
© Canva
Au Luxembourg, le tutorat proposé par Nyki cherche à combler les lacunes éducatives des familles à faible revenu, en luttant contre les inégalités.
L'éducation parallèle, qui comprend des activités comme les cours particuliers, l'apprentissage en ligne et la préparation aux examens, vise à améliorer les performances académiques. Bien qu'elle soit bénéfique pour réussir aux examens et tests d’entrée universitaires, elle pose des questions d’équité éducative.
Une des principales préoccupations est que les foyers à revenus élevés ont un meilleur accès à ces soutiens, contrairement aux foyers modestes, créant ainsi une inégalité économique qui se traduit en inégalité académique. C’est pour contrer ces disparités qu'une entrepreneure sociale luxembourgeoise, Laure Talavet-Omont, a cherché une solution.
"Apprendre à étudier est essentiel pour chaque élève", explique-t-elle. "Au Luxembourg, de nombreux élèves étudient dans une langue qui n’est pas leur langue maternelle, ce qui complique encore plus les choses." Elle souligne également que le soutien scolaire, soumis à la loi de l'offre et de la demande, accroît les inégalités sociales, car seules les familles aisées peuvent se permettre des cours de meilleure qualité et en plus grand nombre.
Cette demande est renforcée par des statistiques comme celles du Rapport de suivi de l'éducation et de la formation 2022 de la Commission européenne. Ce rapport indique qu’en 2021, "27 % des élèves de 15 ans" au Luxembourg avaient des lacunes en compréhension écrite, mathématiques et sciences, un taux supérieur de 5 % à la moyenne européenne.
Pour remédier à cette situation, Mme Talavet-Omont a fondé Nyki (Now You Know It) il y a près de six ans. L’objectif est de rendre le tutorat plus accessible en ajustant les tarifs en fonction des ressources des familles. Nyki offre des réductions allant de 10 % à 100 % pour les foyers les plus défavorisés. "Souvent, ces familles n’ont tout simplement pas accès au soutien scolaire, et nous cherchons à combler ce fossé avec des prix adaptés", explique-t-elle.
Inégalités sociales
"Le tutorat accentuait les disparités sociales, et c’est là que l'entrepreneuriat social trouve tout son sens : proposer des solutions nouvelles aux défis de notre société. Notre objectif est de réduire ces inégalités en garantissant l’accès à des cours de qualité pour tous, quel que soit le revenu," explique Laure.
Nyki, entreprise à but non lucratif sous forme de SIS (Société d'Impact Sociétal), réinvestit la majorité de ses bénéfices dans la société tout en ayant la possibilité de recevoir des investisseurs. Récemment, elle s'est associée à la plateforme luxembourgeoise de crowdfunding "eticrowd" pour lancer une collecte de fonds, avec un objectif de 30,000€ à atteindre d’ici le 17 juillet. Les fonds seront utilisés pour améliorer les services offerts aux élèves, âgés de six à 20 ans, couvrant des matières variées comme les mathématiques et les langues.
Bien que six ans puisse sembler jeune pour des cours supplémentaires, Laure souligne que les parents souhaitent souvent renforcer les compétences linguistiques de leurs enfants. "Certains élèves ont besoin de soutien en anglais pour suivre leur scolarité dans une école internationale, tandis que d'autres, souvent dans les écoles locales, cherchent à mieux maîtriser le français ou l'allemand."
Le défi majeur, selon elle, réside souvent dans la maîtrise de la langue d’apprentissage. Nyki propose des cours inclusifs et abordables, accessibles à tous, peu importe le niveau de revenu. Cette approche est particulièrement pertinente au Luxembourg, où 1 habitant sur 15 est millionnaire, mais où 1 enfant sur 4 est menacé de pauvreté.
Le coût d’un cours particulier varie entre 40 € et 57 €, avant réduction. En 2023, 23,5 % des élèves ont bénéficié de réductions sur 31 % des cours dispensés. "Cela montre que lorsqu’ils en ont l’opportunité, les élèves profitent des solutions que nous proposons pour rattraper leur retard," conclut Laure.
Désengagés et démotivés
“De nombreux élèves que je rencontre ont des difficultés en mathématiques, en grande partie à cause de la langue d'apprentissage. Pour beaucoup, les maths sont enseignées dans une langue étrangère, ce qui ajoute une complexité supplémentaire. La langue est souvent le premier obstacle qui en cache d'autres," explique Laure
Un autre défi majeur est le manque de confiance en soi des élèves : "Beaucoup ont été convaincus pendant des années qu'ils sont mauvais en maths. Mon premier objectif est de leur montrer que ce n'est pas vrai. Parfois, ils ont simplement besoin d'apprendre d'une autre manière."
Elle se souvient d'un adolescent qu'elle a accompagné, qui avait de mauvaises notes en maths, mais rêvait de devenir ingénieur. Plutôt que de renoncer à son rêve, ils ont travaillé ensemble pendant ses deux dernières années de lycée, et ses notes sont passées de 6/20 à 13/20. Il a finalement réussi à intégrer l'école d'ingénierie de son choix.
L'impact social de Nyki est clair lorsque des élèves surmontent de tels obstacles. Encourager ces jeunes à reconnaître leurs progrès est essentiel à l'approche du tutorat. "Il est important de redéfinir notre notion de réussite. Souvent, on l'associe à un statut social ou à un revenu élevé, mais la réussite, peu importe d’où l’on vient, peut aussi signifier trouver un équilibre dans sa vie. Nous essayons de leur rappeler cela, et de les aider à construire leur propre définition de la réussite."