas, Taina Bofferding a consacré des mois à examiner l'affaire au cours de 20 réunions. La commission a entendu les témoignages de nombreuses parties prenantes – dont d'anciens membres du conseil d'administration de Caritas, des représentants du secteur bancaire et des représentants du gouvernement – afin de reconstituer les événements ayant conduit à la crise.
Mme Bofferding a présenté l'approche en deux phases du comité : premièrement, établir la chronologie factuelle et les décisions politiques entourant le scandale. deuxièmement, et surtout, élaborer des recommandations concrètes pour combler les lacunes législatives et mettre en œuvre des garanties dans le secteur social. "Si aucun système ne peut offrir une protection à 100 %", a-t-elle souligné, "nous pouvons mettre en place de meilleurs mécanismes de contrôle et d'alerte pour prévenir de futures crises de cette ampleur."
L'enquête a présenté des défis importants. Certains témoins ont refusé de témoigner, tandis que d'autres ont semblé dissimuler des informations. Des témoignages contradictoires ont encore compliqué le travail de la commission. Malgré ces frustrations, elle a trouvé l'expérience enrichissante et se réjouit de présenter ses conclusions au Parlement la semaine prochaine.
Le prochain rapport se concentrera sur deux questions clés : la gestion de crise par le gouvernement et le témoignage du Premier ministre Luc Frieden. Sa publication suscitera probablement un débat au sein des groupes parlementaires, qui formuleront leurs réponses officielles aux conclusions de la commission.
Les manifestations syndicales témoignent d'un mécontentement croissant à l'égard de l'approche gouvernementale
Le récent débat sur la réforme des retraites est devenu un point de tension dans le paysage politique luxembourgeois. Bofferding a rejoint la manifestation de masse organisée samedi dernier par l'OGBL et le LCGB. Selon le député LSAP, cette manifestation ne se limitait pas à une simple opposition à des propositions spécifiques en matière de retraites : elle constituait une mise en garde plus large contre le style de gouvernance du gouvernement.
Elle a vivement critiqué l'approche du Premier ministre Luc Frieden, soulignant un décalage entre sa rhétorique de dialogue et ses actes. "Si le Premier ministre affirme systématiquement valoriser le débat social, ses décisions révèlent une tout autre réalité", a-t-elle observé. Cette tendance est particulièrement manifeste dans de nombreux domaines politiques, notamment la réforme des retraites, la réglementation du salaire minimum, les politiques de travail dominical et les horaires d'ouverture des commerces, affirme-t-elle.
Le député a souligné que le cadre traditionnel de négociation tripartite du Luxembourg, réunissant le gouvernement, les représentants des employeurs et les syndicats, a toujours été l'un des principaux atouts du pays pour résoudre ces problèmes. La réticence du gouvernement actuel à utiliser ce système établi crée des conflits inutiles à un moment où le pays a besoin d'unité, a déclaré Taina Bofferding.
Elle a interprété la forte participation à la manifestation de samedi comme la preuve d'une frustration croissante de la population face à ce qu'elle a qualifié de leadership autoritaire de Frieden. La manifestation ne portait pas uniquement sur les retraites, a expliqué Taina Bofferding, soulignant que les citoyens exigent des réponses claires et concrètes aux défis du pays, et non des décisions prises sans véritable consultation.
Elle s'est montrée particulièrement consternée par le récent processus de consultation nationale du gouvernement, qui, selon elle, a finalement ignoré l'avis du public. "Ils ont mené des enquêtes approfondies pour finalement choisir une option que pratiquement personne ne soutenait", a-t-elle noté.
La députée du LSAP a averti que le mépris persistant du dialogue social risquait d'accroître la polarisation. "Le rôle d'un gouvernement devrait être d'unir la société, et non de la diviser", a-t-elle déclaré, ajoutant que le Premier ministre ne semble pas avoir reconnu que l'ère des décisions unilatérales était révolue.
Elle a souligné que le mécontentement envers le style de leadership du Premier ministre Frieden dépasse les cercles de l'opposition, notant que même des membres de son propre Parti populaire chrétien-social (CSV) ont appelé à des changements dans sa façon de gouverner. "Le Premier ministre est devenu controversé, même au sein de ses propres rangs", a-t-elle observé, citant les déclarations publiques de responsables politiques du CSV qui ont juré de s'opposer à des réformes clés comme la réglementation du travail dominical et les horaires d'ouverture des commerces, à moins que des modifications significatives ne soient apportées.
Selon elle, ces dissensions au sein du parti révèlent des problèmes de gouvernance plus profonds. "Il est inquiétant qu'un Premier ministre peine à conserver le soutien de sa propre famille politique", a-t-elle déclaré. Elle a développé ce point : "En principe, nous avons besoin d'un Premier ministre fort, maître de la situation, mais il semble de plus en plus que ce n'est plus le cas."
La députée LSAP a conclu que le Luxembourg se retrouve désormais avec un Premier ministre affaibli. Les manifestations du week-end dernier, a-t-elle suggéré, représentaient plus que de simples désaccords politiques : elles étaient un signal public clair que les citoyens avaient atteint leurs limites face à l'approche actuelle du gouvernement. Pour Taina Boffering, le message de la rue était sans équivoque : ça suffit.