Qui est Cyrus Neshvad, ce Luxembourgeois dont le court-métrage "La valise rouge" est sélectionné pour les Oscars ? Le réalisateur se dévoile pour RTL 5minutes...
Quel incroyable destin que celui de Cyrus Neshvad... Le réalisateur, dont la famille a fui la révolution islamique de 1979 en Iran, adopté par le Luxembourg, s'envolera en mars pour la cérémonie des Oscars où son film La valise rouge compte parmi les cinq nommés dans la catégorie du meilleur court-métrage.
Centré sur la quête de liberté d'une adolescente iranienne de 16 ans, qui retire son voile en atterrissant en Europe, La valise rouge promet de retenir l'attention à la cérémonie le 12 mars à Hollywood.
Un destin jugé "fou", que Cyrus et son équipe n'avaient évidemment pas anticipé quand ce film de 17 minutes, aux dialogues minimalistes, a été tourné début 2021 dans le décor aseptisé de l'aéroport de Luxembourg. Un an plus tard, la mort d'une jeune Iranienne, Mahsa Amini, embrasait un pays sous pression.
"J'AVAIS L'IMPRESSION D'ÊTRE UN EXTRATERRESTRE AU MILIEU DE BLANCS"
L'équipe de RTL 5minutes a voulu savoir qui était Cyrus, arrivé enfant au Grand-Duché, avec sa famille qui a fui la révolution islamique en Iran: "On est arrivés en Italie. Mon père était architecte. Il a reçu un appel d'un ami qui lui a dit: je suis dans un tout petit pays où on a besoin d'architectes. Je suis arrivé à l'école luxembourgeoise et c'était très dur. J'avais l'impression d'être un extraterrestre au milieu de blancs, j'avais un gros accent et je faisais beaucoup d'erreurs en parlant. Je me suis intégré notamment en mettant un peu de farine sur le visage le matin, j'étais moins foncé. Michael Jackson était mon héros."
Discriminé en Iran - la famille de Cyrus est de religion Bahai, sans droits en Iran -, le jeune homme a dû subir une autre forme de discrimination en Europe: "Les problèmes que j'ai pu rencontrer ici ou en France lors de mes études viennent de la mauvaise réputation de mon pays d'origine. Et je le comprends. La première chose qui arrive à un immigré, c'est le jugement, et c'est normal. Ca m'a poussé à travailler plus."
Cyrus passe un bac économie au lycée Michel Rodange, poussé par ses parents qui cherchaient la sécurité. Mais c'est le septième art qui passionne le jeune homme, qui partira à la Sorbonne pour y suivre des cours de cinéma.
"JE DOIS TOUT À MON PÈRE LUXEMBOURG"
Peu convaincu par ses premières réalisations, entre 2001 et 2006, Cyrus lâche l'affaire et commence à travailler dans l'immobilier. Malgré sa réussite dans ce domaine, l'artiste contrarié se met à déprimer: "C'est un psychologue qui m'a remotivé pour le cinéma. Il m'a poussé à écrire à nouveau."

© Cynefilms
Un film à tout petit budget, L'orchidée (2012), relance le réalisateur, désormais à la tête de sa propre société de production, Cynefilms, qui récolte neuf récompenses à l'étranger, et qui est nommé au Filmpräis. Suivent d'autres courts-métrages - Antoine (2014), Fils (2016), Portraitiste (2019) - qui installent Cyrus Neshvad parmi les cinéastes à suivre au Grand-Duché, accumulant les récompenses internationales et nationales.
Sa collaboration régulière avec le scénariste français Guillaume Levil va aboutir sur une consécration, un film nommé aux Oscars qui résonne avec une actualité cruelle pour la jeunesse iranienne et en particulier les femmes.
UNE JEUNE ACTRICE À DÉCOUVRIR
Pour Nawelle Evad, l'actrice française de 22 ans - née de mère algérienne - qui joue l'adolescente iranienne dans La valise rouge, ce rôle a eu un écho particulier: "Je suis partie de chez moi vers 19 ans et me suis aussi retrouvée seule dans une ville que je ne connaissais pas du tout, à Paris. C'est la même chose dans cet aéroport, qui figure vraiment l'entre-deux entre le passé et le futur".
Le premier long-métrage de Cyrus Neshvad, Le refuge, est en cours de production. Le début du tournage est prévu le 3 mai. D'ici-là, le réalisateur aura peut-être une nouvelle statuette sur sa cheminée, sans oublier son nouveau statut d'ambassadeur du Grand-Duché: "Je ne me considère pas du tout comme un ambassadeur mais je peux vous dire que le Luxembourg, c'est mon père adoptif. Il m'a tout donné. J'ai fui un père qui me battait (L'Iran) et je suis venu au Luxembourg trouver un père aimant qui m'a aidé à me construire, qui m'a ouvert toutes ses portes. Je dois tout à mon père Luxembourg."