La centrale nucléaire de Cattenom a reçu lundi le nouveau commissaire européen à l'Énergie. Son directeur a expliqué que tout est mis en oeuvre pour prolonger de 10 ans la vie de la centrale et qu'elle est en capacité d'accueillir un EPR 2.
Cinq jours après que la France ait acté le prolongement de dix ans de l'utilisation des centrales nucléaires de 1.300 MW, dont les quatre réacteurs de Cattenom, le commissaire européen à l'Énergie et au Logement, Dan Jorgensen, a visité la centrale mosellane ce lundi en compagnie de Bernard Fontana, nouveau PDG d'EDF, et de Jérôme Le Saint, le directeur du CNPE. C'était sa toute première visite d'une centrale nucléaire.
"Il a pu rentrer dans le bâtiment réacteur, le bâtiment combustibles, sur le plancher turbine pour voir la turbine et l'alternateur, et voir la salle de commandes dans un délai assez court", a résumé à l'issue de la visite Jérôme Le Saint, sans cacher que l'objectif était de "lui montrer un maximum de choses", sous-entendu en un minimum de temps.

Dan Jorgensen, commissaire européen à l'Énergie et au Logement, a choisi Cattenom pour découvrir le fonctionnement d'une centrale nucléaire de l'intérieur. / © Maurice Fick / RTL
Mais c'était surtout l'occasion de montrer à Dan Jorgensen, ex-ministre danois de l'Énergie et de l'Approvisionnement, et nouveau commissaire européen de l'Énergie depuis décembre 2024, "qu'il existe d'autres moyens propres qui n'émettent pas de CO2, qui peuvent produire de l'électricité en quantité et qui, en plus, sont pilotables. Ce que ne sont pas toujours les énergies renouvelables", prêche Jérôme Le Saint pour sa chapelle. Avant de glisser diplomatiquement que le but était de montrer au commissaire européen "la complémentarité entre les énergies renouvelables et l'énergie nucléaire".
"Quasiment deux fois plus de modifications" pour vivre dix ans de plus
Pour prolonger la durée d'exploitation des réacteurs de 1.300 MW au-delà de 40 ans, les centrales candidates sont soumises au respect d'un cahier des charges nettement plus étoffé en terme de sûreté.
"Nous nous apprêtons à faire ces modifications. Il y en a plus de 200 à réaliser sur une visite décennale", résume Jérôme Le Saint. La première salve de modifications pour le réacteur n°1 interviendra en 2027. Il fêtera alors ses 40 ans. "Nous nous affairons à préparer ces modifications pour avoir cette autorisation pour le premier réacteur, puis le second et les deux autres ensuite", développe le directeur.

Les plus de 200 modifications imposées par l'ASN aux réacteurs de 1.300 MW "visent à se rapprocher du niveau de sûreté des réacteurs de 3e génération", assure Jérôme Le Saint, directeur du CNPE de Cattenom. / © Maurice Fick / RTL
Il souligne que "Le Luxembourg a eu l'occasion de faire part aussi de ses attentes et a confirmé que ce qui était dans ce nouveau cahier des charges correspondait à une certaine partie des attentes".
Concrètement ce cahier des charges prévoit de tripler les systèmes de sureté et de sécurité. Sur certains éléments va être rajouté "un troisième circuit de refroidissement du bâtiment réacteur, un troisième circuit de refroidissement de la piscine du combustible et le rajout d'un système d'aspersion de l'enceinte. Ce sont des kilomètres de tuyaux, des nouveaux échangeurs, des nouvelles pompes qu'il faut intégrer dans une installation déjà existante", détaille le patron de la centrale.
Ces modifications "visent à se rapprocher du niveau de sûreté des réacteurs de 3e génération", alors qu'à Cattenom tournent des réacteurs de 2e génération. Depuis 40 ans "nous avons déjà réalisés trois visites décennales" qui ont "apporté un renforcement du niveau de sûreté et là on va encore nettement plus loin. C'est quasiment deux fois plus de modifications qu'aux 30 ans".
Pour la construction d' un hypothétique EPR 2 à Cattenom dont le directeur avait fait état en janvier "c'est le gouvernement français qui fera le choix. Ce sont les élus autour de Cattenom qui devront demander un réacteur EPR2. Est-ce que la population, les élus y sont favorables? Les conditions autour de Cattenom le permettraient: il y a du terrain, il y a de l'eau. Maintenant ce sera un choix qui sera politique", explique Jérôme Le Saint.
240 milliards d'euros investis dans le nucléaire d'ici 2050
Dan Jorgensen était "très reconnaissant" pour les quelques heures passées sur le site mosellan. Le commissaire européen à l'énergie a expliqué devant la presse convoquée ce lundi après-midi à Cattenom, que "l'énergie nucléaire a un rôle déterminant à jouer dans la construction d’un système énergétique résilient et plus propre".

© Maurice Fick / RTL
Avec la Commission européenne, "nous avons avons récemment réalisé une évaluation des investissements nécessaires dans le secteur du nucléaire", a t-il expliqué en faisant référence au 8e Programme Indicatif Nucléaire (PINC) dévoilé le 13 juin. Avant d'expliquer que "d’ici à 2050, les besoins en investissements sont considérables: plus de 240 milliards d’euros".
Ce chiffre est basé sur ce que les pays membres ont prévu dans leurs programmes pour la fonctionnement des centrales existantes, étendre la durée d'exploitation des centrales et la construction de nouveaux réacteurs de dernière génération. Le commissaire a précisé que "des investissements supplémentaires sont nécessaires pour des technologies plus avancées, comme des petits réacteurs modulaires (SMR), des réacteurs avancés (AMR) des microréacteurs et la fusion nucléaire, pour un futur à long terme". Il a promis que pour les SMR et la fusion, la Commission "avancera de nouvelles initiatives dans les mois à venir".
"Un autre domaine dans lequel nous devons faire plus", a poursuivi Dan Jorgensen, "est l'électrification. Dans notre plan d'action pour l'énergie abordable on pourrait aboutir à une part de l'électrique qui serait de 32 à 33% de l'énergie globale consommée d'ici 2030. En 2023 elle était à 23%".
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