
© Raphaël Ferber / RTL Infos
À Yozora, le restaurant niché dans le Centre Pompidou-Metz, le chef étoilé Charles Coulombeau propose un dessert culotté : une banane scotchée dans l’assiette, clin d’œil parfaitement assumé à l’œuvre "The Comedian" de Maurizio Cattelan, toujours exposée actuellement. Une manière décalée, mais pleine de sens, de faire dialoguer art contemporain et gastronomie.
C’est un dessert qu’on n’est pas prêt d'oublier. Autant pour son apparence – une banane scotchée dans une assiette – que pour tout ce qu’il raconte. D’un simple clin d’œil, Charles Coulombeau, chef des deux restaurants du Centre Pompidou-Metz "Umé" et "Yozora", transforme un geste artistique devenu viral (la banane scotchée de Maurizio Cattelan s'est vendue à 6,2 millions de dollars, fin 2024) en une création sucrée à la fois malicieuse et raffinée. Dans l'assiette, on retrouve bien cette silhouette jaune familière, tenue par une bande de scotch : sauf qu’ici, tout est comestible. Et nous avons pu la déguster.
La première couche croquante cède sous le coup de cuillère. En bouche, la mousse à la banane parfumée à l’estragon se révèle légère, ponctuée d’un discret praliné. Le scotch ? Une bande gélifiée à base de lait et de vinaigre de peau de banane, étonnamment fidèle au visuel de l’original. Servi à part, un crémeux glacé à la banane caramélisée et à la poudre d’estragon donne du relief à l’ensemble, équilibrant les saveurs avec un brin de peps.
"Créer un lien entre l'art et l'assiette"
"L’idée, c’était de donner du sens aux desserts qu’on propose à Yozora", explique Charles Coulombeau. "On est dans un musée, ce serait dommage de ne pas créer un lien de synergie entre l’art et l’assiette."
C’est à l’occasion d’un vernissage que l’idée a germé dans l'esprit du chef. Depuis, les desserts du restaurant sont pensés comme des clins d’œil sucrés à l’exposition en cours ou à une œuvre emblématique du musée. "On participe à tous les vernissages. Petit à petit, on s'est rendu compte que les gens qui participaient à ces vernissages attendaient impatiemment nos desserts pour voir quelle œuvre on allait reprendre."
Cattelan et sa banane collée au mur, donc, mais aussi Yayoi Kusama, Cerith Wyn Evans, et bientôt Pierre Soulages ou Jeff Koons. "On a même pu servir certaines créations aux artistes eux-mêmes, comme Cerith Wyn Evans ou Maurizio Cattelan. Et ils ont adoré."
Ces créations insolites ne sont pas soumises à validation par le musée, nous répond Charles Coulombeau. "Non, on fait ce qu’on veut. Ils sont super contents à chaque fois. On reste dans une forme de respect artistique. Bon, s'il y a des droits d'auteur, il faut qu'on nous le dise mais je crois, a priori, qu'il n'y a pas de risques !"
Sur la table, un petit chevalet en céramique – conçu spécialement pour l’occasion – accueille une reproduction de l’œuvre source. Un QR code au dos renvoie à des informations sur l’œuvre en question. "C'est très dur de donner du sens à la cuisine et à la pâtisserie en particulier. Et là, pour une fois, je trouve qu'on n'est pas dans le storytelling farfelu ou tiré par les cheveux. C’est simple : il y a un lien clair, immédiat. Les clients se disent "Ah, je ne connais pas cette œuvre, je vais aller la voir". Ou bien "Tu te souviens, c’est le dessert qu’on a mangé au resto !""
À Yozora, le menu ne dévoile pas le dessert. Seul le nom de l’artiste est indiqué. "Quand les clients voient leur assiette, 80 % du boulot est fait ! En général, ils adorent. C’est amusant, décomplexé, c’est ce qu’on veut. Ensuite, à nous de faire des associations de saveurs qui correspondent à notre charte gustative."
La peau de banane est ici un trompe-l’œil en chocolat blanc. À l’intérieur, une mousse à la banane parfumée à l’estragon et un cœur de praliné. À côté, une glace à la banane caramélisée, saupoudrée d’estragon. Quant au scotch, il s’agit d’un gel de lait et de vinaigre de peau de banane. "On a des moyens limités, donc on doit ruser, trouver des solutions techniques adaptées. »
Le prochain dessert, en cours de conception, s’inspirera de l’œuvre de Jeff Koons "L’Hermaphrodite". "Pour ce type de création, tout part du visuel. Ensuite, on imagine les goûts. Il nous faudra de beaux acides lactiques, citriques, des agrumes, un peu d’umami… et on sera bons !"

L'Hermaphrodite de l'artiste Jeff Koons sera la prochaine oeuvre à être déclinée en dessert par le chef Charles Coulombeau et son équipe, à Metz.
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