Pas de pays à l'arrêt, mais la France connaît un 10 septembre sous tension mercredi avec des centaines de blocages ou de tentatives, contrées par les forces de l'ordre, et des dizaines de milliers de manifestants défilant contre l'austérité budgétaire et les inégalités. Du côté de la Lorraine, les frontaliers étaient peu mobilisés sur la question...
La France à l'arrêt : tel est le mot d'ordre du mouvement de grève interprofessionnel annoncé en France pour ce mercredi 10 septembre.
Des actions en Ile-de-France et en régions, des métropoles aux petites villes, étaient annoncées pour cette journée de mobilisation, selon une carte collaborative (www.cartedesagbfc.gogocarto.fr).
Mais le mouvement "Bloquons tout" peine à mettre le pays à l'arrêt pour exiger une autre politique.
En fin d'après-midi, le ministère de l'Intérieur recensait 175.000 participants sur 812 actions - 550 rassemblements et 262 blocages - lors de cette journée "Bloquons tout" relayée depuis plusieurs semaines par des citoyens sur les réseaux et soutenue par la gauche, la CGT et Solidaires.
Prochaine grève le 18 septembre
De nombreux manifestants bravaient encore la pluie dans la capitale en début de soirée, dans une ambiance festive place des Fêtes mais beaucoup plus tendue place de la République, où la police est intervenue vers 19h30, selon des journalistes de l'AFP. "On veut des services publics qui fonctionnent, plus d'impôts sur les riches moins d'impôts sur les pauvres, une plus juste répartition des richesses", a clamé à Paris Jean-Baptiste, 30 ans et salarié dans le social.
Après cette journée, soutenue seulement par la CGT et Solidaires du côté des syndicats, l'intersyndicale appelle à son tour les salariés à la grève le 18 septembre.
© AFP
A 11h, le ministère de l'Intérieur a recensé 29.000 participants sur 430 actions, dont 273 rassemblements et 157 blocages lors d'une journée de mobilisation atypique, née d'appels hétéroclites sur les messageries et les réseaux sociaux et centrée sur les efforts budgétaires envisagés par le gouvernement.
"C'est vraiment un ras-le-bol global sur ce qui se passe en France, sur le fait que les politiques n'écoutent pas les urnes", a déclaré à l'AFP Bastien, un étudiant de 23 ans, qui a défilé à Rennes au milieu de 10.400 personnes, selon la préfecture.
"Il y a un budget de l'Etat qui a été mal géré et on nous accuse d'être à l'origine de cette dette, et c'est à nous de travailler plus pour rembourser", a déclaré à l'AFP Juliette, travailleuse sociale à Clermont-Ferrand âgée de 30 ans, qui n'a "pas l'habitude" de manifester et n'est pas syndiquée.
Ce mouvement horizontal, sans chef de file identifié, rappelle celui des Gilets jaunes, il y a sept ans, mais rassemble des personnes plus jeunes et plus politisées, selon une récente enquête de la fondation Jean Jaurès.
A Nantes, Mahault, une éducatrice spécialisée de 52 ans en grève estimait que "les riches deviennent plus riches et les pauvres plus pauvres. Le changement de Premier ministre n'y changera rien, je n'en attends rien: c'est le même bord politique, la succession".
A la gare du Nord à Paris, la situation était tendue en fin de matinée avec les forces de l'ordre qui filtraient les entrées. Des manifestants assez jeunes arboraient des pancartes comme "le mépris déclenche la colère" tout en reprenant l'hymne des gilets jaunes "on est là, on est là, même si Macron ne veut pas nous, on est là !"
Dans les raffineries TotalEnergies, où la CGT avait appelé à faire grève, la mobilisation était "très faible", selon un responsable syndical à l’AFP.
Les agents de la Fonction publique d'Etat étaient 4,14% à faire grève mercredi, soit quelque 38.000 agents dont la majorité dans l'Education nationale.
Du côté du Grand Est, "le lycée Poincaré à Nancy a été bloqué par des étudiants et la plupart des grandes villes de Lorraine (Nancy, Metz, Epinal, Bar-le-Duc) ont été concernées par des opérations de blocage ou des rassemblements" résume le Républicain Lorrain. Qui précise que "aucune action violente n'est à déplorer, les manifestants cherchant à exprimer leur colère de manière pacifique et sans bloquer les automobilistes."
À Moyeuvre-Grande, des Gilets jaunes espéraient ranimer la flamme de la mobilisation d'octobre 2018, mais le Républicain Lorrain n'a compté que 25 manifestants : "Ce peu d'engouement, c'est vraiment inquiétant", constatait l'un d'eux.
La surveillance par drones en Moselle suspendue par la justice
Le tribunal administratif de Strasbourg, saisie en urgence, a suspendu mercredi un arrêté préfectoral qui avait autorisé en Moselle la surveillance par drones des manifestations organisées par le mouvement "Bloquons tout", au motif que la "zone de survol" autorisée était trop large.
L'arrêté du préfet de la Moselle, daté de mardi, "portait, de manière générale et sans justification de la réalité du risque, sur une zone de survol très large", comprenant Metz et huit communes avoisinantes. En outre, le préfet n'a pas apporté "la preuve que les objectifs de maintien de l'ordre ne pouvaient être atteints sans recourir à l'utilisation des drones", a-t-il souligné.
