Menthe, basilic, shiso ou encore reine des prés : les herbes aromatiques se sont invitées dans les créations des Sucrés du Lux lors de leur dernier rassemblement, lundi. Entre équilibre fragile, réduction du sucre et audace créative, les pâtissiers du Luxembourg ont transformé un ingrédient souvent oublié en terrain de jeu.

"Si tu mets la même quantité de menthe que d’estragon dans un dessert, ça devient du dentifrice !" Paul Bungert, président des Sucrés du Lux et chef pâtissier du restaurant doublement étoilé Ma Langue Sourit, n’a pas mâché ses mots lors de cette nouvelle rencontre du collectif, organisée à la Villa Pétrusse, à Luxembourg-ville. Car le thème de cette édition – gardé secret jusqu’au dernier moment – avait de quoi surprendre : les herbes aromatiques. "Elles sont assez délaissées en pâtisserie, notamment en boutique. On trouve peu de gâteaux avec du romarin, du basilic, de la sariette... Or, il y a plusieurs façons de les travailler."

Sortir de sa zone de confort, c’est précisément la vocation des Sucrés du Lux. Avec les herbes, l’exercice prend des allures de funambulisme. Trop d’intensité et le dessert devient immangeable, mal infusé il vire à l’amertume. "Comme pour un légume, il faut travailler l’herbe la plus fraîche possible", rappelle Bungert. La dessécher peut être une option, mais à condition de respecter des températures précises, sous peine d’obtenir une texture rêche et une saveur agressive.

S'éloigner des sentiers battus comporte un risque : celui de convaincre les clients. "Oui, c’est plus risqué que de travailler des gâteaux “classiques” et gourmands, mais c’est à ça que sert le club", insiste Bungert. Dans son propre restaurant, il aime travailler l’agastache, une plante méconnue qu’il décline en sorbet pour accompagner actuellement un petit gâteau au matcha. "Les clients n’ont pas toujours le choix, mais la plupart se laissent guider. Même ceux qui montraient de la réticence repartent avec le sourire", raconte-t-il.

Moins de sucre, autant de saveur

Au-delà de l’originalité, l’usage des herbes répond à une tendance de fond : réduire le sucre sans sacrifier le plaisir. "Comme les herbes développent un parfum puissant, il faut souvent baisser la quantité de sucre pour garder l’équilibre", explique Bungert. Résultat : des desserts plus légers, qui évitent l’effet de satiété rapide et l’envie de boire un verre d’eau juste après. "Les gens se sentent moins coupable d'avoir cédé à une pâtisserie!"

Cette recherche séduit de plus en plus de clients, observe aussi Jonathan Szymkoviak, pâtissier chez Kaempff-Kohler. "Maintenant, les gens sont en demande de pâtisseries moins sucrées. Mais toujours avec de la gourmandise." Sa solution : miser sur le miel, les fruits, ou encore, lors de cette édition des Sucrés du Lux, un accord inédit entre mangue, matcha et shiso. Cette herbe japonaise, proche du basilic, apporte fraîcheur et subtilité à son dessert, tout en permettant de réduire le sucre.

Mais si les herbes aromatiques ouvrent de nouvelles perspectives créatives, leur usage dépend aussi du cadre. Dans les restaurants étoilés, les chefs disposent d’une liberté quasi totale. "Au restaurant, on ne s’interdit aucun dessert sous prétexte que le prix d’un produit a augmenté", souligne Bungert. "Le chef Cyril Molard ne considère pas ça comme un problème : on est là pour faire plaisir aux gens."

En boutique, la réalité est différente. Les clients recherchent davantage de repères et les marges sont plus étroites. "Il faut rester dans la qualité sans exploser les prix", souligne Szymkoviak. Pour y parvenir, il a choisi d’adapter ses fournisseurs tout en gardant ses standards. Un équilibre délicat entre créativité, accessibilité et viabilité économique.

Avec ce thème audacieux, les Sucrés du Lux confirment leur rôle de laboratoire d’idées. Le collectif ne se contente pas de mettre en valeur le savoir-faire pâtissier luxembourgeois : il pousse ses membres à expérimenter, quitte à prendre des risques. "Ce ne serait pas un problème de revenir à des thèmes explorés il y a six ou sept ans", anticipe Bungert. "On compte de nouveaux membres, ce serait intéressant de les tester."

Moins nombreux cette année – seulement deux rassemblements au lieu de trois –, les Sucrés du Lux devraient rester sur ce rythme à l'avenir.