
Quelles sont les différences et les points communs entre Xavier Bettel, Premier ministre (DP) sortant qui brigue un troisième mandat, et Luc Frieden, son principal challenger et ancien ministre CSV? A douze jours des élections législatives du 8 octobre, c’était le thème du face-à-face télévisuel animé par Caroline Mart, journaliste-présentatrice de RTL Télé Lëtzebuerg.
Les deux politiciens chevronnés, aux tempéraments et aux styles différents, ont essentiellement mis en avant la façon dont ils aborderont la politique familiale, s’ils sont élus, et la réforme fiscale annoncée par la coalition tripartite DP-LSAP-Les Vert pour la législature finissante, mais sans voir le jour.
Se posant manifestement tous deux en potentiel futur Premier ministre, Luc Frieden est apparu très préparé, factuel, un brin mordant et n’a pas hésité à décrire Xavier Bettel -en se tournant vers lui- comme un “homme assurément très sympathique et un ami”. À l’aise face aux caméras, persuasif, un brin taquin, Xavier Bettel a refusé “par principe” de décrire son concurrent, mais a employé à deux reprises la formule de “nouveau Luc dans le vieux CSV”. En référence à l’image de candidat du renouveau que le CSV a collé à son leader pour cette campagne, alors que Luc Frieden était ministre de la Justice, du Budget et de la Défense, sous l’ère Juncker entre 1998 et 2009.

Xavier Bettel a tenté de marquer sa différence en jouant sur la proximité avec l’électeur et en donnant l’image d’un Luc Frieden qui en est plus éloigné: “Je suis près des citoyens, j’ai travaillé avec les gens” et “j’ai besoin du contact avec les gens”, rappelant qu’il était avocat durant douze ans. Tandis que “Monsieur Luc Frieden était dans le secteur privé, dans une banque, à l’étage des chefs”, a glissé Xavier Bettel. Pour mieux apprendre à le connaître, Luc Frieden, souriant face a la liberté de parole de son challenger, a invité Xavier Bettel à “aller boire un coup ensemble après l’émission”.
“Le but est le même: nous avons besoin que le Luxembourg soit une Place compétitive, nous devons faire quelque chose pour la compétitivité, mais aussi les gens. Ce qui nous différencie c’est la méthode, c’est-à-dire de promettre tout de suite qu’on ne sera peut-être pas en capacité de tenir”, a dit Xavier Bettel. Comme “pour tout ce qui concerne le travail, nous sommes également plus proches d’un CSV, mais il y a des différences sur la politique familiale qui est restée l’ancienne au CSV”.
“Ce n’est pas à l’état d’imposer la façon d’éduquer (les enfants). Nous aimerions bien que durant les (quatre) premières années de l’enfant, les parents puissent décider librement s’ils souhaitent que leur enfant aille dans une structure d’accueil -et nous devons en construire davantage- ou s’en occuper à la maison. Dans ce cas, nous disons, ils doivent recevoir une petite reconnaissance, puisqu’ils ne profitent pas des structures financées par l’État”, explique le candidat du CSV. Son parti propose de doubler l’allocation familiale pour chaque enfant jusqu’à la scolarité obligatoire.
Xavier Bettel rétorque: “Je peux juste vous dire que les 300 euros supplémentaires que les gens auront, les inciteront à arrêter de travailler. Ceux qui gagnent justement moins. Ce sont ceux pour lesquels les études prouvent que les enfants ont le plus de difficultés dans le système scolaire”. Avec le risque de glisser vers la pauvreté plus tard. Le DP voudrait qu’”un enfant voulant aller dans une structure d’accueil puisse y aller et que si on a un travail, qu’on ne démissionne pas”.
Le DP aimerait une réforme fiscale qui repose sur une individualisation de l’impôt“pour soutenir aussi les jeunes”, mais Xavier Bettel “ne comprend pas pourquoi le CSV veut un délai de six ans pour pouvoir passer d’une classe d’impôt vers une autre et qu’il ne comprend à nouveau pas le problème qu’aujourd’hui une veuve ou un divorcé doivent payer plus d’impôts”.

L’occasion rêvée pour son adversaire de l’envoyer dans les cordes: “Vous avez dit, Monsieur Bettel, dans votre accord de coalition de 2013 que le gouvernement mènerait à bien l’individualisation. Vous l’avez redit en 2018. Vous ne l’avez pas fait en dix ans. Vous auriez pu modifier le passage en classe d’impôt des personnes veuves ou des divorcés. Qui vous en a empêché ? Le CSV est ouvert à la discussion pour les classes d’impôt, mais vous devez d’abord expliquer comment vous voulez la faire et combien elle coûte?” car " à court terme, ce n’est pas finançable”.
Xavier Bettel parle de “mauvaise foi” de la part de son challenger, en rappelant que “pas loin de 5 milliards d’euros” ont été investis “dans l’économie, les gens, le pouvoir d’achat et les entreprises” pour répondre aux crises successives.
Si le DP conserve le pouvoir “j’organiserai une tripartite directement à la fin de cette année pour discuter des différents scénarios (de réformes fiscales) avec les partenaires sociaux”, promet Xavier Bettel.
La tripartite est “un instrument de crise” et le CSV est “pour le dialogue social”, mais “la politique fiscale, et notamment la suppression d’une classe d’impôt, est une décision politique”, estime Luc Frieden. “Les gens savent maintenant que chez vous, ce sera imposé d’en haut”, mais “moi, j’essaierai en tous cas de discuter aves les partenaires sociaux”, balance Bettel.
L’approche décisionnelle est manifestement un point qui différencie les deux partis. “Je pense que dans un certain nombre de dossiers comme le logement, la santé, les impôts, un Premier ministre doit parfois taper du poing sur la table quand un dossier n’avance pas”, dit clairement Luc Frieden. Et il cite des dossiers laissés en suspens depuis des années par le gouvernement en place comme Knauf, Fage ou le virage ambulatoire pour lesquels “a simplement manqué de l’autorité”.
Réponse de Xavier Bettel sur le leadership: “Je ne suis pas le capitaine qui regarde d’en haut les gens qui rament en bas dans les cales, non! Je suis quelqu’un qui discute avec eux”. Mais Xavier Bettel explique que le rôle du Premier ministre est aussi de faire en sorte que l’accord de coalition tienne. Son rôle est de transposer ce programme dans la réalité. Et “il faut taper du poing sur la table quand c’est nécessaire”.
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