Nouvelle crise de l'acierTous les sites d'ArcelorMittal en Europe menacés de fermeture ?

RTL Infos
Le nouveau patron du sidérurgiste ArcelorMittal France a lancé un sévère avertissement mercredi aux politiques européens. Il affirme que tous les sites européens de fabrication d'acier sont menacés de fermeture dès 2025 si rien n'est fait.
© Sina Schuldt/dpa via Reuters Connect

La sidérurgie en Europe est en crise (...) les sites, quels qu’ils soient, sont tous à risque en Europe et donc en France aussi”, a déclaré Alain Le Grix de la Salle, lors d’une audition parlementaire à Paris. L’annonce a fait l’effet d’une bombe dans le monde de la sidérurgie. RTL Infos a contacté le siège au Luxembourg, pour avoir la position officielle du numéro deux mondial de l’acier.

Et leur communiqué laisse peu de place au doute sur la situation de la sidérurgie en Europe. “ArcelorMittal alerte depuis des années sur les distorsions de compétitivité existantes en Europe. Aujourd’hui, l’industrie européenne de l’acier est entrée dans une crise grave et profonde”.

ArcelorMittal parle d’une concurrence déloyale et insiste sur les “niveaux records d’importations d’acier à bas prix en Europe. Ces aciers arrivent sur nos marchés à des prix inférieurs aux prix de revient des producteurs d’acier européens, et sans porter de coûts CO2”.
Autre facteur qui explique pourquoi ArcelorMittal tire la sonnette d’alarme “l’explosion des coûts de l’énergie, qui dégrade notre compétitivité et celle de nos clients dans l’automobile, l’emballage, l’énergie et l’industrie…"

Tout cela ajouté à une chute de la demande d’acier en Europe.

© NICOLAS MAETERLINCK / Belga via AFP

Bref, ArcelorMittal dresse un tableau très sombre de la situation du secteur. “L’Europe doit absolument prendre conscience du risque fort qui pèse sur notre industrie, et mettre en œuvre les mesures nécessaires pour sauvegarder son industrie de l’acier.”

Le sidérurgiste réclame “des mesures de sauvegarde commerciale renforcées et pérennisées pour adapter les volumes d’importation à la taille du marché européen.” Et une réforme du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières pour permettre de “jouer à armes égales sur le coût du carbone.

Le Luxembourg est concerné

La situation au Grand-Duché n’est guère plus reluisante. “Nos produits phares tels que les poutrelles, les rails et les palplanches restent leaders sur leurs segments mais ce leadership s’érode inexorablement du fait de ces distorsions qui s’aggravent depuis plusieurs années.

Le Luxembourg connait “les mêmes désavantages que ceux que l’on observe au niveau européen, et la combinaison des coûts de l’énergie élevés et des coûts croissants du système européen d’échange de quotas d’émission sont rédhibitoires pour la sidérurgie luxembourgeoise.

Il faut protéger la sidérurgie européenne

En Allemagne, c’est l’annonce choc fin novembre de la suppression de 11.000 emplois d’ici 2030, soit un tiers des effectifs, par le sidérurgiste Thyssenkrupp qui a marqué les esprits, le chancelier Olaf Scholz n’ayant pas exclu une participation de l’Etat dans le capital du sidérurgiste allemand.

En France, ArcelorMittal prévoit la fermeture de deux petits sites au printemps, et a suspendu le 26 novembre ses projets d’investissement massif pour la décarbonation de sa production à Dunkerque et Fos-sur-mer, soit 1,8 milliard d’euros dont 850 millions d’aide publique. Ce qui alimente les doutes sur de possibles délocalisations d’activités qui entraîneraient in fine des fermetures de sites.

Alors que l’Union européenne s’est créé à partir de la mise en commun du charbon et de l’acier en 1952, la sidérurgie est désormais menacée par le coût trop important de l’énergie, par la surproduction chinoise d’acier, le niveau élevé d’importations à bas coût et le manque de demande intérieure, a-t-il dit.

Concurrence déloyale

La sidérurgie en Europe et donc en France est entrée dans une crise importante et grave. Les surcapacités mondiales sont un phénomène structurel qui va durer. Ces surcapacités représentent actuellement 550 à 600 millions de tonnes de production annuelle, soit 4 à 5 fois la production de l’Europe”, a-t-il énuméré.

Pour ne parler que de la Chine, elle a exporté 100 à 120 millions de tonnes l’année dernière. C’est l’équivalent de toute la consommation européenne”, a-t-il précisé.

Les Etats Unis protègent leur industrie par tous les moyens. Reste l’Europe. L’acier voyage. Nous ne sommes pas contre les importations. Nous demandons qu’elles soient limitées et qu’elles n’aient pas un effet dévastateur sur nos industries comme actuellement. Nous demandons des conditions de concurrence loyale, notamment concernant le coût du CO2”, a-t-il ajouté.

Si l’Europe ne décide pas de protéger son marché de la concurrence déloyale, alors ce sont des pans entiers de notre industrie qui vont disparaître à brève échéance. Ce n’est pas du catastrophisme, c’est malheureusement la réalité pure et simple”, a lancé le responsable.

Début décembre, le syndicat de l’acier européen Eurofer avait lancé la même mise en garde, en envoyant des appels à l’aide à Bruxelles. A la même date, Lakshmi Mittal, le patron d’ArcelorMittal, estimait dans une tribune au Financial Times que “l’industrie européenne de l’acier n’a jamais connu de plus grand défi”.

Mercredi dernier, à Davos, où se tient le Forum économique mondial, M. Mittal a rencontré Stéphane Séjourné, vice-président de la Commission européenne, chargé de la stratégie industrielle. Celui-ci lui a assuré que “le soutien à la sidérurgie européenne est une des priorités de la Commission” qui présentera “un plan d’urgence du secteur prochainement”, selon l’entourage de M. Séjourné. M. Le Grix de la Salle a confié aux députés français qu’il attendait un plan acier européen pour le mois de mars.

Les sidérurgistes attendent donc un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières mis en place et efficace, et des mesures de sauvegarde commerciale renforcées.

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