Beaucoup de légendes et de rumeurs circulent à propos du château de Buschland, baptisé château Arabia par le petit monde de l'urbex. Vandalisé depuis 2020, ce manoir est situé sur les bords de la Moselle luxembourgeoise.

De la route qui serpente entre les vignes, on aperçoit sa silhouette. Massif, silencieux, le château "Arabia" veille sur la Moselle. Façade éventrée, vitraux brisés, mobilier pillé : l’ancienne demeure, prise d’assaut par des curieux et des squatteurs, porte aujourd’hui les stigmates d’un site livré à lui-même. C’est ici que Florian, agent immobilier passionné d’architecture atypique, a découvert l’ampleur des dégâts.

"Encore en bon état il y a quelques mois, le lieu est désormais méconnaissable", souffle-t-il, photos à l’appui. Comme beaucoup, il avait entendu les histoires qui circulent dans les milieux de l’urbex : un château abandonné, hanté, ou propriété d’un mystérieux prince saoudien. Nous allons essayer de démêler le vrai du faux.

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Des rumeurs nées d’un malentendu

L’affaire commence en 2020, en pleine pandémie. "Un Allemand a posté une vidéo prétendant avoir découvert un château vide", raconte Lucio Baiocchi, voisin direct de la propriété. "Mais les propriétaires étaient simplement bloqués en Arabie saoudite à cause du Covid."

Selon lui, la demeure était entretenue, chauffée, et occupée épisodiquement. "Je prenais parfois le thé avec eux. Ce sont des gens charmants“, se souvient t-il.
La vidéo a pourtant fait le tour des réseaux sociaux. En quelques semaines, les visiteurs se sont multipliés. “Les voitures ont été volées, les vitres brisées, la police est intervenue plusieurs fois“, poursuit Lucio, amer.
Depuis, les intrusions se succèdent. Les planchers s’affaissent, l’humidité ronge les murs, et les risques d’effondrement se multiplient. "J’ai demandé de couper l’eau et l’électricité, on aurait pu avoir un drame ici", confie le voisin.

Une demeure chargée d’histoire

Derrière le surnom "Arabia", le vrai nom du lieu ressurgit : le château Boucheland, parfois orthographié  “Buschland“. Son histoire remonte à la fin du XIXᵉ siècle.
Construit en 1889 par Alexis Brasseur, figure notable de la région, il passe ensuite entre les mains du baron Hippolyte d’Huart, puis de Jules Collart. En 1926, la famille Grethen y ouvre un hôtel-restaurant renommé : le Château Buschland. La presse locale en fera même l’éloge.

Mais dès 1942, l’établissement ferme. La propriété change à nouveau de main avant d’être achetée, bien plus tard, par la famille saoudienne Al-Mohanna, selon la commune de Remich. Celle-ci l’aurait utilisée comme résidence secondaire jusqu’à la fin des années 2010.
En 2015, le propriétaire, Abdullah Al-Mohanna décède, laissant le château en héritage à ses enfants. "Jusqu’en 2020, ils venaient encore régulièrement depuis l’Arabie saoudite et utilisaient la demeure comme maison de vacances", précise le voisin. Une présence discrète, mais bien réelle, jusqu’à ce que la pandémie bloque leurs déplacements.

Propriétaires injoignables, patrimoine en péril

Depuis 2020, le château est vide. "Une rénovation urgente est nécessaire pour préserver cette ancienne attraction de Remich", explique Jacques Sitz, bourgmestre de Remich. "Le propriétaire est injoignable. Nous avons saisi le ministère, mais la situation reste bloquée".
Sur le terrain, les clôtures n’arrêtent plus personne. Les amateurs d’urbex s’y aventurent encore, alimentant la spirale de la dégradation.

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Aujourd’hui, le château Buschland s’effrite lentement, victime de l'absence d'entretien et des visiteurs indélicats.
Lucio Baiocchi le voisin, regarde chaque jour les pierres s’écrouler : "Tout ça, à cause d’une rumeur lancée sur internet.“
Depuis, des grilles ont été installées à l’entrée du château et sur les fenêtres. Le propriétaire semble vouloir reprendre les choses en main pour limiter la casse.