
© Domingos Oliveira / RTL
Le Premier ministre Luc Frieden a tenu ce mardi son deuxième discours sur l'état de la nation devant la Chambre des députés et a fait plusieurs annonces concernant la retraite, la flexibilisation du travail ou encore les gros efforts qui seront fait pour la défense de l'Europe. Voici ce qu'il faut en retenir.
"Le monde change à un rythme et avec une ampleur sans précédent . L’histoire s’écrit sous nos yeux." Le monde "change", il est "de plus en plus incertain" et "se durcit", a averti à plusieurs reprises le Premier ministre luxembourgeois ses concitoyens à travers un discours sur l'état de la nation axé sur l'idée de façonner un avenir au Luxembourg, en "unissant nos efforts" dans l'intérêt général.
La recette doit rester aux yeux de Luc Frieden, la même qui a toujours permis au Luxembourg d'avancer jusqu'ici: "Le progrès par la stabilité. La stabilité par le progrès". C'est d'ailleurs l'intitulé de la déclaration sur la politique générale faite ce mardi par Luc Frieden devant la Chambre des députés. Un discours avec quelques touches philosophiques, des réflexions sur les divergences d'opinions, mais empreint de réalisme.
De l'Histoire, il faut retenir deux leçons essentielles selon Luc Frieden: ce n'est pas en agissant les uns contre les autres, qu'on avance. Et l'espoir et une force motrice pour construire un avenir meilleur. Le Luxembourg doit échapper à tout prix à l'immobilisme, miser sur davantage de souveraineté et il dispose des "moyens de façonner la réalité et le monde qui l'entoure", en accord avec ses valeurs principales que sont la paix, la liberté et la justice.
Pour assurer la paix et la sécurité, le gouvernement veut aller plus loin en matière de défense et renforcer la résilience de la société qui passe par "une prise de conscience de chaque citoyen".
L'équité au sein de la société sera renforcée si des efforts sont faits pour "garantir une enfance épanouie" et "une retraite digne". Tout comme la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale "ouvre la voie à davantage de
choix et à plus d’égalité".
Pour continuer à créer la prospérité, le gouvernement continuera de miser sur l'’innovation et l’entreprenariat. Pour favoriser la durabilité, il entend renforcer plus nettement les efforts en faveur des énergies renouvelables.
La retraite reste à 65 ans, mais il faudra cotiser plus longtemps

© RTL
Après la vaste consultation sur le système de retraite lancée en octobre, "la ministre de la Sécurité sociale présentera ses propositions détaillées avant l’été", a annoncé Luc Frieden.
Le Premier ministre assure d'ores et déjà que son gouvernement n’introduira "pas de changements pour les personnes déjà à la retraite ou proche de la retraite". Et que les années d’études et les "baby years" seront toujours comptabilisés.
Comme la durée de la retraite est "presque équivalente à celle des années de cotisation", il est évident pour Luc Frieden que "cette situation n’est plus viable". Et comme le Luxembourg a l’âge de départ à la retraite réel le plus bas de tous les pays de l’UE et de l’OCDE (60 ans) "nous allons augmenter progressivement les années cotisables. La carrière nécessaire pour ouvrir le droit à une pension sera allongée progressivement de trois mois par an sur plusieurs années", a-t-il annoncé
Mais, l’âge légal de départ à la retraite "restera fixé à 65 ans", a-t-il promis. du coup, l’âge effectif de départ se rapprochera de l’âge légal de 65 ans.
Autres annonces: Une aide sociale ciblée sera créée pour les personnes risquant de basculer dans la précarité au moment de la retraite. Et les retraites privées seront rendues "plus attractives" pour ceux qui arrivent à épargner.
Une seule classe d’imposition: ça avance
Le gouvernement s’était engagé à proposer une seule classe d’imposition et "chaque modèle familial sera traité et imposé de la même manière", assure le Premier ministre.
Il n'a pas fait de nouvelle annonce au sujet de la réforme de la fiscalité attendue par nombre de ménages, tout juste expliqué que "les travaux préparatoires à ces réformes progressent bien", de sorte que le ministre des Finances présentera "dès juillet, différentes pistes à la Chambre et aux partenaires sociaux. L’une des pistes envisagées pourrait être un nouveau barème fiscal, proche de l’actuelle classe d’impôt 1A, accompagné d’une phase transitoire prolongée pour les contribuables mariés ou pacsés, afin qu’ils ne soient pas désavantagés".
Plus de flexibilité dans le travail