Le tribunal a donc donné raison aux requérants, le Syndicat des avocats de France, le Syndicat de la magistrature et l'Association de défense des libertés constitutionnelles, qui l'avaient saisi en arguant notamment d'une "atteinte grave au droit au respect de la vie privée" et aux libertés de manifestation et "d'aller et venir".
Blocages annoncés dans les secteurs frontaliers : peu suivis d'effets
Ce mercredi, dans les secteurs frontaliers du Luxembourg, plusieurs actions figuraient sur la carte collaborative. Notamment sur l'autoroute A31, à Metz, Longwy, Thionville... Pour l'heure, ces appels ont été peu suivis.
- A31 : un point de blocage, intitulé "blocage total vers Luxembourg" était inscrit à hauteur de Kanfen. Il n'y avait pas d'heure précisée et il a été retiré de la carte depuis. Aucun blocage n'a été signalé à 12h.
- A31 : des annonces de "suppression" des radars automatiques du viaduc de Beauregard (A31) et de Cattenom/Koenigsmacker (route départementale) ont été postées. La circulation reste habituelle à 12h ce mercredi.
- A30 : un point de blocage était aussi prévu sur l'A30 à proximité de Thionville. Celui-ci a également disparu. Ce mercredi vers 12h, le trafic y était fluide.
- Un autre a été ajouté à Frisange, sur la départementale qui mène à Roussy-le-Village. Ce mercredi vers 12h, il ne semblait pas y avoir encore de blocage à ce niveau.
- Metz : un petit cortège a défilé dans le centre-ville ce mercredi matin. Et des rassemblements étaient prévus devant la préfecture de la Moselle (à 11h) et sur la place de la République à 14h. Des blocages étaient également annoncés autour du site d'Amazon, au plateau de Frescaty.
- Longwy : un rassemblement a débuté à 9h ce matin, place Darche. Un journaliste de RTL était sur place (à lire plus bas).
- Hagondange : la CGT a appellé au rassemblement à 11h devant l'usine Novasco, dont l'avenir est menacé.
- Augny : à 9h, un journaliste de RTL a constaté qu'aucun blocage n'était signalé sur la zone commerciale d'Augny/Actisud, où les gilets jaunes avaient longtemps occupé les ronds-points lors de leurs premiers rassemblements.
Sur la carte collaborative, plusieurs actions sont déjà annoncées, et certaines ont été retirées depuis, comme ce "blocage total vers Luxembourg" qui était annoncé sur l'A31. / © carte collaborative
Longwy : "On ne veut pas bloquer les frontaliers"
Plusieurs dizaines de personnes, certaines vêtues de gilets jaunes, se sont réunies sur la place Darche à Longwy ce mercredi matin pour manifester conte la politique d'Emmanuel Macron. Un de nos journalistes s'est rendu sur place.
"On est plus solidaires lorsqu'il y a une coupe du monde ou lorsque Johnny Hallyday décède que lorsqu'il faut se serrer les coudes" a regretté un manifestant.
Si Longwy a effectivement droit à son rassemblement, certains notent que le lieu est mal choisi. "Ce n'est pas à Longwy qu'il faut manifester car ici, tout le monde est frontalier et a les yeux tournés vers le Luxembourg, il faudrait aller ailleurs. Moi je veux qu'on bloque les autoroutes, qu'on bloque l'A31 et qu'on fasse c**** les Belges, les Français, les Luxembourgeois..."
Un retraité d'Herserange, présent sur place, n'a pas caché sa colère face aux "écarts qui grandissent entre les pauvres et les riches". "Quand on voit ce qu'il nous reste à la retraite en France, c'est une misère" a-t-il dénoncé. "Une fois qu'on a tout payé, les assurances, les charges, la voiture, il nous reste à peine de quoi tenir, et il n'y a pas de médecin..."
Un manifestant retraité, se présentant sous le nom de Patrice et expliquant être à l'origine d'une partie de l'organisation de la manifestation, déclare encore "que le but n'est pas de bloquer les autoroutes et les frontaliers qui bossent. L'idée est plutôt de créer un sursaut en France et de participer. Mais on ne se fait pas d'illusions, il y aura plus d'actions du côté de Paris que dans les territoires frontaliers".








Les perturbations sur les rails
Selon les informations connues à ce stade, voici les perturbations connues et annoncées par les CFL:
- la circulation des trains CFL à destination de Longwy (ligne Luxembourg – Bascharage-Sanem – Rodange – Longwy) sera concernée par ce mouvement de grève. Ainsi le mercredi, 10 septembre 2025, Aucun train ne circulera entre Rodange et Longwy (dans les deux directions), les trains de la ligne Luxembourg – Bascharage-Sanem – Rodange – Longwy auront leur départ/terminus en gare de Rodange. Les trains CFL à destination d’Athus continueront de circuler normalement.
- La ligne Luxembourg – Thionville – Metz n’est, à ce stade, pas concernée par ce mouvement de grève (sous réserve de modification ultérieure). Les trains régionaux de cette ligne ainsi que les TGV devraient donc circuler normalement, avec un service de bus de remplacement entre les gares de Bettembourg et de Luxembourg (dans les deux sens) en raison des travaux d’été menés par les CFL jusqu’au dimanche 14 septembre inclus.
Les voyageurs qui désirent se rendre en France au départ de Luxembourg (et vice-versa) doivent vérifier les éventuelles perturbations via www.cfl.lu, via l’application CFL mobile ou le site TER Grand Est (à partir de ce mardi 9 septembre 17 heures).