Deux mères luxembourgeoises alertent sur les règles "restrictives" du congé parental.
Chelsea Bain, résidente de Mersch, a partagé avec RTL Today son expérience lorsqu’elle a voulu demander un congé maternité, puis un congé parental, après avoir appris qu’elle était enceinte.
Après avoir quitté son poste chez Amazon en décembre 2024, Chelsea a pris deux semaines de repos avant de commencer un nouvel emploi en janvier. C’est au cours de cette période de transition qu’elle a découvert attendre son deuxième enfant.
La responsable du recrutement de sa nouvelle entreprise lui a conseillé de contacter la CNS pour entamer les démarches administratives. Mais à sa grande surprise, Chelsea s’est vu répondre qu’elle ne remplissait pas les conditions pour bénéficier ni du congé maternité ni du congé parental. En cause : une interruption de cotisation de seulement 10 jours ouvrables dans son parcours professionnel.
Financièrement mal préparée
Chelsea décrit cette période comme "terrifiante", réalisant qu’elle risquait de rester sans revenu pendant cinq mois:
"J’étais sur le point de contacter ma banque pour suspendre le remboursement de notre prêt immobilier. Je suis le principal soutien financier de ma famille, et nous ne pouvons tout simplement pas nous permettre de perdre mon salaire", explique-t-elle.
En quête de réponses, elle s’est tournée vers un groupe WhatsApp de mères, où on lui a assuré qu’elle remplissait bel et bien les conditions pour bénéficier du congé maternité – à savoir avoir travaillé au moins six mois au cours des douze derniers mois.
Grâce à ce soutien, elle a également découvert d'autres témoignages inquiétants : certains parents s’étaient vu refuser un congé parental en raison d’une interruption de cotisations sociales, parfois liée à un licenciement.
Après avoir recontacté la CNS pour faire valoir ses droits, Chelsea a finalement obtenu la confirmation de son éligibilité au congé maternité. Un soulagement, certes, mais elle reste troublée : "Je me demande encore ce qui se serait passé si je n’avais pas insisté."
Congé parental
Si Chelsea a pu finalement bénéficier du congé maternité, l’interruption de dix jours dans ses cotisations sociales a compromis son droit au congé parental, qu’elle prévoyait de prendre plus tard dans l’année. "Malheureusement, je n’y avais pas droit, car j’avais interrompu mes cotisations pendant plus de sept jours entre deux emplois."
D’après les informations officielles de guichet.lu, le droit au congé parental nécessite une affiliation continue au régime luxembourgeois de sécurité sociale, sur base d’un contrat de travail, pendant au moins 12 mois consécutifs avant le début du congé. Toute interruption ne peut excéder sept jours au total durant cette période. Concrètement, une personne ayant travaillé sans interruption pendant 15 ans pourrait se voir refuser ce droit si elle a connu une pause de huit jours au cours de la dernière année.
Dans le cas de Chelsea, la situation reste toutefois partiellement favorable : "Mon mari pourra prendre le premier congé parental, et je le prendrai ensuite." Mais elle déplore une réglementation qu’elle juge "absurde".
Selon elle, le système devrait considérer la carrière dans son ensemble, plutôt que de se focaliser sur une coupure administrative ponctuelle : "On ne tient aucunement compte de vos années de cotisation ni des impôts versés. Si vous avez interrompu vos cotisations pendant plus de sept jours, vous perdez vos droits et devez retravailler un an complet."
Changement d'emploi
Aisling McCaffrey, mère de deux enfants vivant à Luxembourg-ville, a elle aussi été confrontée aux limites du système. Elle explique avoir "échappé au pire" après un changement d’emploi en septembre 2022.
À l’époque, elle envisageait de prendre une courte pause entre deux postes, mais son futur employeur a insisté pour qu’elle commence immédiatement. Ce contretemps s’est finalement révélé être une chance : peu après, Aisling a découvert qu’elle était enceinte de son premier enfant.
"Heureusement, je n’ai pas eu d’interruption dans mon parcours professionnel. J’ai donc pu bénéficier du congé maternité à partir de mai 2023, suivi du congé parental quelques mois plus tard. Mais si j’avais pris la pause que je souhaitais initialement, je n’y aurais pas eu droit", souligne-t-elle.
Depuis, son parcours professionnel dans "le monde instable des start-ups" a été marqué par des licenciements, entraînant une interruption de plus de sept jours dans ses cotisations. Une situation qui, selon elle, a "remis à zéro" ses droits au congé parental, avec des conséquences directes sur ses projets familiaux.
Un appel à la réforme du congé parental
Chelsea et Aisling souhaitent aider d'autres parents à éviter les pièges dans lesquels elles sont tombées, et appellent les législateurs luxembourgeois à élargir les critères d’éligibilité au congé parental en tenant compte de l’ancienneté professionnelle.
Elles estiment que le système actuel ne reflète pas les réalités modernes des parcours professionnels, où de courtes interruptions ou des transitions contractuelles peuvent empêcher des parents d’accéder à un congé auquel ils devraient pouvoir prétendre.
Selon elles, certains parents sont injustement exclus malgré une trajectoire professionnelle stable à long terme.
Elles suggèrent d’assouplir les conditions d’éligibilité en introduisant différents niveaux d’ancienneté, plutôt que d’exiger une période ininterrompue de 12 mois.
Elles estiment que cette règle pousse des individus ou des couples à reporter leur projet familial en cas de changement d’emploi, ce qui contribue à la baisse générale du taux de natalité.
"Dans ces situations, les nourrissons perdent un temps précieux avec leurs parents, qui ne peuvent légalement bénéficier du congé parental ou se permettre un congé non rémunéré. Cela nuit à la création du lien affectif dans les premiers mois et compromet les chances de réussite de l’allaitement."
"Pour les autres, qui continuent à travailler pour remplir les conditions, cela limite les perspectives de carrière et les oblige à rester dans un poste peu satisfaisant ou à refuser une promotion pour conserver une affiliation continue. C’est un impact psychologique et financier créé par les règles, non par les capacités ou les choix des personnes concernées."
Des femmes actives face à une loi rigide
En tant que mères investies dans leur parcours professionnel et souhaitant avoir plusieurs enfants, elles jugent la loi actuelle trop rigide. "Elle ne reflète pas la réalité du marché du travail aujourd’hui. Pour progresser, il est souvent nécessaire de changer d’emploi tous les deux ans."
Elles indiquent qu’elles travaillent actuellement sur une pétition visant à réformer les critères d’éligibilité au congé parental.
Contacté par RTL Today concernant l’affirmation de Chelsea selon laquelle elle n’aurait pas été correctement informée de ses droits au congé de maternité, le CNS a répondu : "Les agents du service concerné sont bien formés et en mesure de fournir des informations exactes."