AutomobileDes voitures thermiques plus longtemps dans l'UE: et le climat?

AFP
La décision de l'Union européenne de prolonger la vente de voitures thermiques neuves au-delà de 2035, même si elle exige des compensations de la part des industriels, devrait nuire aux efforts du bloc contre le réchauffement climatique.
© JOHN MACDOUGALL/AFP

L’UE, face à un secteur automobile qui estimait les délais beaucoup trop courts, a renoncé mardi à imposer aux constructeurs le tout-électrique à partir de 2035.

Cette mesure environnementale emblématique faisait partie du Pacte vert pour l’Europe adopté en 2022.

“À l’époque, c’était une décision assez consensuelle (...) qui combinait climat et politique industrielle. Cela donnait une incertitude aux investisseurs”, rappelait mercredi à la presse le directeur de l’ONG Transport et Environnement (T&E), William Todts.

Le contexte politique, en trois ans, a radicalement changé. Au sein des opinions publiques et des gouvernements dans l’UE comme ailleurs, le scepticisme face aux mesures environnementales n’a cessé de croître.

Pour M. Todts, cette perspective de 2035 était devenue “l’un des dossiers les plus chargés en émotion, dans l’industrie et le climat, au Parlement européen, où il y a actuellement une majorité de droite et extrême droite”.

“Recul”

La Commission européenne estimait un assouplissement inéluctable. “Les flexibilités sont des réalités pragmatiques au vu de l’adhésion des consommateurs, de la difficulté des constructeurs à proposer sur le marché du 100% électrique pour 2035", a expliqué à l’AFP le commissaire européen chargé de la Stratégie industrielle, Stéphane Séjourné.

Le groupe Verts au Parlement européen déplorait, dès avant l’annonce de mardi, que cette volte-face “risque de mettre en danger l’accord en faveur d’émissions zéro d’ici à 2035".

“Ce recul de la politique industrielle est une mauvaise nouvelle pour les emplois, la qualité de l’air, le climat, et ralentira la mise sur le marché de voitures électriques à un prix abordable”, a écrit Greenpeace Allemagne.

L’automobile est un secteur crucial pour agir sur les émissions de gaz à effet de serre, responsables du changement climatique. Le transport routier représente à lui seul un quart des émissions de l’UE. Et comme l’écrit la Commission elle-même, “pour atteindre l’objectif de neutralité climatique de l’UE en 2050, les émissions des transports doivent être réduites de 90% d’ici au milieu du siècle”.

“Perdre du terrain”

En toute logique, ce nouveau plan de la Commission impose aux constructeurs d’abaisser d’au moins 90% les émissions de CO2 des véhicules neufs en 2035 par rapport à 2021.

Les 10% émissions restantes sont censées être pleinement compensées via un système de crédits, à acquérir en achetant de l’acier bas carbone fabriqué en Europe (pour 7%) et en faisant rouler les véhicules avec des carburants renouvelables ou durables (synthétiques, agrocarburants, pour 3%).

Ce système est-il satisfaisant? Clairement non, d’après le Conseil international des transports propres (ICCT), un cercle de réflexion implanté à Berlin. “La transition vers des véhicules à batterie électrique va ralentir, les voitures de l’Europe vont polluer plus, et l’industrie automobile européenne va perdre du terrain”, résume l’un de ses chercheurs, Jan Dornoff.

T&E projette une part des voitures électriques dans le neuf aux alentours de 75% en 2035, au lieu des 100% espérés. Pour ses experts, “l’assouplissement de la réglementation du CO2 automobile pourrait aboutir à l’émission de 600 mégatonnes de CO2" en 20 ans.

Cela correspond à deux mois d’émissions de l’Union européenne, toutes sources confondues, au rythme actuel.

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