“De nombreuses données informatique” ont été saisies lors de perquisitions menées chez le géant américain du pneumatique Goodyear, “qui vont pouvoir être exploitées par les enquêteurs”, a déclaré jeudi le procureur de la République de Besançon, après l’éclatement de pneus de camions à l’origine d’accidents mortels.
Ces perquisitions ont été menées mardi et mercredi sur des sites en France, en Belgique et au Luxembourg. Le procureur Etienne Manteaux a toutefois souligné que Goodyear pouvait encore contester en justice les saisies effectuées au Luxembourg et en Belgique. “La remise des scellés aux enquêteurs français sera donc subordonnée à la validation des saisies opérées par un juge au Luxembourg et en Belgique”, a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse.
Le magistrat est longuement revenu à cette occasion sur les trois dossiers d’accidents mortels survenus dans le Doubs et la Somme en juillet 2014, et dans les Yvelines en avril 2016. Quatre personnes sont mortes dans des collisions provoquées chaque fois par l’éclatement du pneu avant gauche de poids lourds provoquant une perte de contrôle du chauffeur.
Le 17 juillet 2014, Luis Lesmes, 41 ans, sa femme enceinte et leur fille de 9 ans sont sur la route des vacances. Il est 13H30 sur l’autoroute A1 près de Roye, lorsque le pneu avant gauche du poids lourd qu’ils sont en train de dépasser explose. Le camion de la marque allemande Man percute la BMW de la famille, qui part en tonneaux. Le conducteur, un ressortissant vénézuélien de 41 ans, cadre du groupe anglo-helvétique Glencore, est tué. Sa femme et sa fille sont indemnes.
Le parquet d’Amiens, initialement en charge de l’enquête, s’est dessaisi en mai 2023 au profit de celui de Besançon.D’après les expertises, l’éclatement du pneu Marathon LHS II+ fabriqué par Goodyear au Luxembourg est dû à “une défaillance intrinsèque du pneu avant gauche” et non à une cause extérieure, selon le procureur de Besançon. “La bande de roulement s’est décollée par suite d’un défaut de fabrication”, selon un expert.
La veuve du défunt, qui ne s’est pas constituée partie civile, a saisi une juridiction civile à Londres, où vit la famille, et conclu un accord transactionnel confidentiel avec Goodyear.
Le 25 juillet 2014, Jean-Paul Rollet, 53 ans, rentre chez lui au volant de son camion-citerne, après avoir effectué une livraison. À hauteur de Blussans, sur l’autoroute A36, il double un autre poids lourd lorsque le pneu avant gauche d’un semi-remorque arrivant en sens inverse, qui transporte des voitures, éclate.
Le véhicule franchit la glissière centrale de sécurité et percute son camion-citerne de plein fouet. Les deux chauffeurs, Jean-Paul Rollet et Pascal Rochard, âgé de 44 ans et originaire de l’Allier, sont tués. Le conducteur du troisième poids lourd, poussé dans le fossé, est indemne.
L’enquête ouverte à Besançon est classée sans suite en 2015.
Mais la veuve de Jean-Paul Rollet ne se satisfait pas des conclusions et dépose plainte avec constitution de partie civile, pour “homicide involontaire”. Sophie Rollet, mère de trois enfants domiciliée à Geney (Doubs), transmet à la justice son enquête personnelle et relance le dossier.
L’expert ensuite mandaté confirme ses soupçons: la “perte de contrôle du camion a pour raison exclusive l’éclatement du pneu avant gauche (Marathon LHS II), qui n’a pas de cause extérieure”, mais est lié à un défaut de fabrication, précise le procureur.
Le 25 avril 2016, Gilles Bonneau, 58 ans, est au volant de son poids lourd lorsque son pneu avant gauche, un Marathon LHS II, éclate. Son camion franchit la glissière centrale de sécurité et percute cinq véhicules arrivant en sens inverse. Le chauffeur est tué et une femme de 60 ans est gravement blessée.
D’après l’expertise l’éclatement du pneu résulte d’une “déstructuration interne profonde et avancée”.
Le parquet de Versailles, en charge de l’enquête, se dessaisit au profit du parquet de Besançon en 2023.
Les dossiers de quatre autres collisions similaires survenues entre 2011 et 2014 dans l’Hérault, l’Indre et l’Isère, dans lesquelles trois personnes sont mortes, ont par ailleurs été versés à l’instruction menée par le pôle judiciaire de Besançon, à titre d’information. Mais ces faits sont prescrits.
