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Au Luxembourg, le cadre juridique place l’intérêt des enfants au cœur des procédures de divorce, veillant à préserver leur stabilité et à les protéger.
Le divorce est une épreuve souvent marquée par des tensions et des bouleversements émotionnels, notamment pour les enfants, qui peuvent se retrouver pris au milieu des conflits parentaux. Au Luxembourg, la législation met un point d’honneur à préserver leur bien-être, en veillant à ce qu’ils restent au cœur des décisions prises en cas de séparation.
Avec la hausse des divorces, le cadre juridique du pays est conçu pour garantir les droits des enfants et leur offrir une certaine stabilité, malgré les changements au sein de leur famille.
Pour mieux comprendre la procédure légale à suivre après une séparation, RTL Today a rencontré Olivier Wies, avocat au cabinet Wies Law à Luxembourg.
Autorité parentale
Au Luxembourg, l'autorité parentale regroupe l'ensemble des droits et devoirs visant à garantir l'intérêt supérieur de l'enfant, en assurant sa sécurité, sa santé, son éducation et son développement.
L'article 372 du Code civil définit cette autorité comme un cadre destiné à protéger ces intérêts essentiels, tandis que l'article 374 établit le droit de l'enfant à entretenir des relations personnelles avec ses ascendants, notamment ses grands-parents. Ce principe repose sur la réciprocité, à moins qu'il ne soit en conflit avec l'intérêt supérieur de l'enfant.
Par ailleurs, l'article 378 permet au juge d'accorder des droits de visite et d'hébergement à des tiers, qu'il s'agisse de membres de la famille ou de personnes sans lien de parenté, dès lors qu'ils justifient d'un lien affectif significatif avec l'enfant. Cette disposition s’avère particulièrement pertinente pour ceux qui ont partagé la vie de l’enfant sur une longue période ou joué un rôle clé dans son éducation. Elle permet également à un enfant de saisir le tribunal afin de maintenir ces liens.
Le cadre juridique luxembourgeois reconnaît ainsi l'importance de préserver les relations essentielles dans la vie d’un enfant. Le juge aux affaires familiales veille à ce que les modalités de garde et de visite respectent son bien-être.
Ce système joue un rôle d’autant plus crucial dans les affaires transfrontalières, où la coopération entre juridictions contribue à garantir la stabilité et les droits de l'enfant, souligne Olivier Wies.
Rôle du juge aux affaires familiales
Au Luxembourg, le juge aux affaires familiales joue un rôle central dans les décisions liées à l'autorité parentale. Il veille à l’organisation de l’autorité conjointe ou exclusive après une séparation ou un divorce, définit les droits de visite et de résidence, et encadre les contacts de l'enfant avec sa famille. Il est également chargé des pensions alimentaires, en veillant à ce qu'elles soient ajustées en fonction des ressources de chaque parent.
Les principales missions du juge aux affaires familiales incluent :
- L'exercice de l'autorité parentale : Il fixe les modalités d’exercice de l’autorité parentale conjointe, que les parents soient mariés, séparés ou divorcés. L’autorité parentale exclusive n'est accordée qu’en cas de nécessité pour garantir l’intérêt supérieur de l’enfant.
- Le droit de visite et d’hébergement : Même lorsqu’un parent est privé de l’autorité parentale, il conserve généralement un droit de visite et d’hébergement, sauf en cas de motifs graves.
- Le maintien des liens familiaux : L’enfant a le droit d’entretenir des relations personnelles avec ses ascendants, notamment ses grands-parents. Ce droit ne peut être limité que si cela est jugé contraire à son bien-être. Si nécessaire, le tribunal détermine les modalités de ces contacts.
- Les droits de visite et de résidence pour d’autres personnes : Dans des circonstances exceptionnelles, ces droits peuvent être accordés à des tiers, qu’ils soient ou non de la famille.
- L’obligation alimentaire : Tant que les parents vivent ensemble, ils partagent la responsabilité des besoins de l’enfant. En cas de séparation, cette obligation peut être remplie par le versement d’une pension alimentaire, calculée en fonction des besoins de l’enfant et des capacités financières de chaque parent. Cette obligation peut se poursuivre après la majorité de l’enfant s’il n’est pas en mesure de subvenir à ses propres besoins.
