Au cours de l’été, un mouvement de protestation réclamant de “garder le lev bulgare” est apparu, à l’initiative notamment de partis d’extrême droite et prorusses, jouant sur les craintes des Bulgares de voir les prix grimper.
Mais pour les gouvernements successifs qui ont poussé à son adoption, l’euro permettra de dynamiser l’économie du pays le plus pauvre de l’Union européenne, de renforcer ses liens avec l’Ouest de l’Europe et de le protéger de l’influence de la Russie.
Avant la Bulgarie, la Croatie, en 2023, est le dernier pays en date à avoir adopté la monnaie unique, introduite initialement le 1er janvier 2002 dans douze pays de l’UE.
Le pays des Balkans de 6,4 millions d’habitants, membre de l’UE depuis 2007, fait cependant face à des défis importants, après les manifestations anticorruption qui ont récemment renversé le gouvernement de coalition conservateur en place depuis moins d’un an, et avec la perspective de nouvelles élections législatives, les huitièmes en cinq ans.
Dans ce contexte d’instabilité, tout problème lié à l’introduction de l’euro sera exploité par les responsables politiques anti-UE, estime Boryana Dimitrova, de l’institut de sondage Alpha Research, qui étudie l’opinion publique sur l’euro depuis un an.
Selon la dernière enquête d’opinion de l’agence de sondage de l’UE Eurobaromètre, 49% des Bulgares sont opposés à la monnaie unique.
L’inquiétude est particulièrement palpable dans les zones rurales pauvres.
“Les prix vont augmenter. C’est ce que m’ont dit des amis qui vivent en Europe occidentale”, a déclaré à l’AFP Bilyana Nikolova, 53 ans, qui tient une épicerie dans le petit village de Chuprene, dans le nord-ouest de la Bulgarie.
Après l’hyperinflation des années 1990, à la suite de la chute du communisme, la Bulgarie avait arrimé sa monnaie au mark allemand puis à l’euro, dépendant donc déjà de la politique monétaire de la Banque centrale européenne (BCE), sans cependant avoir voix au chapitre.
“Elle pourra désormais enfin participer aux décisions au sein de l’Union monétaire”, a déclaré à l’AFP Georgi Angelov, économiste senior à l’Open Society Institute de Sofia.
Les gains liés à l’adoption de l’euro seront “substantiels”, a assuré de son côté la présidente de la BCE, Christine Lagarde, citant “des échanges plus fluides, des coûts de financement plus faibles et des prix plus stables”.
Les petites et moyennes entreprises pourraient économiser l’équivalent d’environ 500 millions d’euros en frais de change, avait-elle ajouté le mois dernier à Sofia.
Un secteur en particulier devrait bénéficier de l’euro dans le pays bordant la mer Noire : celui du tourisme, qui a généré cette année environ 8% du PIB.
Mme Lagarde a par ailleurs relativisé les changement de prix, les qualifiant de “modestes et de courte durée” et affirmant que lors des précédents passages à l’euro, l’impact se situait entre 0,2 et 0,4 point de pourcentage.
Mais avant même l’entrée effective dans l’euro, les prix des denrées alimentaires avaient augmenté de 5% sur un an en novembre, selon l’Institut national de statistique, soit plus du double de la moyenne de la zone euro.
L’immobilier s’est lui envolé de 15,5% au deuxième trimestre, soit trois fois plus que la moyenne dans la zone euro.
Pour tenter de rassurer, le parlement a renforcé au cours de l’été les organes de contrôle chargés d’enquêter sur les hausses brutales des prix et de freiner toute flambée “injustifiée” liée au passage à l’euro.
Selon Georgi Angelov, l’entrée dans la zone euro renforcera toutefois la transparence et aidera consommateurs comme commerçants à comparer les prix à ceux pratiqués dans le reste de l’UE.
“Le défi sera d’avoir un gouvernement stable pendant au moins un à deux ans, afin que nous puissions pleinement récolter les bénéfices de l’adhésion à la zone euro”, estime-t-il.