
“Quand les gens du voyage déboulent, ils peuvent tronçonner, arracher, élaguer, dégrader. Ils cassent les portails, comme c’était le cas aux terrains de tennis et de rugby. Il y a tous leurs déchets qui restent à même le sol que nos agents municipaux doivent nettoyer et ensuite remettre en état. ils font du bruit et allument des lumières jusqu’à pas d’heure. Ils remplissent des piscines, nettoient leurs voitures”, raconte Clémence Pouget, maire de Yutz.
“Et on sait très bien que tout ça est fait avec notre argent. Parce qu’ils n’ont pas de compteur d’eau, ni d’électricité pour faire la facture derrière car tous ces branchements sont illégaux”, souligne la maire de Yutz en livrant brute, un sentiment d’injustice dont la population lui fait part.

Yutz doit faire face à des campements illicites de gens du voyage “les deux tiers de l’année”. Sur des terrains de la commune, mais aussi de privés. Comme c’est à nouveau le cas depuis plusieurs jours sur le parking du Décathlon, non loin de l’A31.
“Avant on les avait sur la commune durant deux mois. Là, c’est pratiquement toute l’année”, témoigne Bernard Veinnant, le maire de Basse-Ham. Les temps ont changé et aujourd’hui les gens du voyage “sont semi-sédentarisés sur un périmètre de dix kilomètres”. De sorte que les maires de la Communauté d’Agglomération Portes de France-Thionville “se refilent la patate chaude”. Les gens du voyage bougent, mais restent dans le même secteur.
La communauté d’agglomération disposent de deux aires d’accueil publiques et entièrement équipées pour les gens du voyage à Thionville et Yutz. Celle de Yutz est actuellement inutilisable, car elle a été entièrement détruite. “C’est grosso modo 10 millions d’euros en 15 ans qui ont été fléchés sur ces problématiques”, rapporte Pierre Cuny, maire de Thionville et président de la Communauté d’agglomération qui regroupe 150.000 personnes.

La problématique touche toute la Lorraine, mais les 13 maires du pays thionvillois sont exaspérés. “Une exaspération claire et nette qui monte en puissance”, a expliqué devant la presse ce jeudi, Pierre Cuny. En prenant bien la précaution de préciser qu’”il n’est pas question de stigmatiser les gens du voyage. On respecte leurs traditions et leur façon de vivre”.
Mais le vase de la patience déborde. “C’est difficile de gérer à la fois l’installation des gens du voyage et les plaintes de nos citoyens. C’est récurrent et on n’en peut plus!”, lance agacée Marie-Laurence Herfeld, maire de Manom. Au ras-le-bol des élus s’ajoute désormais celui des populations. Les élus voient bien que “le ton monte aussi dans la population et je ne veux pas qu’un jour, ça dérape”, prévient Bernard Veinnant, maire de Basse-Ham.
Autant de raisons qui font que les maires lancent aujourd’hui un “cri d’alarme” destinés au parlementaires: “Il faut changer la loi !” Car la loi Besson qui date de 2000 “n’est absolument plus adaptée aux conditions actuelles que nous vivons aujourd’hui”, explique Pierre Cuny.

“Le problème en France est que si les gens du voyages décrochent la caravane, ils sont installés. Et on rentre sous le couvert de la loi Besson. Elle dit que, une fois installés, il faut faire toute une procédure. À commencer par l’huissier pour constater qui est là. Après il y a des délais légaux. Et la force publique intervient généralement trois semaines plus tard, au mieux. Mais il faut les effectifs de police, car il faut y aller en nombre. Quand toutes ces conditions sont réunies, on arrive à expulser un camp de gens du voyage”, raconte Olivier Postal, maire de Terville où “pendant des années, tous les étés, nous avions 200 à 250 caravanes pendant deux mois en plein centre du village”.
Les élus de l’agglomération thionvilloise, qui “en ont marre” de ne pas pouvoir agir rapidement lorsqu’un groupe de gens du voyage tentent de s’installer ou s’octroient un terrain, demandent au législateur “que toute occupation illégale soit considérée comme un trouble à l’ordre public”.
Tout comme ils réclament des “sanctions financières” pour toutes les dégradations commises et que les vols de fluides (eau, électricité) “soient facturés tous les jours et punis”, résume Pierre Cuny. Car “il y a une forme d’impunité intolérable” qui ne passe plus chez les habitants des communes concernées, d’autant que c’est le contribuable qui paie la facture au final.

De manière générale, les élus veulent que “les procédures soient simplifiées”, que la “répression soit plus forte”, que les expulsions soient “plus rapides” et que l’Etat “s’occupe de ce problème et non les collectivités” et qu’il mette également à disposition des terrains.
Enfin, la loi revue devra prévoir “une protection renforcée des élus” qui craignent un tarissement des candidatures aux prochaines élections municipales.
Pas plus tard que mercredi, le tribunal judiciaire de Thionville a condamné à deux mois de prison avec sursis un membre de la communauté des gens du voyage qui avait violemment poussé et insulté Patrick Becker, maire de Kuntzig, le 25 août, qui est venu pour empêcher une nouvelle installation illégale sur le terrain de foot de sa commune. L’association des maires ruraux de Moselle s’est portée partie civile. Patrick Becker est en charge du dossier “gens du voyage” au sein de la Communauté d’agglomération.
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