Considérations transfrontalières
Lorsqu’un enfant ou l’un des parents réside à l’étranger, ou que les membres de la famille sont de nationalités différentes, les questions de responsabilité parentale relèvent de réglementations et conventions internationales, notamment le règlement Bruxelles IIb et la Convention de La Haye du 19 octobre 1996.
Ces cadres juridiques visent à assurer une coopération efficace entre les pays, garantissant que l’intérêt supérieur de l’enfant demeure une priorité, même au-delà des frontières. Concrètement, c’est la loi du pays où l’enfant réside habituellement qui s’applique aux décisions relatives à la responsabilité parentale. Ce principe permet d’aligner les décisions juridiques sur la réalité quotidienne de l’enfant, en tenant compte de son environnement familial et social.
Si l’enfant change de résidence habituelle, c’est la loi de son nouveau lieu de vie qui prend le relais. Cela garantit une continuité et une sécurité juridique lors de la transition vers un nouvel environnement.
La nationalité de l’enfant ou des parents n’a aucune influence sur la loi applicable ou la juridiction compétente. Seul le bien-être de l’enfant prime, souligne Me Olivier Wies.
Si la filiation est reconnue pour les deux parents, ils exercent ensemble l'autorité parentale, qu'ils soient mariés, pacsés, séparés ou divorcés. En revanche, si la filiation n’est établie qu’à l’égard d’un seul parent, ou si l’un d’eux est décédé, absent ou dans l’incapacité d’exprimer sa volonté, l’autre parent assume seul cette responsabilité, précise Wies.
Taux de divorce élevé
Le Luxembourg affiche l’un des taux de divorce les plus élevés d’Europe, aux côtés de la Finlande, du Danemark et de la Suède, tandis que l’Italie et l’Irlande comptent parmi les pays où les divorces sont les moins fréquents, souvent sous l’influence de traditions religieuses. Dans un pays où prospérité, diversité et valeurs progressistes redéfinissent les relations, les attitudes envers le mariage et le divorce ont évolué.
"La richesse et la diversité culturelle du Luxembourg, combinées à des valeurs modernes, influencent la manière dont les couples vivent et parfois mettent fin à leur relation. Le divorce, bien que douloureux, peut être une opportunité de renouveau et de quête du bonheur personnel", explique Olivier Wies.
Au Luxembourg, le divorce repose sur le consentement mutuel ou la rupture du lien conjugal. Depuis 2018, le divorce pour faute n’est plus reconnu, bien que certains faits, comme la violence domestique, puissent avoir un impact sur la pension alimentaire ou les prestations financières.
"Ce taux élevé de divorce reflète à la fois une avancée sociétale et un défi. Il témoigne d’une plus grande liberté de choix et d’un meilleur soutien pour ceux qui souhaitent sortir d’un mariage malheureux", souligne Wies. Toutefois, il rappelle que les pressions de la vie moderne mettent également les relations à l’épreuve.
"Les attentes d’un bonheur constant se heurtent souvent aux réalités du quotidien. Entre les exigences professionnelles, les différences culturelles et le stress, de nombreux couples au Luxembourg font face à des défis considérables", ajoute-t-il.
Les données de l’OCDE suggèrent que dans les pays où le taux d’emploi est élevé, les individus bénéficient d’une plus grande indépendance financière, ce qui réduit la contrainte de rester dans une union insatisfaisante. La pandémie a exacerbé ces tensions, les confinements ayant mis en lumière des difficultés relationnelles, des inquiétudes financières et des conflits autour de la garde des enfants et de la santé.
"Certains ont cherché du réconfort sur les réseaux sociaux, mais cela a parfois entraîné davantage de malentendus et de conflits", explique Wies.
L’accès à des services de conseil et à une thérapie familiale peut être un levier essentiel pour aider les couples à mieux gérer leurs difficultés. "Ces ressources offrent un cadre constructif pour affronter les épreuves de la vie à deux et trouver des solutions adaptées", conclut-il.