
Une manifestation en soutien à l'inscription de l'IVG dans la constitution avait été organisée devant la chambre des députés à la mi-septembre 2025. / © Céline Eischen / RTL
Les débats menés à la Chambre ont conduit les députés à trouver un compromis sur l'avortement. Ce lundi, ils se sont mis d'accord pour l'inscrire dans la constitution en tant que "liberté".
Il a fallu trouver un compromis, mais c'est une victoire "symbolique". Ce lundi 6 octobre, la proposition de révision de la constitution portée par Marc Baum a obtenu le consensus tant attendu : une majorité de députés ont trouvé un terrain d'entente et donneront leur accord pour inscrire l'avortement dans la constitution luxembourgeoise.
1/ L'avortement ne sera pas un "droit" mais une "liberté"
Le député déi Lénk avait axé sa proposition sur le "droit" à l'IVG, mais le compromis politique nécessaire pour mener le projet à son terme l'a transformé en "liberté".
"Je suis satisfait car la différence entre les deux termes n'est pas grande. Le texte va passer, c'est le plus important" a réagi Marc Baum pour RTL Infos ce mardi. "Il fallait trouver ce compromis pour que la droite puisse voter" ajoute-t-il en référence au soutien indispensable de la majorité gouvernementale, puisque 40 députés au moins sont nécessaires pour faire passer le texte.
Lors de la commission des institutions de ce lundi 6 octobre, l'ensemble des partis ont montré leur soutien à cette proposition. À l'exception de l'ADR, qui la juge "pas utile".

© Chambre des députés / Flickr
2/ Que dit le nouveau texte qui a obtenu
La proposition de révision de Marc Baum voulait garantir, dans l'article 15 de la constitution, le "droit" de recourir à l'interruption volontaire de grossesse. Un amendement porté par la majorité gouvernementale, qui a conditionné son soutien à l'initiative de Marc Baum, consacre finalement la "liberté" d'avoir recours à l'IVG.
Le député se satisfait également que son texte n'ait pas été chamboulé, puisque les députés ont validé la "liberté d'avoir recours" à l'IVG, et non pas "la liberté des femmes d'avoir recours". "C'est plus inclusif" mesure le député déi Lénk. "On garde le principe du texte." Qui est de protéger les acquis, les "libertés" des femmes.
Lorsque le texte sera voté, il protégera un peu plus l'avortement puisqu'il faudra plus de 40 députés pour le faire disparaître de la constitution. Même si, comme l'explique le constitutionnaliste Luc Heuschling, des attaques sont toujours possibles.
3/ La contraception, le pas en arrière des négociations
L'accord sur l'interruption volontaire de grossesse n'a toutefois pas permis de conserver l'autre volet du projet : la contraception. Qui ne sera donc pas inscrite dans la constitution.
"C'est dommage, ça aurait été plus complet" reconnaît Marc Baum. "Il n'y avait aucun moyen de le faire avec le CSV et le DP. Mais on peut vivre avec cette solution, je retiens la finalité."
Il fallait une "solution" que la majorité des députés pouvait voter, remarquait justement Sven Clément (Piraten) ce lundi. Tandis que Simone Beissel (DP) a jugé que la constitution devait être "claire et limpide".

La contraception, gratuite au Luxembourg, a finalement été écartée du texte qui sera ajouté à la constitution. / © AFP
4/ Un symbole fort
Cet accord obtenu après de "nombreuses discussions et négociations" fera du Luxembourg le 2e pays au monde à inscrire l'interruption volontaire de grossesse après la France.
"Je me réjouis qu'une grande majorité [de députés, ndlr] soutienne ce texte, c'est fort comme symbole. Car finalement, le sujet n'a pas prêté au clivage."
Les députés n'ont d'ailleurs pas manqué de rappeler que la pratique d'une IVG restait un acte "important" qui ne devait pas être banalisé mais "protégé".
5/ La liberté de conscience des médecins n'a jamais été attaquée
Les discussions s'étaient montrées animées sur les termes de "droit" et de "liberté". En partie en lien avec la liberté de conscience des médecins, qui est protégée par la loi puisqu'aucun d'entre eux n'est forcé de réaliser une IVG.
Sa constitutionnalisation n'y changera rien. La loi étant claire : aucun médecin, ni aucun autre professionnel de santé, ne peut être "tenu" de "pratiquer" ou "concourir" à une IVG.

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6/ Qui s'est prononcé contre le projet de constitutionnalisation de l'avortement ?
Le sujet aurait pu paraître clivant, voire explosif. Il n'en a rien été. À l'exception de l'ADR, les partis luxembourgeois ont œuvré pour l'obtention d'un accord. Notamment grâce à la majorité, qui ne portait pas le projet mais qui a eu l'élégance, pour ne pas dire le bon sens, de ne pas le stopper. "Renforcer la liberté des femmes, c'est l'intention du CSV" a commenté Alex Donnersbach en commission.
Idem pour les avis sollicités auprès des institutions et des membres de la société civile. Le Conseil d'État a été un des grands soutiens du texte, puisque ses membres avaient validé "à l'unanimité" la première version.
Seule l'œuvre pour la protection de la vie naissante, une asbl pro-vie, a repoussé l'idée. Tout comme le cardinal Hollerich, dont les propos sur RTL ont suscité de nombreuses réactions.
7/ Quelle est la prochaine étape ?
Les députés ayant marqué leur accord avec l'amendement faisant de l'IVG une "liberté", le texte est désormais renvoyé devant le Conseil d'État. Qui s'était déjà prononcé à l'unanimité pour son inscription dans la constitution lorsque le texte indiquait encore le terme "droit".
"Je ne vois pas vraiment d'obstacle" se réjouit Marc Baum, qui espère que le texte puisse être définitivement voté "début 2026". Et accordera, enfin, la protection supplémentaire tant attendue pour l'IVG.
Car comme l'ont reconnu les députés, les droits des femmes peuvent être attaqués "et pas seulement aux États-Unis, mais aussi en Europe" a rappelé Sam Tanson. Face à cette menace qui n'est pas arrivée au Luxembourg, mais dont on ignore si elle s'y installera un jour, les députés auront au moins trouvé cette "clause de non-régression" souhaitée par Marc Baum. Pour les femmes, c'est déjà une victoire.