© Domingos Oliveira / RTL
Pour aller vers un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie privée, une révision du droit du travail est en cours. Il s'agit de faire des "ajustements ciblés, en phase avec notre époque", résume Luc Frieden. En prenant bien soin de préciser que ces changement ne seront "pas imposées d’en haut, mais en dialogue avec les partenaires sociaux" car "nous ne gouvernons pas en solitaire, nous privilégions l’échange", a-t-il lancé aux syndicats qui s'apprêtent à descendre dans la rue le 28 juin. Le Premier ministre souligne que "le désaccord fait partie du processus démocratique" et que "le dialogue n’implique pas nécessairement une codécision sur chaque point".
En ce qui concerne les heures d’ouverture et du travail dominical, le gouvernement ne propose "ni plus ni moins que d’accorder davantage de flexibilité aux commerces qui sont déjà autorisés à ouvrir le dimanche". Au lieu de limiter le travail à 4 heures, "il sera permis d’en effectuer jusqu’à 8. Ce sera permis, pas imposé. Les personnes travaillant dans ce secteur spécifique se verront accorder un supplément de 70 %".
Les heures d’ouvertures dans le commerce s’inscrivent "dans la même logique: offrir plus d’options et de choix. Mais ce n’est pas pour autant qu’un magasin de vêtements restera ouvert jusqu’à 22 heures".
Le gouvernement compte par ailleurs aussi présenter "cette année encore" la flexibilisation du congé de maternité et l’introduction du temps partiel familial. L’objectif est de permettre aux parents de consacrer plus de temps à leurs enfants durant les premiers mois et les premières années de leur vie.
La paix a un coût, le Luxembourg va accélérer ses efforts

© RTL
Les Ukrainiens "méritent notre soutien sans faille", car la grande question est celle de la paix en Europe. Et seule "une large alliance peut garantir une véritable sécurité", a répété Luc Frieden en rappelant que l’Union européenne et l’OTAN sont "garantes de notre paix".
Face à des États-Unis qui veulent "se recentrer sur eux-mêmes et emprunter une toute nouvelle voie", la solution s'appelle "une Europe souveraine". Pour cela, elle doit "prendre pleinement ses responsabilités en matière de sécurité" et le Luxembourg doit "prendre sa part", est convaincu Luc Frieden.
C'est donc "plus tôt que prévu" que le Luxembourg produira un effort conséquent pour contribuer au budget de l'OTAN. Après avoir consulté tous les partis, le gouvernement a "décidé de ne pas attendre 2030 pour atteindre l’objectif des 2 % consacrés à la défense fixé par l’OTAN, mais d’atteindre cet objectif dès la fin de cette année", a annoncé Luc Frieden.
Ce qui se reflètera dans le budget de l'Etat qui sera présenté en octobre et qui permettra d'arriver au niveau des efforts que produisent déjà "nos deux autres voisins, comme la plupart de nos Alliés" qui dépassent les 2 %.
Le financement de ces dépenses de défense se fera à travers un emprunt public ("defense bond"), une redéfinition des priorités de dépense et des ressources financières extrabudgétaires.
Une stratégie économique
Pour soutenir cet effort militaire, "nous avons besoin d’une stratégie économique", a expliqué le Premier ministre. Une stratégie fondée sur les atouts du pays, c'est-à-dire satellites et de la cybersécurité.
Le gouvernement a décidé de lancer un second satellite de communication à vocation militaire. Et le premier satellite luxembourgeois d’observation de la Terre "sera lancé cet été. Ainsi, notre Défense et nos Alliés pourront recevoir les premières images à usage militaire dès la fin de l’année".
Le but du gouvernement est de "créer un écosystème d’entreprises actives à la fois dans les domaines civil et militaire".
Résilience
Face à toutes sortes de crises que sont la pandémie du Covid-19, des inondations, des cyberattaques, ou plus récemment des coupures d’électricité au Portugal et en Espagne, "'il s’agit de renforcer notre résilience, en tant que société entière", c'est-à-dire que "chacun s’implique activement" à l'avenir, demande le Premier ministre.
En 2025, il compte encore présenter la "première stratégie nationale pour la résilience", accompagnée d’une campagne d’information. L'approche de cette stratégie de résilience sera holistique, promet-il. Et celle de la Finlande -d'où il revient- "qui mobilise l’ensemble de la société, est particulièrement inspirante".
Deux mesures concrètes sont déjà envisagées : la mise en place d’une nouvelle plateforme au sein du CGDIS, baptisée Resc-LU. Elle devra faciliter l’échange de compétences et de matériels spécialisés entre le CGDIS, les communes et les acteurs privés en cas de catastrophe. Et la modernisation du système de communication des services de sécurité et de secours.
La crise du logement est endiguée

