
L’ex-Premier ministre, pragmatique et habile tacticien, a prouvé qu’il était capable de mener des négociations délicates ou de transformer ses revers en opportunités, après une démission fracassante il y a un peu plus d’un an, son nom ayant été cité dans une affaire de corruption.
Ses talents de négociateur seront un atout précieux à ce juriste de 62 ans aux racines indiennes, dans ses nouvelles fonctions, où il succèdera au Belge Charles Michel.
Celui qui a promis de “devenir le président de tous les membres du Conseil européen”, a déjà fait le tour des capitales de l’UE pour sonder les chefs d’État et de gouvernement et de peaufiner sa méthode, à l’exception de Bucarest et Sofia où des élections avaient lieu.
Les 27 chefs d’Etat et de gouvernement l’ont désigné en juin pour prendre la tête du Conseil européen, avec l’espoir qu’il parvienne à jouer pleinement son rôle de médiateur, y compris avec la Commission européenne.
Les relations entre Charles Michel et la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen étaient notoirement exécrables, au grand dam de plusieurs Etats membres.
“Il voit son rôle comme un constructeur d’unité entre les leaders”, explique-t-on dans son entourage. “Il se veut moins comme quelque qu’un se mettant en scène et plus comme un facilitateur”, assure de son côté un diplomate européen.
Arrivé au pouvoir dans son pays en 2015 à l’issue d’élections qu’il avait pourtant perdues, M. Costa, visage rond, cheveux blancs et lunettes fines, a démissionné en novembre après avoir été cité dans une affaire de corruption, qui semble finalement peu étayée. Entendu par la justice fin mai, à sa demande, M. Costa n’a pas été inculpé.
Né le 17 juillet 1961 à Lisbonne, Antonio Costa a grandi dans les milieux intellectuels de ses parents: une journaliste socialiste et un écrivain communiste descendant d’une grande famille de Goa, ancien comptoir colonial portugais en Inde.
Dès 14 ans, “Babush” (“enfant” en konkani, la langue de Goa), qui affirme avoir davantage souffert du divorce de ses parents que du racisme, s’engage dans les jeunesses socialistes.
Formé en droit et en sciences politiques, il devient avocat puis, à 34 ans, secrétaire d’Etat aux Affaires parlementaires, poste clé du gouvernement minoritaire d’Antonio Guterres, l’actuel secrétaire général de l’ONU, avant de devenir son ministre de la Justice.
Persévérant, ce supporter du club de football du Benfica, marié à une enseignante et père de deux enfants, a bâti sa carrière avec la même patience dont il fait preuve face aux puzzles, son passe-temps favori.
Son pragmatisme lui a permis d’étendre son influence au-delà de sa famille politique. Comme en 2020, lorsqu’il rend visite au Premier ministre nationaliste hongrois Viktor Orban et contribue à le convaincre de ne pas bloquer le plan de relance européen post-Covid, crucial pour le Portugal.
Ses proches estiment que son histoire et son parcours pourraient lui être utile pour tisser des liens avec des régions du monde où l’UE peine à faire entendre sa voix et où Pékin et Moscou tissent leur toile.
“Nous devons avoir des relations plus étroites avec différentes régions et différents pays, tout ne se résume pas au G7 ou au G20", expliquait-il récemment dans Politico. “C’est un monde qui compte 195 pays”.