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Le gouvernement vient de subir un revers sur son projet d'extension des heures d'ouverture des commerces. Le Conseil d'État a émis plusieurs objections majeures à la loi en préparation.
En parallèle d'une réforme des retraites dans laquelle il patauge, le gouvernement a un autre chantier important dont le parcours est tout aussi périlleux : l'extension des horaires d'ouverture des commerces le soir et le week-end.
En décembre 2024, l'équipe de Luc Frieden a approuvé un projet de loi pour permettre aux commerces d'ouvrir jusque 22h en semaine (contre 20h habituellement), et jusque 19h le dimanche (contre 13h actuellement). Ainsi qu'une dérogation facilitée pour ouvrir "en continu pendant vingt-quatre heures" deux fois par an.
Une "libéralisation" souhaitée par la coalition CSV-DP mais bien évidemment rejetée par les syndicats, qui y voient une réforme néfaste pour les travailleurs.

En tant que ministre de l'Économie, Lex Delles set celui qui a la responsabilité de ce projet de loi. / © RTL
Listes des commerces ouverts et jours fériés
Ce mardi 3 juin, le Conseil d'État a apporté un éclairage tranché sur le texte de loi.
Les nombreuses activités exclues et concernées par le texte de loi (voir notre encadré) laissent les conseillers du Conseil d'État perplexes. Ces derniers attendent désormais des "explications supplémentaires" du gouvernement, qui ne justifie pas suffisamment sa position selon eux.
Par ailleurs, une partie du texte de loi du gouvernement semble mal ficelé concernant les exclusions de certains commerces de la loi, notamment les commerces de gros (qui vendent à d'autres professionnels, ndlr).
Ainsi que pour l'ouverture lors de trois jours fériés bien précis : le 1er mai, le 25 décembre et le 1er janvier. La loi imposera la fermeture à tous, sauf aux "boucheries, boulangeries, pâtisseries, traiteurs et salons de consommation". Mais la loi mentionne encore que tous les autres commerces pourront quand même ouvrir s'ils concluent une convention collective. De quoi laisser le Conseil d'État dubitatif puisque le gouvernement fixe une interdiction pour ensuite y "déroger de façon très large".
Des oppositions qui vont freiner le projet de loi
Le principal obstacle au projet reste toutefois son principe : négocier les ouvertures au sein des entreprises, via des conventions collectives. En renvoyant la balle aux partenaires sociaux sur ce point, le gouvernement se dessaisit d'une compétence importante. Ce à quoi le Conseil d'État s'oppose formellement.
S'il passe sans sourciller sur la simplification pour ouvrir "en continu pendant vingt-quatre heures" deux fois par an, le Conseil d'État est également opposé au moyen trouvé par le gouvernement pour faire contrôler le respect de sa nouvelle loi : confier la mission à l’Administration des douanes et accises.
Les fonctionnaires se verraient ainsi confier un "pouvoir de police judiciaire", ce qui est possible au Luxembourg, mais que le Conseil d'État estime réservé "en principe" à des "experts" sur des sujets complexes. Or, contrôler l'ouverture des commerces aux bonnes heures ne correspond vraiment pas au niveau de "technicité" attendu par le Conseil d'État. Ces derniers devraient par ailleurs être directement mentionnés par le projet de loi et formés à cette mission, tranchent les conseillers. "Le Conseil d’État en est finalement à se demander s’il ne serait pas plus logique et plus efficace de laisser les membres de la Police grand-ducale, c’est-à-dire les officiers de police judiciaire et les agents de police judiciaire (...) œuvrer en la matière."
En l'état, le gouvernement va donc revoir sa copie. Ce qui va laisser du temps aux syndicats pour organiser la mobilisation contre ce projet de loi. Ce qu'ils ne manqueront pas de faire lors de la grande manifestation organisée par l'OGBL et le LCGB le 28 juin.