Éclatements de pneus GoodyearDes perquisitions en cours au Luxembourg, en Belgique et en France

RTL Infos
La crise des pneus Goodyear destinés aux poids lourds et qui éclatent, connaît un nouveau rebondissement ce mardi. Plusieurs perquisitions ont lieu ce mardi dans l'usine de Colmar-Berg, à Paris et à Bruxelles.
© RTL

Veuve d’un mari routier et maman de trois enfants, Sophie Rollet mène l’enquête depuis 2014 pour dénoncer une véritable “bombe” que tout le monde ignore.

Des centaines d’accidents au cours desquels des dizaines de personnes ont été tuées ou blessées, auraient pour origine un défaut de fabrication de pneus de poids lourds sortis de l’usine de Colmar-Berg au Luxembourg.

Dans cette affaire, il est reproché à Goodyear de ne pas avoir procédé au rappel obligatoire de ses pneus pour protéger sa réputation, alors même que de plus en plus d’accidents se produisaient.

Ce mardi, une vaste offensive judiciaire a entraîné des perquisitions sur trois sites européens de Goodyear dont l’usine luxembourgeoise de fabrication de pneus pour poids lourds à Colmar-Berg. Mais aussi au siège de Goodyear France dans le quartier de la Défense à Paris et au siège de Goodyear Europe à Bruxelles.
Des perquisitions sont en cours depuis mardi sur ces trois sites européens de Goodyear, géant américain du pneumatique, dans cette enquête pour “homicides involontaires” ouverte après des éclatements de pneus de camions à l’origine d’accidents mortels, a indiqué la justice française.

Des perquisitions concomitantes, avant tout informatiques, sont menées depuis mardi matin chez Goodyear en France, au Luxembourg et au siège européen de l’entreprise à Bruxelles, en Belgique”, dans le cadre d’une “demande d’entraide pénale internationale émise par le juge d’instruction de Besançon” (est de la France), a déclaré à l’AFP le procureur de la République de la ville Etienne Manteaux.

“Des dizaines d’enquêteurs issus de trois pays et mandatés par Marc Monnier, le juge d’instruction de Besançon à l’origine des investigations, ont été mobilisés”, assure Le Monde.

Le journal indique que l’offensive judiciaire a été “préparée depuis plusieurs mois dans la plus grande confidentialité, afin de ménager l’effet de surprise, par l’intermédiaire d’Eurojust (l’agence de l’UE pour la coopération judiciaire en matière pénale), cette opération pourrait porter un rude coup à l’image de la multinationale d’Akron (Ohio) tant les faits visés par la justice sont graves”.
L’objectif de ces perquisitions est de déterminer le degré de connaissance par Goodyear de la dangerosité des pneus Marathon LHS II et Marathon LHS II+ et le nombre de sinistres qui ont été portés à sa connaissance”, a déclaré le procureur de la République Etienne Manteaux.

En juillet 2014, le camion-citerne de Jean-Paul Rollet est violemment percuté par un autre poids lourd qui vient de traverser la glissière centrale après l’éclatement de son pneu avant gauche, sur l’autoroute A36 dans le Doubs. Les deux chauffeurs décèdent.

Refusant la “fatalité du routier” et le classement sans suite de l’affaire, sa femme Sophie Rollet enquête et se persuade de la responsabilité des pneus dans la collision. L’ancienne assistante maternelle, mère de trois enfants, dépose une plainte en 2016 avec constitution de partie civile auprès du tribunal de Besançon.

Défaut de fabrication

Un juge d’instruction de Besançon enquête depuis sur trois dossiers de collisions mortelles, dont celle concernant Jean-Paul Rollet, impliquant des poids lourds équipés de pneus fabriqués par la société américaine, des modèles Marathon LHS II ou Marathon LHS II+.

Quatre personnes ont perdu la vie dans ces collisions survenues dans le Doubs, dans la Somme en juillet 2014 et dans les Yvelines en avril 2016.

D’après les investigations, ces collisions ont été causées par l’éclatement du pneu avant gauche, faisant perdre le contrôle des véhicules aux chauffeurs.

Pour chacun de ces dossiers, des experts différents ont conclu que l’éclatement des pneus n’était pas dû à une cause extérieure mais à un défaut de fabrication, relevant notamment “une décohésion des nappes” métalliques qui constituent la structure du pneu et le fait que “la bande de roulement s’est décollée”.

Les dossiers de quatre autres collisions similaires survenues entre 2011 et 2014 dans l’Hérault, l’Indre et l’Isère, dans lesquelles deux personnes sont mortes, ont par ailleurs été versés à l’instruction judiciaire, à titre d’information en raison de la prescription des faits. Plusieurs experts ont également conclu à un défaut de fabrication.

“Lanceur d’alerte”

“Goodyear n’a jamais reconnu de problème de sécurité”, même pressé par les constructeurs de poids lourds suédois Scania et allemand Man qui, constatant la dangerosité des pneus Marathon LHS II et LHS II, ont expressément demandé à l’automne 2014 à leurs clients de “retirer” ces pneus, remarque le procureur.

Pourtant, dès “mars 2014, la société Goodyear a mis en place un programme d’échange auprès de ses clients baptisé Tango”, selon M. Manteaux.

La société “aurait pu faire une campagne de rappel, mais là c’est un échange commercial : beaucoup de sociétés n’ont pas répondu car on ne leur a pas dit qu’il y avait un problème de sécurité”, relève-t-il.

“Si un programme de rappel avait été mis en place, on peut penser que ces personnes (décédées après mars 2014) seraient encore en vie”, regrette le magistrat.

Un programme comparable à Tango avait également été déployé en Espagne dès 2013, précise-t-il, soulignant l’effet néfaste de la chaleur sur les pneumatiques mis en cause.

“Un lanceur d’alerte”, a par ailleurs versé au parquet “des éléments provenant de la société Goodyear sur des dossiers d’indemnisation ouverts après des sinistres similaires”, confie M. Manteaux. “Il y en a plein, dans plein de pays européens”.

À lire également:

Témoignages poignants: Sophie Rollet, la veuve qui met en cause les pneus Goodyear

Des centaines d’accidents en cinq ans: Des pneus de poids lourds fabriqués chez Goodyear Luxembourg incriminés

Back to Top
CIM LOGO