Le système luxembourgeois des retraites vit un drôle de paradoxe. Son financement est dans une situation "confortable" mais s'il n'évolue pas, le régime général fonce tout droit vers le déséquilibre.

Jusqu'ici, tout va bien. Mais demain, tout pourrait aller mal. Et le point de bascule est plus proche qu'il n'y paraît.

Aujourd'hui, les cotisations des travailleurs, des employeurs et de l'État suffisent à financer les pensions des retraités. En 2020, 461.345 personnes cotisaient au régime général d'assurance pension, qui paie 194.441 retraites.

Entre 2013 et 2020, les dépenses (+47%) ont augmenté plus vite que les recettes (44%). "Toutefois, le régime général est toujours excédentaire et la réserve accumulée génère également des recettes de placement qui contribuent à l’accroissement de cette même réserve et donc à son équilibre financier à moyen terme."

Mais demain, le système sera-t-il aussi fringant? Alors que le régime est "dans une situation financière confortable", il va devoir évoluer pour faire face au vieillissement de la population et aux changements économiques.

Dans son dernier rapport sur le régime général d'assurance pension (qui finance les retraites, les pensions d'invalidité et de survie), l'Inspection générale de la sécurité sociale (IGSS) écrit que le système des retraites devra immanquablement changer sous peine de coulerUn constat que faisait déjà la Fondation Idea en 2019 (et d'autres encore avant elle).

En clair: à long terme, le marché du travail luxembourgeois et la croissance du PIB ne suffiront plus à soutenir les retraites. "La création de nouveaux emplois ne pourrait pas suivre infiniment l'évolution du nombre de retraités" confirment l'IGSS et le ministère de la Sécurité sociale.

FILE-T-ON VERS UN PRÉCIPICE?

Comme sur une paisible autoroute, le système en a encore dans le réservoir et il file à une belle allure. Mais au loin, le chemin devient franchement sinueux. Au point qu'il va falloir changer de rapport pour s'éviter une sortie de route désastreuse.

Fin 2020, le régime disposait d'une réserve de 23,8 milliards d'euros. Soit une belle avance de 4,8 années de dépenses. Entre fin 2012 et fin 2020, cette réserve a gonflé de 88%. Voilà pour le côté "confortable".

Mais très vite, si rien n'est fait, les dépenses pourraient dépasser les recettes. Ce qui obligerait le Luxembourg à piocher dans ses réserves pour payer les retraites. Toutes les projections le confirment, avec parfois quelques années d'écart.

D'après le scénario de base du rapport, trois "événements critiques" vont se produire:

  • 2027: les dépenses vont dépasser les recettes et le Luxembourg devra commencer à utiliser sa réserve
  • 2041: la réserve représentera moins d'une année et demie de dépenses (un seuil légal à respecter)
  • 2047: la réserve du régime général sera complètement épuisée

À ce stade, le Conseil de gouvernement a décidé de garder le cap en maintenant "le taux de cotisation global du régime général d’assurance pension à 24% pour la période de couverture 2023-2032". Il a également demandé au Conseil économique et social de "proposer des pistes envisageables à l’avenir pour garantir la pérennité financière du régime".

"Notre régime général d’assurance pension est financièrement solide et continuera à l’être au cours des prochaines années. Toutefois, l’évolution démographique est semblable à celle de nombreux autres pays et la croissance de l’emploi ne pourra pas compenser cette évolution à l’infini", reconnaît Claude Haagen, ministre de la Sécurité sociale.

Les Luxembourgeois et frontaliers devront-ils travailler jusqu'à l'âge avancé de 72 ans, comme le recommande la Commission européenne? Faudra-t-il cotiser plus? Ou les deux? Faudra-t-il limiter le montant des retraites? Qu'elles que soient les solutions à appliquer, le régime général en dépend.