© Domingos Oliveira / RTL
Une reprise du marché du logement "commence à se dessiner clairement. Les transactions de logements existants ont doublé au cours de l’année passée. Pour les logements neufs, elles ont été même multipliées par quatre. Les crédits immobiliers sont, eux aussi, en hausse", positive le Premier ministre.
Il reconnaît toutefois que la politique mise en place par le gouvernement "ne produit peut-être pas tous ses effets immédiatement", mais il se dit confiant sur le fait qu'elle permettra "de créer davantage de logements, mais aussi de les rendre plus abordables" à moyen terme.
Luc Frieden prévient que "l'État n'a pas pour rôle de soutenir indéfiniment le marché du logement", car "le marché doit se suffire à lui-même". Le dispositif fiscal temporaire ne sera pas prolongé.
Mais le crédit d'impôt sur les actes notariés ("bëllegen Akt") pour accéder à la propriété (40.000 euro) "sera maintenu" pour aider les jeunes familles à devenir propriétaire.
Il promet que la deuxième phase du "silence vaut accord", le règlement sur les bâtisses et la simplification des procédures PAG et PAP "seront présentées dans les mois à venir". Tout comme le gouvernement présentera "d’ici l’été" ses
propositions sur la taxe de mobilisation sur les terrains non bâtis en zone constructible.
Davantage de photovoltaïque et des éoliennes plus hautes

© envato
"En 2024, le nombre d’installations photovoltaïques a atteint un niveau record, avec 8.000 nouvelles installations mises en service. De l’énergie verte pour près de 30.000 foyers", a rappelé le Premier ministre qui veut continuer à développer le énergies renouvelables. Le projet de loi visant pour préfinancer des installations photovoltaïques est en route.
"Dès l’année prochaine", ce système de soutien sera étendu à d’autres aides "Klimabonus". Le ministre de
l’Environnement proposera, "d’ici l’été, de nouvelles améliorations dans le cadre du programme "Klimabonus Wunnen"", notamment pour les pompes à chaleur et la rénovation énergétique.
L'idée générale est de simplifier et accélérer les procédures pour que les projets, petits ou grands, soient réalisés plus rapidement.
Le Premier ministre voit un "immense potentiel le long de notre réseau autoroutier" car "jusqu’à 1.500 mégawatts pourraient y être produits". D'ailleurs "plusieurs projets concrets verront le jour dans les mois à venir", comme sur des murs anti-bruit et sur le parking P+R de Junglinster. Un projet de loi va aussi être déposé pour autoriser l’installation de
panneaux photovoltaïques dans les 25 mètres situés derrière la zone de sécurité de l’autoroute.
Pour les éoliennes, le Luxembourg va réduire les distances minimales aux routes et aux forêts et "autoriser la construction d’éoliennes plus hautes, plus performantes et capables de produire davantage d’énergie".