Ce samedi, le cardinal Jean-Claude Hollerich s'est entretenu avec nos collègues de RTL Radio, déplorant que l'inscription du droit à l'avortement dans la Constitution luxembourgeoise serait "un jour triste dans l'histoire du Luxembourg".

Ses commentaires interviennent alors qu'un projet de loi du parti de gauche (Déi Lénk), qui a déjà reçu l'approbation du Conseil d'État, bénéficie du soutien de nombreux députés, syndicats et organisations.

En faveur du projet de loi, une manifestation organisée par Planning Familial et CID Fraen an Gender est prévue lundi matin devant la Chambre des députés.

Le cardinal Hollerich a explicitement mis en garde contre cette modification constitutionnelle, arguant qu'elle pourrait "pousser les gens vers l'extrémisme de droite". Il a estimé que, puisque l'avortement est déjà légalement autorisé au Luxembourg, l'inscrire dans la Constitution reviendrait à "imposer une opinion à la population".

Il a notamment exprimé sa crainte que les médecins ne puissent plus refuser de pratiquer cette intervention et a déclaré "connaître des femmes de tous âges qui s'opposent à cette initiative". Le cardinal a averti qu'une telle mesure pourrait donner à la démocratie libérale luxembourgeoise "les caractéristiques d'un système totalitaire" en imposant un point de vue à ceux qui ne sont pas d'accord. Il estime que cela pourrait créer une minorité catholique mécontente qui "ne se sentirait plus à l'aise" dans le pays.

Tout en précisant qu'il n'est pas favorable à la punition des femmes qui avortent, le cardinal a réitéré son opposition claire à l'intervention elle-même. Il a conclu en appelant les responsables politiques à réfléchir aux conséquences à long terme de cette décision.

Scandale Caritas

Le cardinal Hollerich a déclaré qu'outre les conflits mondiaux et les crises des réfugiés, la dissolution de Caritas pesait lourdement sur lui. Le religieux jésuite a souligné que l'organisation était victime d'une fraude, et non la responsable de celle-ci.

Le cardinal a également proposé une rétrospective critique de sa propre gestion du scandale après sa révélation à l'été 2024. Il a partiellement confirmé les révélations du podcast Radio 100,7 sur l'affaire, y compris sa chronologie, reconnaissant qu'il était probablement au courant des irrégularités plus tôt qu'il ne l'avait initialement déclaré. Mgr Hollerich a précisé que cette prise de conscience précoce lui était venue par le biais de brefs messages reçus alors qu'il se trouvait au Bénin, dont il affirmait ne pas avoir pu tirer de détails substantiels.

Dans la foulée, il a notamment exigé la démission de l'ensemble du conseil d'administration de Caritas le 25 juillet 2024, une exigence qu'il a ensuite retirée après que ses conseillers l'aient averti que cela laisserait l'organisation sans personne pour la diriger. Mgr Hollerich a également admis avoir brièvement discuté de la question avec le Premier ministre Luc Frieden en marge d'une autre conversation.

Avec le recul, le cardinal reconnaît aujourd'hui qu'il aurait pu se montrer plus proactif et qu'il aurait dû enquêter personnellement sur la situation. Il a attribué son hésitation initiale à une "attitude asiatique" de patience et de non-ingérence, développée au cours de ses années passées au Japon, mais a admis que cette approche était inappropriée dans le contexte de la crise.

Tout en affirmant qu'une ligne de conduite différente n'aurait probablement pas changé le résultat, il a reconnu qu'elle aurait pu améliorer l'image publique de l'Église. Mgr Hollerich a également regretté que l'archidiocèse n'ait pas eu les fonds nécessaires pour sauver Caritas financièrement, soulignant que la séparation de l'Église et de l'État avait laissé le petit diocèse avec une marge de manœuvre financière réduite.

Restructuration de l'Église

Le cardinal Hollerich a annoncé un changement important dans le fonctionnement de l'Église au Luxembourg, passant d'un modèle de gestion descendant à une approche ascendante et synodale.

Cette restructuration vise à revitaliser l'Église en permettant aux membres baptisés d'assumer une plus grande responsabilité et de participer aux décisions concernant son avenir.

Cependant, Mgr Hollerich a souligné que l'Église n'est pas un "club de consommateurs", laissant entendre que l'adhésion implique un devoir de contribution. En raison des difficultés financières persistantes du diocèse, il a indiqué qu'il serait finalement "inévitable de demander aux membres un soutien financier direct, une pratique établie de longue date dans d'autres pays".

Le cardinal a confirmé que les pressions financières nécessiteront la fermeture d'autres églises, en plus des 140 déjà fermées. S'adressant aux communautés qui souhaitent conserver leur église locale, Mgr Hollerich a lancé un message direct: "alors vous devez aussi aller à l'église de temps en temps, mes chers amis".

Il a ensuite nuancé cette déclaration, reconnaissant que l'Église doit également améliorer son offre et moderniser ses liturgies afin que les fidèles puissent se reconnaître dans les offices.

Pour financer ses activités, y compris les salaires de ses quelque 100 employés, le diocèse dépend de plus en plus de ses propriétés et agit désormais comme un promoteur immobilier. Mgr Hollerich a regretté que tous les appartements ne puissent pas être loués à des loyers sociaux, déclarant simplement: "l'argent doit bien venir de quelque part".

Éloge des dirigeants du pays

Mgr Hollerich a exprimé son soutien sans réserve aux dirigeants politiques et royaux du Luxembourg, qualifiant le Premier ministre et ministre des Affaires religieuses Luc Frieden de "très intelligent". Mgr Hollerich a déclaré qu'il était convaincu que le politicien du Parti chrétien-social (CSV) comprenait le rôle important que joue la religion dans la société.

Le cardinal a également révélé qu'il entretenait de bonnes relations avec la famille grand-ducale, en particulier avec le grand-duc Henri et son successeur, Guillaume. Il a décrit ces deux personnalités comme des personnes "profondément religieuses" qui, selon lui, parviennent à séparer leur foi personnelle de leurs fonctions officielles. Mgr Hollerich a ajouté qu'il entretenait également de bonnes relations avec la grande-duchesse Maria Teresa.

Plus généralement, Mgr Hollerich s'est présenté comme un fervent partisan de la monarchie, qu'il considère comme une source essentielle de stabilité pour la nation. Il a conclu en affirmant que sans cette influence stabilisatrice, le pays serait plus susceptible de basculer vers l'extrémisme de droite.

Conclave: "une bonne expérience"

Le cardinal Hollerich a décrit le récent conclave papal comme une expérience positive, révélant qu'il était possible de discerner le successeur probable à la papauté avant même le début du vote. Il a caractérisé le pape Léon XIV comme une figure habile à jouer le rôle de médiateur entre les factions conservatrices et progressistes au sein de l'Église – un camp dans lequel Hollerich se range lui-même.

Bien qu'il ait trouvé le processus enrichissant, le cardinal s'est dit soulagé que la décision ait été prise efficacement, ne nécessitant que quatre tours de scrutin avant que la fumée blanche n'apparaisse au-dessus du Vatican.

En réfléchissant à son propre rôle, Mgr Hollerich a déclaré qu'il n'avait ni l'espoir ni le désir d'être élu pontife, un résultat qu'il attribue à ses positions progressistes bien connues. Aujourd'hui, il a indiqué qu'il envisageait certainement de prendre sa retraite, reconnaissant qu'en raison de son âge et de son état de santé, le moment viendrait tôt ou tard où il devrait se retirer.